Communiqué de Presse Human Rights Watch
La République centrafricaine a franchi une étape importante en février dernier avec la tenue d’élections présidentielles largement pacifiques. Les élections législatives, dont on attend encore les résultats, se sont aussi déroulées dans un contexte essentiellement pacifique, offrant aux Centrafricains un nouveau degré de confiance dans l’avenir du pays.
La première tâche du nouveau gouvernement est immense : il s’agit de protéger les civils et de mettre fin aux violences sectaires. La situation dans la capitale, Bangui, reste extrêmement fragile et des violations graves des droits humains s’y poursuivent, ainsi que dans d’autres endroits dans le pays. Les rebelles de la Séléka majoritairement musulmans et les combattants anti-balaka principalement chrétiens continuent de s’affronter et de s’en prendre aux civils, souvent lors d’attaques menées en guise de représailles. Plus tôt ce mois-ci, les violences sectaires ont conduit à la mort d’au moins 11 civils près de Bambari.
Près de 900 000 personnes sont toujours déplacées, soit en tant que réfugiés dans les pays voisins, soit dans des camps et des communautés d’accueil dans le pays. Des dizaines de personnes continuent de mourir dans des sites reculés dans des forêts où l’aide humanitaire ne parvient pas du tout ou en quantité insuffisante. Les difficultés engendrées par les violences sont accentuées pour les personnes souffrant de handicap qui sont confrontées à un risque accru lorsqu’il s’agit de fuir pour leur sécurité ou d’accéder à des services de base comme des toilettes, de la nourriture et des soins médicaux dans les camps de déplacés.
Les camps de déplacés, protégés par le droit international, ont été la cible de meurtres menés en guise de représailles. En décembre, au moins huit personnes ont été tuées dans le camp de Ngakobo, dans la province d’Ouaka, lors d’une attaque menée par des combattants de la Séléka de l’Union pour la Paix en Centrafrique.
Les violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles constituent toujours une composante importante des violences. Human Rights Watch a documenté 29 cas de violences sexuelles qui ont eu lieu pendant les violences à Bangui entre le 26 septembre et le 17 décembre 2015. Onze de ces cas ont eu lieu dans et à proximité du camp de déplacés de M’Poko. Les survivantes de M’Poko ont raconté que des anti-balaka les avaient violées pour les punir d’avoir présumément acheté et vendu des marchandises à des musulmans. Beaucoup de survivantes n’avaient pas eu accès à des soins médicaux et psychosociaux essentiels.
L’impunité reste un des principaux moteurs de la violence. Jusqu’à présent, personne n’a été traduit en justice pour les graves violations des droits humains. En juin dernier, la présidente par intérim a signé la loi instaurant une Cour pénale spéciale, composée de juges et de procureurs nationaux et internationaux, qui mèneront des enquêtes et des poursuites concernant les graves violations des droits humains perpétrées dans le pays depuis 2003. Mais la cour n’est pas encore mise en place. L’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine a récemment déclaré : « Il faut que le peuple centrafricain puisse voir que ces promesses ne sont pas vaines ». Nous sommes d’accord et nous souhaiterions demander à l’Experte indépendante son évaluation des progrès et des difficultés rencontrées lors de l’établissement de la Cour pénale spéciale, et quelles mesures la communauté internationale peut prendre pour soutenir cette nouvelle institution.