Elu le 14 février premier président de la 6e République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra sera investi mercredi à Bangui et immédiatement confronté à l'urgence de redresser un pays en ruine
Plusieurs chefs d'Etat, ou leurs représentants, de la région et des délégations des principaux partenaires de Bangui (ONU, France,...) sont attendus à la cérémonie d'investiture qui va marquer la fin de la transition née du renversement en 2013 de l'ex-président François Bozizé par la rébellion majoritairement musulmane de la Séléka de Michel Djotodia.
Le pays avait alors sombré dans un cycle de tueries intercommunautaires, inédit dans son histoire pourtant tourmentée, amenant à une intervention militaire de la France - ancienne puissance coloniale - puis au déploiement d'une force de l'ONU. Ecarté du pouvoir pour son incapacité à mettre fin aux massacres, M. Djotodia avait été remplacé par Catherine Samba Panza, dont la gestion des affaires a été de plus en plus critiquée au fil des mois.
Formellement, la transition n'est cependant pas totalement achevée. Les Centrafricains ont certes adopté par référendum la Constitution de la 6e République et élu leur président, mais le Parlement n'est toujours pas en place. Le second tour des législatives, plusieurs fois reporté, est désormais prévu jeudi, le lendemain de l'investiture du chef de l'Etat. Dès l'annonce de son élection, M. Touadéra avait assuré "mesurer le poids de la charge" qui l'attend. Dernier chef du gouvernement de François Bozizé, ce professeur de mathématiques hérite en effet à 58 ans d'un très lourd passif, économique, sécuritaire et social.
La Centrafrique, un des pays les plus pauvres de la planète malgré son potentiel agricole et minier, "est restée coupée un moment de ses recettes, du fait de sa mise en coupe réglée par les groupes armés qui se sont érigés en douaniers, cadres des impôts...", constate un autre ancien Premier ministre, Enoch Dérant Lakoué, candidat à la présidentielle.
Pas de chèque en blanc
"Il est dans une position d'équilibriste au plan sécuritaire et il doit se livrer à un travail titanesque pour une relance économique", commente l'économiste centrafricain Achille Nzotènè, rappelant la listes des dossiers brûlants qui attendent M. Touadéra: rétablissement de la sécurité, désarmement des combattants des diverses rébellions, refondation de l'armée, redressement de l'administration. En cas d'échec, "le retour à la case départ sera fatal" dans un pays dont l'histoire est jalonnée de coups d'Etat, de rébellions, de mutineries depuis son accession à l'indépendance en 1960, prévient M. Nzoténé.
Comme ses prédécesseurs, le nouveau président sera largement dépendant de la communauté internationale pour assurer les fins de mois de l'Etat et sa sécurité. Dix mille Casques bleus et plusieurs centaines de soldats français sont actuellement déployés en Centrafrique, sous perfusion financière des bailleurs.
Confortablement élu au second tour avec 62,71% des suffrages contre 37,29% à son rival Anicet-Georges Dologuélé, alors qu'il ne faisait pas partie des favoris au début de la campagne, le président peut toutefois compter sur le soutien d'une population qui aspire à la paix. "Faustin-Archange Touadéra est le candidat du peuple. Il a tout le peuple avec lui, c'est déjà un atout considérable pour la reconstruction du pays, dans l'unité nationale", estime Murièle Nzondo, commerçante dans la capitale.
Mais échaudés par les crises à répétition dans leur pays, les Centrafricains ne semblent pas disposés à signer un chèque en blanc au président. "C'est vrai qu'il a la population avec lui. Mais ce n'est pas tout", dit Euloge Ngaté Linzonzo, étudiant: "Il est comptable de la gestion du régime Bozizé qui a foutu le pays dans ce chaos par sa passivité. Rien ne nous permet aujourd'hui de dire qu'il a de la poigne pour faire face à ces militaires qui avaient semé la terreur, la haine sous Bozizé au point de plonger le pays dans la crise. Les mêmes sont en train de l'entourer et de s'imposer dans sa garde rapprochée".