La sociologue sénégalo-camerounaise Axelle Kabou mettait les pieds dans le plat dans son ouvrage en 1991 “Et si l’Afrique refusait le développement ?”
Kabou y soutenait la thèse que les dirigeants africains participaient d’un jeu pervers avec les agences d’aide internationale, en leur “empruntant” le registre sémantique du développement, afin de bénéficier de leur manne financière et de leur considération, alors même que, le contenu et les implications effectives au développement leur étaient indifférents.
C’est un regard global et acéré, permettant de mieux décrypter les apparences que rarement la presse africaine ne fait l’effort d’analyser en profondeur, se contentant de griotiser au pire, de répéter au mieux en toute inconscience voire incompétence intellectuelle.
LE CAS CENTRAFRICAIN
OYE TOUADERA ! Entend-on partout en RCA. Le messie est arrivé pour sauver le pays.
Un discours éculé, pourtant déjà entendu dans le pays, à maintes et maintes reprises.
En 1966, Bokassa après son putsch était vu comme le sauveur de la nation, avec la caution de la France appuyant ouvertement son coup. En mars 2003, au lendemain de la prise de pouvoir par la force d’un certain François Bozizé, tout le monde voyait en lui aussi le nouveau sauveur des griffes de Patassé le dictateur civil honni. L’avenir proche contredira très vite ces espérances.
En Centrafrique, une personne qui fait un coup est automatiquement un homme fort, donc, on le respecte ! selon cet axiome non dit du chef traditionnel tout puissant.
Et l’inquiétant dans cette affaire, c’est que Touadera fut le dernier premier ministre de Bozizé, et surtout que…Tout le long de sa magistrature, Touadera n’a jamais dénoncé les dérives de violation des droits humains de son maître au Palais de la Renaissance.
Aussi, habiller Touadera des oripeaux du sauveur est aussi utopique de croire à la virginité de Marie la pseudo mère du pseudo Jésus (une invention des chrétiens au 4ème siècle).
Faustin Archange Touadera est réputé être un faible, un nul en politique. Bozizé ne l’avait pas choisi par hasard pour être son PM.
D’ailleurs Bozizé confiait à son propos :
“Lui au moins fait tout ce que je lui dis de faire.”
Et comme un bourrin ne se change pas par miracle en un cheval de course, inutile donc d’habiller Touadera des froques du héros de service, ce qu’il n’est pas.
Touadera n’est qu’un fonctionnaire tropical, sans imagination ni audace, ni perspectives d’avenir. Et certainement pas un téméraire qui fera la révolution en Centrafrique.
Car, à terme, que fera Touadera au pouvoir ?
Du Bozizé, il ne connaît que cela politiquement parlant.
Le KNK son ancien parti l’a bien compris, puisque Bertin Béa son secrétaire général, dans un excès de précipitation lui redonnait son poste de vice président ou un avatar du genre.
Et pourquoi soudainement le KNK se rappelle-t’il à la mémoire de Touadera ?
Tout simplement parce que ce parti a organisé les fraudes de masse ayant permis l’élection de Touadera à la magistrature suprême, et qu’il attend de lui un retour sur investissement.
Mais que l’on se rassure, du côté de Dologuélé, ce ne fut pas mieux. Fraudes massives itou !
Ainsi donc, dans ce jeu pervers, le plus tricheur des deux aura gagné !
NO FUTURE
Faustin Touadera, le président élu par “hasard” arrive sans programme politique. Ceci n’est pas un scoop.
Aussi compte-t-il sur ses ralliés de la dernière heure, essentiellement les vaincus du premier tour des présidentielles pour le nourrir en idées de gouvernance. Car de lui-même n’en possède pas !
En outre, ses marges de manœuvre sont plus que très limitées.
Comme tous les autre candidats, il a évité d’évoquer ce sujet très brûlant des viols des enfants centrafricains par les Sangaris et des forces de la MINUSCA. L’ONU ne se focalisant que sur les cas des pays africains participant, la France n’est pas évoquée – Hervé Ladsous actuellement à Bangui y veille, avec cette menace :
“Si les autorités centrafricaines mettent en cause les soldats français, la France ne soutiendra plus financièrement la RCA.”
Un chantage au porte monnaie qui fonctionne. La Centrafrique, pays mendiant ne doit sa survie économique qu’à la gamelle des aides internationales.
Quant aux magouilles internes, laissons cela aux magouilleurs internes.
Et à ce jeu là, les bonnes habitudes à la Bozizé ne sont pas perdues du côté de Touadera, les réflexes pavolviens ne se perdent pas aussi facilement. Ses sbires travaillent au corps les prochains députés à coups de promesses fantasmagoriques pour avoir la majorité au parlement. 82 futurs députés seraient déjà acquis à la cause entend-on à Bangui.
POUR ALLER OU ?
Les poussières d’états issus de la colonisation française, aux frontières dessinées par cette même colonisation à sa main sans prise en compte des contextes locaux tribaux, socio-culturels et autres, ont failli à se moderniser.
En retour, des dictatures y perdurent avec l’aval bienveillant de la “métropole” continuent d’y pulluler.
Au moins en Centrafrique, pour la première fois, il y a un président élu, même si sous des fraudes que personne n’osera contester.
Mais Touadera n’est pas président par coup d’état, pour une fois, il a juste triché mieux que Dologuélé dans les urnes.
Que va-t’il faire de son pouvoir ?
– Mettre enfin en place le DDR (Désarmement Démobilisation Réintégration) ? Il ne le peut. Les factions rebelles d’ores et déjà refusent et de désarmer, et de renoncer à leur juteux contrôle des plus de 50% du territoire centrafricain.
– Relancer l’économie ? Il ne le peut. Le pays est à selon un organe de l’ONU, affamé à plus de 85%, et les perspectives de relance de l’agriculture, le semblant fer de lance économique du pays est par terre.
Seule perspective et très limitée de Touadera à cet effet, se livrer pieds et poings liés aux fantaisies et caprices des organismes financiers internationaux. Ce qui reviendra à dire qu’il ne pourra rien faire.
– Changer le social ? Education la plus nulle de la terre, rupture de toutes les structures sociales, avec quels moyens il transformera la donne, mieux qu’il ne sut le faire sous Bozizé ?
L’option endettement massif est risqué, voire impossible, car à très court terme, on aboutira au pire, selon Magloire LAMINE – économiste centrafricain –
“Ce serait courir le risque d’une inflation à haute dose, qui serait un mal plus qu’un bien. La seule solution consisterait jouer sur les leviers économiques réels (production intérieure de richesses) et pas par des illusions financières par l’emprunt. Croire en une espèce de New Deal financière à la Centrafricaine serait une utopie. Il faut investir dans le réel utile et nécessaire dans un premier temps, juguler l’urgente paupérisation. Autrement, on court au pire, d’autant plus que la fausse monnaie CFA masque les inégalités réelles sur le terrain.”
Le bon algorithme du relèvement de la RCA est encore à trouver pour Touadera.
La Centrafrique n’est qu’un proto-Etat sans poids ni perspectives. Mais il y a des gens qui vivent dedans, et c’est ça le problème.
La dernière crise centrafricaine, sa plus grave depuis 2012, ne fut que celle de la pauvreté, de l’ignorance et de la manipulation d’esprits simples.
Et les solutions proposées furent toutes aussi simplistes. Les Sangaris comme les forces onusiennes ont failli à résoudre l’équation centrafricaines.
Que retiendrons-nous d’eux à part être des violeurs de nos enfants ?
Politiquement parlant, le pire de la lâcheté de Touadera, fut de ne pas avoir eu le courage de se démarquer en dénonçant cet abominable !
A partir de là, il ne sera qu’un fantoche de plus présidant une espèce de faux pays oublié au centre de l’Afrique.
L’Occident ne pourra que s’en féliciter.
Un nouveau servile à son service, toujours bon à prendre.