L'ONU a réaffirmé vendredi sa détermination à lutter contre les abus sexuels, proposant tests ADN et cours martiales, au moment où Casques bleus et soldats français en Centrafrique sont plongés dans un nouveau scandale, avec des accusations sordides de bestialité.
"Nous allons discuter avec les Etats membres (...) de la possibilité d'une cour martiale qui se tiendrait in situ, dans les pays où des faits répréhensibles ont été commis", a déclaré vendredi Hervé Ladsous, chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, en visite à Bangui.
"Ca montrerait aux victimes qu'on s'occupe de leur sort, et ça aurait une visibilité bien supérieure à celle que pourrait avoir une décision prise dans des conditions pas très transparentes parfois", a-t-il ajouté.
Autre mesure étudiée, préventive: l'enregistrement de tests ADN avant le déploiement des soldats, "qui permettraient notamment de faciliter les tests de paternité" en cas d'accusations.
Cent-huit nouvelles victimes présumées d'abus sexuels commis depuis 2013, en "grande majorité" des mineures, ont été identifiées et interrogées par des responsables onusiens, a indiqué jeudi un porte-parole de l'organisation à New-York, Stéphane Dujarric.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban ki-Moon, s'est dit jeudi "profondément choqué", la France promettant de son côté de faire "toute la lumière" au sujet de ces nouvelles accusations.
D'après les informations recueillies, des soldats français de Sangaris auraient forcé en 2014 des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux, a indiqué à l'AFP un responsable de l'ONU à New York.
Trois jeunes filles ont notamment affirmé qu'elles avaient été déshabillées et attachées par un militaire dans un camp puis forcées d'avoir des relations sexuelles avec un chien, selon l'ONG AIDS-Free World. Elles auraient ensuite reçu chacune 5.000 francs CFA, soit un peu moins de 9 dollars.
Ces faits "n'ont pas été confirmés", a souligné Stéphane Dujarric.
Outre la France, la centaine d'allégations concerne les contingents burundais et gabonais de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) dans la région de Kémo (centre), même si des abus ont pu être commis dans d'autres provinces.
"Il y a un très grand nombre d'allégations" incluant la Minusca, la Misca (force africaine déployée en 2013 qui a passé le relais à l'ONU fin 2014) et Sangaris", a expliqué à l'AFP Diane Corner, chef adjointe de la Minusca.
"Nous essayons de parler aux victimes pour tenter d'établir exactement ce qui s'est passé et avoir une idée de l'ampleur du problème".
Beaucoup d'allégations sont "anciennes (de 2013 à 2015) mais nous n'excluons pas qu'il y ait aussi des cas récents", a dit Mme Corner, assurant qu'il n'y aurait "aucune complaisance".
- Le sexe comme moyen de survie -
Les Nations unies sont très critiquées pour leur incapacité à enrayer les abus perpétrés par leurs soldats. Un phénomène particulièrement aigu en Centrafrique.
Le nombre d'abus sexuels imputés à des Casques bleus a même connu "une nette augmentation" en 2015 par rapport à l'année précédente, avec 69 cas, selon l'ONU. Devant l'avalanche de scandales, Ban Ki-moon avait renvoyé le chef de la Minusca en août mais de nouvelles accusations sont apparues depuis.
Le système de sanctions des troupes de l'ONU explique en partie cette lenteur: seuls les pays d'origine des soldats accusés peuvent sanctionner les coupables et ils le font à reculons.
Mais dans ce pays meurtri par trois années de violences, où sévissent encore de nombreuses bandes armées et où règne une misère immense, le commerce du sexe est aussi devenu un moyen de survie généralisé.
A chaque fois ou presque, ces drames se produisent près de camps de déplacés particulièrement vulnérables, eux même situés à proximité de bases militaires.
D'après des témoignages recueillis récemment par l'AFP au camp de M'poko à Bangui, de nombreuses jeunes filles acceptent quotidiennement des rapports sexuels avec des hommes - soldats ou pas - en échange d'un peu de pain, ou de 500 FCFA (0,8 dollar).
De même, "énormément d'enfants en âge d'avoir des rapports sexuels se vendent", selon une source humanitaire.
Pour empêcher de nouveaux abus, les Casques bleus sont désormais confinés dans leur caserne quand ils ne sont pas en service, et des patrouilles de "police" ont été mises en place.
"Il faut que les Nations unies fassent leur part, mais aussi que les pays membres fassent tout pour que les troupes sélectionnées soient des gens qui n'ont rien à se reprocher: qu'ils soient sensibilisés, qu'ils soient formés, et qu'ils soient avertis des sanctions qui seront prises si les faits sont avérés", a conclu M. Ladsous.