Au terme d’un décret, l’un des cinq premiers de son quinquennat, lu samedi sur les antennes de Radio-Centrafrique, Faustin-Archange Touadera a nommé son homme lige, son autre lui, celui que les mauvaises langues de Bangui qualifient de célèbre « garçon de course de la République », Simplice Mathieu Sarandji, comme Premier ministre, chef du gouvernement.
Passons sur ce qui s’apparente fort à une violation de la Constitution du 30 mars 2016 qu’il a lui-même promulgué et qui stipule que le chef du gouvernement devait être issu de la majorité parlementaire.
À moins de lire dans une boule de cristal ou de posséder des dons de prémonitions, d’ici à la validation des résultats du second tour des élections législatives, Faustin Touadera ne peut se prévaloir d’une quelconque majorité parlementaire.
Passons également sur ses propres déclarations publiques du lendemain du second tour de la présidentielle rappelant l’exigence du strict respect de la Loi fondamentale.
Ce qui aujourd’hui, à la lumière des premiers décrets qu’il a signé se relève être de la simple parole en l’air, un voeu pieux sans lendemain.
S’il est vrai que la nomination de Simplice Sarandji au poste de Premier ministre peut logiquement s’expliquer — parce qu’il appartient au cercle des proches du nouveau chef de l’État et qu’en tant que directeur de campagne de ce dernier, il a mené une bataille victorieuse —, elle est politiquement suicidaire et symboliquement catastrophique.
D’abord, parce qu’elle porte les germes d’une crise politique majeure. Ce choix aura l’inconvénient d’irriter voire carrément de frustrer les alliés de Touadera qui sont des chefs de partis politiques et qui espèrent encore disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale pour légitimement réclamer le poste de chef du Gouvernement.
Touadera a tort de se comporter comme un putschiste. En démocratie, il existe des règles à observer. Il ne peut pas imposer ainsi son choix à l’ensemble de la communauté internationale au seul prétexte qu’il aurait gagné des élections, au regard des circonstances dans lesquelles il a été élu. Il aurait dû préalablement informer ses alliés du second tour de sa décision au lieu de les mettre ainsi devant un fait accompli. Ce qui a le désavantage de faire grincer les dents, y compris dans son propre camp. Ses alliés sont prévenus et devaient désormais le surveiller comme du lait au feu.
La pire des choses qui puisse aujourd’hui arriver à ce pays c’est que Touadera se « sambaparise » et qu’il provoque une crise politique inutile avec la classe politique centrafricaine. Dès lors, cette attitude provoquera sans nul doute un blocage du pays. Ce n’est certainement pas ce qu’il y a de mieux pour ce pays meurtri. Sarandji étant une personnalité possédant un égo plus grand que la colline Bas Oubangui, il ne saura mené la politique de rassemblement que les Centrafricains appellent de leur voeu. Entend-il tester le rapport de force au sein de son camp qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Si cet impair passe, s’en est fini pour son quinquennat.
Ensuite, la nomination de monsieur Sarandji met en lumière l’inexpérience politique de Touadera mais surtout révèle sa nature tribalo-clanique. On le savait tribaliste, on le découvre désormais chef de bande. Seul un chef de bande privilégie les intérêts de son clan, de sa clique au détriment de l’intérêt supérieur de la nation.
Enfin, c’est cette même politique de clan, de la famille, excluant une bonne partie des acteurs politiques de la gestion de la chose publique à la gestion du pays qui avait servi de sève nourricière pour la création, la gestation et la mise en branle de la coalition Séléka. La même qui a renversé le régime Bozizé-Touadera. Nous aurons tort, doublement tort, d’ignorer l’entière responsabilité de l’ancien Premier ministre de Bozizé dans la descente aux envers du pays.
On s’en doute, la vocation d’un dépotoir ou d’une poubelle n’est pas forcément de sentir bon. Touadera ayant été le cache-sex de Bozizé, il ne pouvait que décevoir la grande attente de ses compatriotes qui espéraient tourner la page du clanisme. Définitivement.
Dans ces conditions, il prend le risque de créer une crise politique qui pourrait l’emporter et l’enfoncer dans la poubelle de l’histoire à l’instar de l’ancêtre de l’homme Adam, banni par Dieu suite à sa désobéissance.