Huit candidats, dont le chef de l’opposition, ont accusé le pouvoir de fraude et de «hold-up électoral». Les résultats provisoires doivent être avalisés dans un délai de 15 jours par le Conseil constitutionnel.
Le chef de l’Etat tchadien Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis 26 ans, a été réélu sans surprise pour un cinquième mandat au premier tour de la présidentielle du 10 avril avec 61,56% des voix. Il est loin devant le chef de l’opposition, Saleh Kebzabo, qui dénonce un «hold-up électoral». Saleh Kebzabo arrive en effet en deuxième position avec seulement 12,80 % des voix, a annoncé jeudi soir la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Laokein Kourayo Medar, maire de Moundou, capitale économique située dans le sud, est en troisième position avec 10,69 % des suffrages.
Ces résultats provisoires doivent être avalisés dans un délai de 15 jours par le Conseil constitutionnel.
Plus de six millions d’électeurs étaient inscrits et le taux de participation a été de 71,11 %. Au total, 13 candidats se présentaient à cette élection dont Idriss Deby, disposant des structures d’Etat et de moyens financiers nettement supérieurs à ses adversaires, était le grand favori. Sa victoire a été saluée par des coups de canon et des rafales de fusil automatique par les militants de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), qui s’étaient donné rendez-vous sur la vaste place de la Nation de N’Djamena, face au palais présidentiel.
«Disparition d’urnes et de procès-verbaux»
Toute la journée, comme d’ailleurs le jour du premier tour, la capitale a été quadrillée par nombre de policiers, de gendarmes et de bérets rouges de la garde présidentielle, présents à tous les carrefours, a constaté l’AFP. Cette démonstration de force et d’intimidation d’un pouvoir omnipotent, qui ne supporte pas la contestation, s’illustre aussi par la victoire dès le premier tour d’Idriss Deby. Car, au vu du nombre de candidats, la question était surtout de savoir si Deby passerait au premier ou bien au second tour.
Avant la publication des résultats, jeudi, huit candidats dont le chef de l’opposition avaient accusé le pouvoir de fraude et de «hold-up électoral», estimant qu’aucun candidat «ne peut l’emporter au premier tour» au vu des résultats dans les régions dont ils disent disposer. Les signataires dénonçaient «la disparition de centaines d’urnes et de milliers de procès-verbaux», ajoutée notamment au «trafic de cartes d’électeurs» de la part du MPS.
Ils dénonçaient également la disparition de militaires qui n’auraient pas voté pour Idriss Deby et dont certains, «arrêtés et emprisonnés», sont «à ce jour portés disparus». Ils mettaient aussi «solennellement en garde» la CENI et le Conseil constitutionnel «contre toute tentative d’avaliser le hold-up électoral du MPS». Plusieurs de ces candidats, notamment dans les quartiers pauvres de N’Djamena, et dans le sud, région la plus peuplée, disposent effectivement d’une implantation solide, censée leur rallier un nombre important d’électeurs.
Interdiction de manifester pour une alternance démocratique
Dans l’hypothèse d’une victoire au premier tour d’Idriss Deby, dont le slogan de campagne était «1er tour, KO», les huit candidats envisageaient enfin de «ne pas reconnaître toute institution issue de ce hold-up électoral» et de «mettre en place un gouvernement de salut public».
L’élection de Deby intervient au moment où plusieurs administrations, hôpitaux, écoles et universités sont en grève depuis de longues semaines : pour des arriérés de salaires, de bourses, toujours pour les moyens de survie quotidienne. Mais la société civile n’a pas le droit de manifester pour une alternance démocratique. Pour avoir enfreint cette interdiction, quatre leaders de la société civile ont été emprisonnés trois semaines avant d’être condamnés à quatre mois de prison avec sursis.
A cette lourde tension sociale, s’ajoute la menace d’attentats par les islamistes du groupe nigérian Boko Haram, qui ont frappé deux fois N’Djamena en 2015, et qui légitime d’autant plus l’imposant déploiement sécuritaire d’un régime guerrier qui, en 26 ans de pouvoir, s’est maintenu par les armes.
Malgré la manne pétrolière depuis 2003, le Tchad est classé par l’ONU parmi les cinq pays les plus pauvres au monde. Soixante-dix pour cent de ses 13 millions d’habitants sont analphabètes.