SANTA CRUZ DE TENERIFE – L’ancienne présidente de la transition centrafricaine Catherine Samba-Panza est en Espagne, plus précisément aux Iles Canaries depuis ce lundi, en tant que invitée de marque de la Première Rencontre des femmes politiques et parlementaires “Canaries-Afrique”.
Un événement qui rassemble 46 femmes parlementaires canariennes, et 40 femmes politiques africaines invitées, issues de 8 pays africains : Algérie, Cap-Vert, Gambie, Mali, Maroc, Mauritanie, Sénégal et Tunisie.
Et avec deux invitées vedettes, la cantatrice afro-américaine Barbara Hendricks, et surtout l’ancienne Cheffe de la transition politique centrafricaine, Catherine Samba-Panza.
DISCOURS INAUGURAL DE SAMBA-PANZA
Ayant l’honneur d’inaugurer cette rencontre internationale féminine, Mme Samba-Panza a été invitée à raconter son expérience de deux années à la tête de la Centrafrique.
Les grandes lignes de son discours d’auto-satisfaction
“Qu’est-ce qui m’a motivé à être candidate à la magistrature suprême de l’état à un moment aussi difficile de l’histoire de mon pays, en proie à l’instabilité et aux groupes armés ?
En fait lorsque la crise a atteint son point de culminance au mois de décembre 2013, dans un contexte de violence, et d’atrocités contre les populations civiles innocentes, les femmes centrafricaines ont réalisé que leur pays allait vers les chaos.
Les femmes ont pris conscience de la nécessité de faire appel à une leader qui soit en mesure de ramener la paix, de rassembler et de réconcilier les centrafricains.
Les femmes avaient compris que seul un leadership féminin, pouvait ramener la paix dans le coeur des centrafricains.
Elles ont estimé que seule la sagesse d’une femme pouvait ramener les acteurs des violences à la réserve le courant des femmes est donc venu me solliciter et pas une autre personnalité.”
“Quant à moi, mon engagement personnel au sein de la société civile, en tant que militante des droits humains, mon passage à la mairie de Bangui, en tant que autorité locale, j’étais proche des populations en détresse, et ma pleine implication pendant plusieurs années dans les processus de médiation, de règlement des conflits et de réconciliation nationale ont constitué des atouts en ma faveur.”
“Elue le 20 janvier 2014 je suis donc devenue la première femme de l’histoire de la République centrafricaine à diriger le pays. Mon élection a suscité beaucoup d’espoir au sein des populations, notamment des femmes.
Et cela a surtout créé une grande avancée dans l’histoire du continent africain en matière de promotion de la femme dans la gouvernance politique.”
“[…] Et là je me suis rendue compte, que j’ai hérité d’un pays complètement dévasté PAR plusieurs années de crise.
Par où commencer ?
Par où commencer, lorsque les défis sécuritaires les urgences humanitaires les luttes contre l’impunité, […] comment faire pour relancer la machine administrative et l’économie du pays en lambeaux ?
Comment faire, face aux groupes armés qui défiaient constamment l’autorité” de l’état ?
Comment résoudre sans heurts les tensions intercommunautaires et inter-confessionelles encore vivaces ?
Voila autant de défis qui se posaient à moi. Je savais que la tâche était difficile, mais je ne savais pas que cà l’était autant.”
“Devant cette situation complexe, ma première action a été de lancer un appel en tant que MERE DE LA NATION aux groupes armés des belligérants, pour toucher leur sensibilité sur les souffrances des popuilations, et de les exhorter à déposer les armes.
Il n y avait pas d’autres alternatives pour moi que de chercher à rassembler tous les centrafricains, de promouvoir la réconciliation nationale, et la cohésion sociale, tout en impliquant tous les protagonistes dans la gestion de la crise dans la gestion de la transition.
J’ai donc fait du dialogue, la base de mes actions. Nous avions des concertations régulières, avec des représentants des partis, des groupes armés, des associations féminines, les organisations de jeunesse, des leaders des confessions religieuses, des organisations consultatives, des autorités de presse et les chefs traditionnels.
j’ai ainsi organisé une série de consultations et de forums qui ont permis aux populations d’exprimer leurs attentes. J’ai signé divers accords avec les groupes armés pour la pacification et la stabilisation du pays.”
“La crise centrafricaine était une crise oubliée, mais dès ma prise de fonction, je n’ai eu de cesse de relayer les cris de détresse des populations centrafricaines auprès de la communauté internationale.
Grâce à une diplomatie active, j’ai réussi le pari de mettre la Centrafrique, au cœur des préoccupations internationales.
La solidarité des autres femmes de l’extérieur, à titre individuelles, et de celle issues des institutions régionales et internationales ont été d’un grand soutien qui m’a permis de faire entendre la voix de mon pays, au delà de nos frontières et de mobiliser les institutions internationales autour de la Centrafrique et de mobiliser les partenaires.”
Au plan interne, les leaders des communautés musulmanes, chrétiennes, protestantes ont œuvré ensemble pour interpeller la population à la tolérance et à reprendre la vie ensemble.
Les femmes et les jeunes, les leaders politiques et les organisations de la société civile, se sont également engagés dans cette dynamique en multipliant les actions de sensibilisation pour la cohésion sociale et la réconciliation dans les quartiers.
Ensemble, nous avons essayé de semer les graines de l’espérance, malgré de nombreux obstacles mis sur mon parcours. toutes Ces actions ont porté leurs fruits.
la vie a repris petit à petit, et l’espoir a commencé à renaître en république centrafricaine.”
“Ma vison de sortie de crise, mon engagement personnel, et ma détermination à tenir le pari de mener à son terme la transition de manière apaisée a été réussie.
La mise en place des institutions et des autorités légitimes était une étape importante également dans le processus de sortie de crise.
Ma volonté d’aller, résolument à l’organisation des élections crédibles et pacifiques, même si elle a buté sur de nombreuses contraintes notamment juridiques techniques et financiers.
J’avais le devoir d’organiser des élections dans un minimlum de conditions de sécurité, de paix et de transparence pour que le résultat soit incontestable, et permettre un retour apaisé à l’ordre constitutionnel.
Le parlement de transition a joué un rôle déterminant dans la levée des contraintes juridiques. en acceptant de réviser à plusieurs reprises pour la période de la transition des dispositions du code électoral pouvant constituer des éléments de blocage, pour la tenue des élections dans les délais.
La plupart des délais ont été réduits notamment les délais de convocation du corps électoral. Les dépôts des candidature, de campagnes électorale, d’exercice des voies de recours, d’autorisation du vote des réfugiés par le parlement de transition, a également contribué à l’apaisement.
De nombreuses communautés obligées de se réfugier dans les pays voisins ont pu ainsi exercer leur droit de vote.
Ainsi, une nouvelle constitution a été adoptée et les élections législatives et présidentielles couplées, ont pu être organisées.
Mais l’un des éléments clés du climat apaisé, était le respect de l’engagement que j’ai pris, dès le départ, de respecter les règles du jeu, c’est-à-dire, de respecter les dispositions de la charte constitutionnelle, qui ml’interdisaient de me présenter aux élections au terme de la transition.
Et j’ai tenu à respecter cet engagement de la parole donnée dans ma passation du pouvoir.
Aujourd’hui, même si de nombreux défis restent à relever, c’est avec fierté, que j’ai passé le pouvoir au nouveau président élu, lors des élections démocratiques libres et crédibles.”
“Certains parmi vous aimeraient connaitre les obstacles et les difficultés rencontrées en tant que femme, à la tête d’un état de surcroît en crise profonde ?
Je dois avouer que conduire la transition dans un état fragile, comme la république centrafricaine n’a pas été aisé, en tant que femme devant s’imposer dans un environnement complexe, dominés par des hommes armés, des hommes politiques, en quête de pouvoir et de légitimité.
Et des communautés chrétiennes et musulmanes tenaillées par la haine et par l’esprit de vengeance.”
“[..] Dans les pires moments de découragement, parce qu’il y en a eu, je mesurais la lourde responsabilité qui m’incombait, au regard de l’espoir de nombreuses femmes, des centrafricaines et africaines, qui attendaient beaucoup de mon exemple, de leadership féminin.
Il me fallait porter haut le flambeau de la femme au pouvoir.
Ma détermination a réussir ma mission aux noms de toutes les femmes du monde était plus forte que tout. IL me fallait prouver, qu’une femme était capable, d’assumer les mêmes niveaux de responsabilité politique que les hommes.
Si en Centrafrique, je réussissais à relever le pari, cela donnerait espoir et courage, à toutes les autres femmes qui hésitaient encore à exercer le pouvoir politique.
Durant mes deux années à la tête de la transition, la promotion de la femme a été une préoccupation constante.
Grâce à mes prérogatives de cheffe de l’état, j’ai pu promouvoir de nombreuses femmes dans des fonctions de haut rang dans le gouvernement, au sein de mon cabinet, et dans les institutions nationales.
je leur ai ainsi confiées des secteurs clés, de l’éducation, de la santé, du commerce, de l’agriculture, des affaires sociales, du genre et de l’action humanitaire, de la réconciliation nationale, du tourisme des arts et de la culture, et surtout, de la défense nationale.”
S’enflammant pour son grand rôle de promotion de la femme en RCA, Elle constate que depuis son départ, la représentation féminine dans la politique de son pays avait diminuée depuis, passant de huit femmes ministres à seulement quatre par exemple.
Catherine Samba-Panza: “C’est mon leadership féminin qui a sauvé mon pays“
Elle a insisté sur la nécessité d’établir des réseaux de femmes pour s’échanger des informations et se partager les bonnes pratiques.
Pour les femmes, la politique ne doit plus être “un mystère ou seulement une affaire d’hommes.” ajoute-t’elle.
L’ancienne présidente a déclaré que lorsque les femmes ont une carrière politique, c’est avec leurs propres ressources et bien des «sacrifice», et que celles qui actuellement détiennent des postes de responsabilité ne sont que “des drapeaux” des prétextes.