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Centrafrique : Des Casques bleus congolais ont tué au moins 18 personnes, selon HRW
Publié le mercredi 8 juin 2016  |  Centrafrique Presse Info
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© Autre presse par DR
Une vingtaine de casques bleus rapatriés pour mauvais traitement sur des personnes arrêtées
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Des soldats congolais opérant en tant que Casques bleus dans la Mission de l’ONU en République centrafricaine (Minusca) ont tué au moins 18 personnes, dont des femmes et des enfants, entre 2013 et 2015, selon un rapport publié mardi 7 juin par l’ONG Human Rights Watch.

De nouvelles accusations d’exactions en Centrafrique. Selon un rapport d’Human Rights Watch (HRW) paru ce mardi 7 juin, des Casques bleus congolais ont tué au moins 18 personnes entre décembre 2013 et juin 2015, lors de leur mission de maintien de la paix en République centrafricaine.

D’après HRW, ces crimes ont eu lieu alors que les soldats opéraient au sein de la mission de l’Union africaine en Centrafrique (Misca), puis au sein de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca), qui lui a pris le pas en décembre 2014.

Au moins 18 morts

L’enquête de HRW se base sur la découverte, le 16 février dernier à Boali, à 500m d’une base de Casques bleus, d’une fosse contenant les restes de 12 corps identifiés comme étant ceux de prisonniers détenus par les Casques bleus congolais en mars 2014. Le rapport indique:

L’exhumation des corps vient réfuter la thèse des Casques bleus selon laquelle les victimes s’étaient échappées.

Outre le massacre de ces 12 personnes, Human Rights Watch affirme pouvoir confirmer la mort de 6 autres personnes, tuées par des Casques bleus congolais:

Deux chefs anti-Balaka tués par torture à Bossangoa, en décembre 2013

Deux anti-Balaka présumés, exécutés publiquement à Mambéré, en février 2014

Deux civils battus à mort à Mambéré, en juin 2015

Concernant le massacre de Boali, HRW affirme avoir informé l’ONU et les autorités gouvernementales de Centrafrique de la location présumée de la fosse. "Mais ni les soldats de l’Union africaine, ni les Casques bleus de l’ONU, ni mêmes les autorités gouvernementales n’ont fait un effort pour protéger le site ou pour conduire une expérience médico-légale de l’exhumation afin de préserver des preuves pour de futures actions judiciaires", assène le rapport.

"Tuer ou non les femmes et les enfants"

Dans son rapport, Human Rights Watch retrace le déroulé du massacre de Boali, le 24 mars 2014. Les victimes ont été arrêtées à la suite d’une altercation d’un chef anti-balaka local avec des Casques bleus congolais, au cours de laquelle un de ces soldats a perdu la vie. "Enragés par la mort de leur collège, écrit l’ONG, les Casques bleus congolais ont encerclé la maison du chef anti-balaka, l’ont arrêté avec au moins 12 autres personnes, parmi lesquelles figuraient 5 femmes – dont une enceinte de six mois – et deux enfants – de 10 ans et 7 mois."

Les soldats de la Minusca ont ensuite ordonné aux habitants vivant à proximité de la base de rentrer chez eux et de fermer la porte, "la seule et unique fois" qu’ils donnaient de tels ordres, selon un témoin entendu par Human Rights Watch. L’ONG poursuit:

Plus tard cette même nuit, des témoins ont entendu des cris et une première salve de coups de feu venant d’une zone près de l’endroit où les victimes étaient confinées, suivie une heure plus tard par une autre volée de coups de feu, émanant du même endroit. Un témoin affirme avoir entendu un débat animé entre les Casques bleus congolais à propos de tuer ou non les femmes et les enfants, avant la seconde salve de tirs.

Des traces de sang ont été retrouvées le jour suivant à plusieurs endroits sur la base. Les soldats congolais ont ensuite interdit aux habitants de cultiver ou même de couper l’herbe sur une zone appelée "Usine Boali 3", située à 500 mètres de la base. "Les habitants ont déclaré qu’ils pensaient que c’est à cet endroit que les Casques bleus ont enterré les victimes", écrit HRW.

Deux ans plus tard, l’ONG révélera l’existence d’une fosse rassemblant les restes de 12 corps humains, à 500 mètres de la base des Casques bleus congolais. "Les corps étaient salement décomposé, écrit-elle dans son rapport du 7 juin, mais leurs vêtements, et d’autres objets distinctifs ont permis d’identifier les victimes comme étant les membres d’un groupe d’au moins 12 personnes que les soldats congolais ont arrêtés le 24 mars 2014."

Centrafrique, terre d’exactions

Ce n’est pas la première fois que des exactions sont commises par des membres de forces d’intervention extérieures en Centrafrique, depuis le début du mandat de l’ONU. Le 17 mai dernier, l’ONU indiquait avoir recensé depuis le début de l'année, 44 accusations d'abus sexuels qui auraient été commis par ses Casques bleus dans le monde. Parmi ces accusations, 29 concernent sa mission en République centrafricaine (Minusca).

Du côté de l’opération française Sangaris, présente en Centrafrique depuis la fin 2013, une procédure disciplinaire a été récemment ouverte contre cinq de ses soldats, accusés d'avoir passé à tabac deux Centrafricains à Bangui ou d'avoir laissé faire.

A la mi-mars dernière, des enquêteurs du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) avaient recueilli les témoignages d’une centaine de filles en Centrafrique, affirmant avoir été abusées sexuellement par des soldats des forces internationales. Onze mois plus tôt, l’ONG AIDS-Free World rendait publiques des accusations de pédophilie, émanant de jeunes garçons, à l’encontre de 13 militaires français de l’opération "Sangaris" et de cinq soldats africains de la Misca.

Comment expliquer qu’il y ait autant d’exactions en Centrafrique ? Pour Antoine Glaser, journaliste et ex-directeur de la Lettre du continent, ces exactions ne sont ni nouvelles, ni spécifiques à la Centrafrique :

Je pense que ça a toujours existé au niveau des Casques bleus. Ça a toujours existé, mais avant c’était vraiment l’omerta. Maintenant, on en parle beaucoup plus, ça sort plus facilement à travers les réseaux sociaux, car l’information n’est plus verrouillée comme elle l’a été à un certain moment.

Il affirme que ces exactions peuvent s’expliquer par la malformation, le mal-équipement et le mauvais entretien financier des Casques bleus.

Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales, va plus loin :

Il y a eu beaucoup de mauvaises troupes parmi les Casques bleus. Tout simplement parce que la mission de l’ONU a été formée à partir de contingents africains, qui appartenaient initialement à la CEAC, qui ont été transféré à l’Union africaine. Les Nations unies ont hérité des contingents mauvais, venant d’armées n’étant pas très portées sur la discipline et le droit humanitaire. Cela peut s’expliquer comme cela.

Plus de 13.000 personnes ont été déployées par les Nations unies en Centrafrique pour les besoins de la Minusca.
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