Bangui — Michel Yao, coordonnateur humanitaire par intérim a regretté la flambée de violences enregistrée ces derniers jours en Centrafrique. Ces violences, selon lui, ont occasionné des déplacements de population tout en accentuant leur souffrance. Michel Yao l’a dit dans une interview accordée le 23 juin dernier au RJDH.
RJDH : Michel Yao, bonjour. Vous êtes représentant de l’Organisation Mondiale de la Santé en Centrafrique mais depuis mars dernier, vous cumulez vos fonctions avec celles du coordonnateur humanitaire. La RCA connaît depuis quelques jours des vagues de violences à Bangui et dans plusieurs villes du pays. Quelle réaction avez-vous entant que coordonnateur humanitaire par intérim ?
Michel Yao (MY) : Nous déplorons vraiment la recrudescence de ces violences. Il faut dire que ces violences ont pour conséquence les déplacements de la population et l’augmentation de la souffrance de cette même population. En République Centrafricaine, une personne sur deux soit deux millions sept cent personnes ont besoin d’assistance mais la recrudescence de l’insécurité ne permet pas aujourd’hui de les atteindre toutes.
Aujourd’hui, nous avons environ quatre cent mille déplacés internes dans le pays et plus de quatre cent soixante-sept mille personnes réfugiés hors des frontières de la République Centrafricaine. Il est important que la situation sécuritaire puisse permettre d’assister ces personnes pour qu’elles vivent avec un minimum de dignité.
RJDH : En l’espace d’un mois, l’ONG médicale MSF a perdu deux chauffeurs. Sa base de Bambari a été aussi pillée. Ce sont des faits inquiétant non ?
Monsieur Michel Yao : Ceci est révoltant, c’est même très révoltant. Je dois préciser les acteurs humanitaires interviennent de façon neutre et impartiale. Ils portent secours à tous ceux qui sont en difficulté sans tenir compte de son appartenance. Ces attaques nous révoltent. En réalité, ce sont, en fait les personnes en difficulté qui sont pénalisées. Nous disons aussi que ces attaques constituent une violation du droit humanitaire international. Nous espérons que cela ne restera pas impuni. Nous voulons exprimer nos sympathies à l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) qui en quelques semaine, perd deux personnes. Nous appelons les groupes armés à respecter les activités humanitaires mais aussi le personnel humanitaire dont le travail est d’assister la population centrafricaine sans exception.
RJDH : Comme vous le reconnaissez, les besoins humanitaires sont de plus en plus croissants en Centrafrique. La saison pluvieuse n’est pas un handicap pour les humanitaires qui opèrent dans les zones qui sont difficiles d’accès pendant cette période ?
MY : Nous, acteurs humanitaires avons des activités de réponse et également celles de préparation qu’on appelle des plans de contingence. Avant la saison des pluies, nous avons des activités préparatoires qui nous permettent sur le plan médical, de prépositionner des médicaments et autres intrants nécessaires dans les zones difficiles d’accès pendant la saison sèche. Aussi grâce à la générosité de certains donateurs, nous avons quelques moyens logistiques notamment des avions qui nous permettent de déployer des kits dans ces zones à cette période. En ce moment, nous sommes en train de déployer des médicaments dans le nord précisément à Ngaoundaye pour répondre à la situation des personnes déplacées et blessées à l’issue des affrontements des groupes armées.
RJDH : Le financement des actions humanitaires est aujourd’hui estimé à 15%. Comment expliquez-vous ce faible financement face à l’énormité des besoins ?
MY : Nous sommes préoccupés par ce faible financement parce qu’il signifie qu’on ne peut pas atteindre les personnes en difficulté dans le pays. Nous parlions tout à l’heure de plus de la moitié de la population centrafricaine qui a besoin de l’assistance humanitaire. Les besoins sont estimés cette année, à près de cinq cent trente un millions de dollars ce qui fait un peu plus de trois cent neuf milliard de francs CFA. Ce sont des montants énormes qui se justifient par le fait qu’on met tout en œuvre pour atteindre la population. Le manque de financement va se traduire effectivement par le manque de service à cette population qui en a besoin de nos services notamment ceux concernant la santé, les vivres, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Nous appelons la communauté internationale à avoir un regard beaucoup plus attentif sur les appels en faveur de la République Centrafricaine parce que nous avons vu les contributions dégringolent depuis le pic de la crise en 2014 jusqu’à ce jour.
RJDH : Qu’est-ce qui retarde la nomination d’un nouveau coordonnateur Humanitaire principal après la démission de l’ancien en mars dernier ?
MY : Le processus est en cours, il faut prendre la bonne personne pour le bon métier et cela n’est souvent pas aisé. Je pense que nos collègues, les responsables au niveau des Nations-Unies à New-York en sont pleinement conscients. Mais les activités humanitaires ne sont jamais interrompues sur le terrain. Nous assurons toujours la coordination et l’évaluation de la situation humanitaire. Nous prévoyons dans les semaines à venir, revoir notre plan de réponse pour l’adapter à la situation humanitaire actuelle.
RJDH : Je vous remercie.
MY : Merci.
Propos recueillis par Angela Pascale Saulet Yadiberet et Fridolin Ngoulou