Depuis sa prestation de serment le 30 mars dernier, le Président TOUADERA s’évertue à chercher des solutions aux problèmes des centrafricains. De nombreux voyages à l’étranger et à l’intérieure du pays, des rencontres avec les déplacés internes et les réfugiés, les centrafricains vivant à l’étranger, dispenser des cours à la faculté de mathématiques de Bangui…
Le chantier est titanesque et les défis gigantesques : sécuritaires, économiques, éducatifs, sociétaux, etc. Il lui faudra tout faire pour reconquérir, comme il l’a affirmé les “valeurs non négociables qu’exalte notre devise : Unité, Dignité, Travail”. Cette mission très délicate de rupture et d’émergence qu’il a promis d’objectiver durant son mandat, requiert de l’autorité, de la constance et de la stabilité dans les principes, de la concentration, beaucoup de sang-froid, un sens fort de sacrifice, une volonté ferme, impartiale et méthodique de toute son équipe et une vision précise des actions à mener.
Cette vision doit être pensée, réfléchie, planifiée et agréée par la majorité de la population. Le peuple centrafricain a trop souffert et ce depuis longtemps. Par le passé il s’est battu et continuera à l’avenir à se battre pour la paix, pour préserver son Unité, sa Dignité, sa Culture et ses Valeurs. Il s’est rangé derrière Monsieur TOUADERA pour retrouver son Unité et sa Dignité. Mais pour que l’efficience soit au rendez-vous, Monsieur TOUADERA et son équipe doivent concevoir une vision qui répond aux attentes de la population. Et pour retrouver son Unité et sa Dignité, beaucoup de centrafricains trouvent normal que leur pays ait le droit de disposer d’une armée nationale capable de les protéger et de protéger l’ensemble de leur territoire national. Tout est urgent dans notre pays, mais la reconstruction de notre armée doit être un concentré de valeur ajoutée pour avoir une réelle chance de le sortir du chaos. Il faudra concevoir une nouvelle armée.
La vision du Président concernant l’armée centrafricaine, seule institution capable de protéger la population, a été annoncée lors de son interview datée du 29 mai 2016 : “ Nos forces de défense ne sont plus vraiment opérationnelles. Il faut refonder l’armée, mais de telle manière qu’elle inspire de nouveau confiance au citoyen. Une armée professionnelle, redimensionnée à l’aune de nos ressources, pluriethnique, affranchie de tout tribalisme et apolitique”.
Il avait également pris l’initiative de négocier le maintien de l’opération Sangaris sans succès. Elle a échoué car “l’ami” français n’a pas jugé utile de maintenir la Sangaris, dont la réputation a été entachée par plusieurs accusations d’abus sexuels sur mineurs, au coté du peuple centrafricain. Cette initiative que j’avais jugé utile et nécessaire, si elle avait abouti, nous aurait permis de bloquer les velléités partitionnistes le temps de la restructuration ou de la refondation de notre armée.
Le Premier ministre a quant à lui soumis son programme de gouvernement au vote de confiance des députés de la nation début juin : réforme du secteur de sécurité ; organisation et restructuration des FACAs; passage d’une armée de projection à une armée de garnison, recrutement des jeunes dans l’armée, etc. Ce programme tant désiré donnera son plein effet que s’il est accompagné d’une stratégie de défense claire, élaborée dans le cadre d’une réflexion cohérente, avec un calendrier précis.
Le Président et son Gouvernement sont incontestablement déterminés, je l’espère, à combattre l’insécurité sur tout le territoire centrafricain. Ils sont conscients que la stabilité politique et le développement économique et social de notre pays passent par un secteur de la sécurité efficace et légitime aux yeux des centrafricains. Depuis l’installation du Gouvernement SARANDJI, des efforts considérables ont été déployés pour apaiser les tensions sur le terrain, assainir les finances de l’État, recréer des liens entre chrétiens et musulmans, etc.
Mais, de l’extérieur, nous observons que rien n’est formellement engagé pour organiser et restructurer les FACAs. Nos ennemis connaissent les faiblesses des FACAs. Ils agissent en toute connaissance de cause. Les récents événements du mois de juin illustrent à merveilles les difficultés qu’observent nos autorités à restaurer la sécurité sans l’appui d’une armée nationale disciplinée, républicaine, citoyenne, forte, capable de ramener la paix, la sécurité et d’assurer à notre pays, sa souveraineté et son intégrité territoriale.
Il s’agit d’abord pour le commandement de dresser un portrait des hommes et des femmes qui composent notre armée (examens médicaux, capacités physiques, morales, psychologiques à exercer sur le terrain), d’établir ensuite ses forces et ses faiblesses, ce qui va permettre d’orienter le nombre de jeunes à recruter. Enfin, la notion d’engagement, une notion surclassant toutes les autres, celle que se donne la nation pour assurer sa défense, sa protection et sa sécurité, devra être l’essence des actions dans le cadre de la formation de nos militaires.
L’histoire récente de la République centrafricaine me fait dire que les vrais dangers qui guettent notre pays viennent des citoyens centrafricains, pas de ses ennemis. L’engagement citoyen pour défendre la patrie appelle nos autorités à la plus grande prudence quant à la manière dont doit désormais s’opérer les recrutements dans les forces de défense et de sécurité. Les partitionnistes veulent détruire notre pays, ils connaissent les faiblesses de nos forces de sécurité et de défense. Alors quel beau projet pour une partie de notre jeunesse que celui de s’engager avec détermination et la passion du service pour défendre notre Drapeau, notre Nation, notre Patrie, notre Unité, notre Dignité. Oui s’engager jusqu’à donner son existence.
Il existe sans doute dans la population centrafricaine, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou athée, un besoin réel d’engagement, de servir et de défendre la Nation. Et chez certain, cette volonté d’engagement passe avant l’idée d’une carrière. Les autorités nouvellement élues sont amenées à formuler une Politique de sécurité et défense crédible et capable de forger un réel sentiment d’appartenance à la nation centrafricaine et de défense du pays. Il revient à Monsieur TOUADERA et son Gouvernement de donner un nouveau concept, une nouvelle stratégie pragmatique, un agenda réaliste et de poser les bons jalons d’une armée nationale axés sur un système de sélection performant, fondé sur des épreuves sportives, cognitives, psychologiques et non sur des critères ethniques. Le défi à relever est de taille et dépasse de loin les clivages politiques, les intérêts et les égoïsmes partisans et claniques.
Les faiblesses de l’armée centrafricaine qui constituent un frein majeur à la reconstruction d’un véritable État de droit doivent être traitées dans un intervalle de temps court afin d’éradiquer les égos et les folies belliqueuses surdimensionnés des ennemis de notre nation.
La République centrafricaine est en guerre. Oui, cette guerre qui ne dit pas son nom mais qui tue de nombreux centrafricains chaque jour. Notre pays est miné par des violences insupportables. La situation est nauséabonde et nous ne pouvons plus la laisser s’éterniser.
Le Président TOUADERA et son équipe doivent mettre fin à ce conflit dévastateur dans un court délai. Le peuple centrafricain n’en peut plus de ces conflits interminables. Aujourd’hui, le seul combat qui vaille, même si c’est difficile, c’est celui de la lutte contre toutes ces violences. Le peuple centrafricain est souverain. Ce peuple a décidé librement de confier son avenir, à travers un vote démocratique, à Monsieur TOUADERA. Au nom du peuple centrafricain, Monsieur TOUADERA à toute légitimité d’agir, de mener cette guerre, soit en mettant en place une nouvelle armée, soit en restructurant l’armée actuelle.
Dans ce moment de crise, le Président et son Gouvernement, par une communication maîtrisée et transparente, doivent rassurer la population et dans un délai raisonnable :
faire un état des lieux des FACAs
mettre en place une colonne vertébrale solide et efficace au sein de l’armée
créer un conseil de défense qui discute des grandes orientations en la matière
mettre en place un système de sélection performant (entretien de motivation, tests physiques et psychologiques, etc.) et recruter des jeunes soldats
créer des coopérations militaires ciblées avec nos partenaires étrangers, dans un rapport gagnant-gagnant, pour chasser toutes les forces non conventionnelles hors de notre pays
mettre fin à l’embargo sur les armes grâce à la légitimité et l’autorité reçues du suffrage universel créer un conseil des sages (anciens militaires, jeunes officiers, chefs de quartiers, représentants anti balaka et ex-séléka) pour être force de réflexions et propositions
prendre des mesures de coercition à l’endroit des récalcitrants
doter le ministère de la Défense d’un budget conséquent dans les meilleurs délais 10. dans le cadre d’une restructuration, procéder à une réintégration des dignes anciens cadres des FACAs éparpillés au quatre coins du monde.
Il revient à Monsieur TOUADERA et son équipe d’assumer cette phrase de Thomas de Sankara : “Un peuple conscient ne saurait confier la défense de sa partie à un groupe d’hommes qu’elles que soient leurs compétences. Les peuples conscients assument eux-mêmes la défense de leur patrie.”
Davis Vianney FOKY RAMA
Secrétaire Général CoRReCt