Le 24 juin dernier, le Ministre centrafricain de l’Intérieur, Jean Serge Bokassa, a signé un arrêté portant intégration de 14 individus dans le corps de la police centrafricaine, parmi lesquels figure un chef Anti-Balaka notoire : Maxime Mokom. Un rapport d’enquête des Nations Unies de Décembre 2015 l’avait pourtant identifié comme le coordonnateur militaire d’un groupe de milices Anti-Balaka qui avaient contribué à attiser les violences inter communautaires à la fin de l’année 2015, avec pour objectif : le retour au pouvoir du président sortant, François Bozizé. Cette décision prise par le nouveau gouvernement a de quoi inquiéter. Les centrafricains – déjà meurtris par plus de trois années de guerre – risquent d’être de nouveau victimes des politiques désastreuses qui font des bourreaux d’hier, des criminels en uniforme aujourd’hui.**
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Alors que tous les yeux sont tournés vers l’exécutif centrafricain – avec pour nouveau patron Touadera – l’espoir né au lendemain des élections de mars dernier laisse progressivement place aux déceptions voir même aux craintes. Crainte de voir revivre les dérives d’un régime abusif caractérisé par le clientélisme et le patrimonialisme où le bien public est détourné vers les comptes privés des élites de Bangui. Crainte de voir ressurgir des hommes dits ‘de paix’ – qu’ils soient policiers, gendarmes ou militaires – transformés en bandits, qui commettront leur lot d’atrocités, à l’exemple des milices et bandes armées toujours déployées sur le territoire national.
Le 24 juin 2016, Jean Serge Bokassa, du nom de son père autrefois empereur, et actuellement Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et l’Administration du Territoire, a signé un arrêté qui prévoit l’intégration de Maxime Mokom dans le corps de la police centrafricaine. Pour rappel : en 2015, les Anti-Balaka dirigés par Mokom et une branche des ex. Seleka dirigés par le chef de guerre Nourredine Adam - aussi connus sous le nom de ‘Nairobistes’ - avaient été à l’origine des troubles qui ont sévi dans le pays à la fin de l’année 2015. Cette alliance opportuniste entre les clans des deux anciens présidents, François Bozize et Michel Djotodia, avait pour but de réinvestir la scène politique centrafricaine au moment où les autorités de la transition les empêchaient d’accéder au pouvoir.
Des crimes restés impunis
Pour parvenir à leur fin, ces deux clans n’avaient pas hésité à instrumentaliser les tensions inter communautaires (musulmans et non musulmans) pour attiser la violence, la haine et créer l’instabilité. A la fin de l’année 2015, les heurts provoqués par les Nairobistes avaient officiellement fait plus de 75 morts, des centaines de blessés et des milliers de déplacés. En juillet 2015, un rapport de l’ONU sur la situation des droits humains mentionnait que les groupes armés, en particulier les Anti-Balaka et les ex. Seleka, s’étaient rendus responsables de violations au droit à la vie, d’actes de torture, de traitements inhumains et dégradants, d’arrestations arbitraires, de viols, de pillage, de violations au droit à l’éducation, à la sante et à l’alimentation.
Impunité et politique de favoritisme, un cocktail explosif
Bien que la lutte contre l’impunité figure dans les discours de l’élite politique de Bangui, on constate que les vieilles recettes continuent d’être utilisées. Récompenser d’anciens chefs de milices responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en leur confiant des postes symboles de paix et d’ordre public pourrait raviver les tensions inter communautaires et les violences, renforçant ainsi le sentiment d’insécurité des populations. Le rapport d’enquête de l’ONU indiquait en décembre 2015 que la nomination de chefs de groupes armés en tant que membres du gouvernement de transition renforce leur sens de l’impunité et n’a pas d’impact significatif sur la réduction du niveau de violence. Enfin, le favoritisme à l’égard d’un chef Anti-Balaka pourrait très vite attiser les rivalités entre groupes qui se considèreront lésés par le pouvoir de Bangui.
Pour rompre avec les erreurs du passé, il est nécessaire que le gouvernement traite de la question des groupes armés et de la politique de sécurité de manière transparente, inclusive et équitable. En outre, la lutte contre l’impunité et la réconciliation entre communautés demeurent deux conditions majeures à toutes tentatives de restauration de la paix sur le territoire.
**De récentes informations obtenues indiquent que l’arrêté aurait été annulé à la suite de pressions internationales mais nous n’avons pas pu le confirmer avec un document officiel signé de la main du Ministre. Cette problématique refera surface avec le temps, donc même si l’arrêté était annulé, nous considérons que cette question demeure un enjeu crucial.