Bangui — Le retour des déplacés et réfugiés a fait l’objet d’une interview exclusive avec le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés en Centrafrique. Selon Charles Mbala, représentant adjoint en charge de la protection au HCR, la stabilisation progressive du pays doit se traduire par le retour des réfugiés et déplacés.
RJDH : Bonjour Monsieur Charles Mballa
Charles Mballa : Bonjour
RJDH : Vous êtes le représentant adjoint en charge de la protection au HCR. Certaines personnes déplacées qui se trouvent dans les sites et des réfugiés manifestent la volonté de regagner leur localité. Comment le HCR se prépare-t-il à organiser ces retours ?
Charles Mballa : Depuis quelques temps nous avons noté un intérêt certain de la part des personnes déplacées et des refugiés pour leur retour, un intérêt qui est justifié par l’amélioration de la situation socio-politique en République Centrafricaine. Pour les personnes déplacées, nous avons environ 30.000 personnes qui sont retournées spontanément en début d’année dans plusieurs endroits du territoire notamment à Bangui où nous avons des personnes déplacées mais également dans les pôles humanitaires de Bambari, Kaga-Bandoro, Batangafo. En ce qui concerne les réfugiés, nous avons noté des retours timides mais des retours quand même spontanés en provenance du Cameroun dans la zone de la Nana-Mambéré, Mamberé-Kadei, des réfugiés du Tchad dans la zone de Moyenne Sido et Kabo. En provenance de la République Démocratique du Congo (RDC) dans la zone Mobaye et Ndjoukou. Quelques retours certes négligeables en provenance du Soudan dans la zone de Birao. La tendance au retour est là, c’est pour ça que le HCR avec les Etats qui ont la première responsabilité de la protection de ces personnes qui sont en train de travailler pour la mise en place d’un cadre normatif approprié pour gérer ces questions de retour.
RJDH : Quelles sont les initiatives proposées par le HCR en faveur de ceux qui veulent retourner?
Charles Mballa : En ce qui concerne les personnes déplacées, avec le ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale, il y’a des initiatives en cours pour établir un cadre de coordination approprié mais également des plans opérationnels pour encadrer le retour des personnes déplacées. En attendant la mise en place de ce cadre, des mécanismes sont déjà en cours depuis l’année dernière pour assister les personnes qui retournent spontanément. Dans une note validée l’année dernière, l’assistance doit avoir lieu dans les zones où nous pensons que le retour peut se faire dans la sécurité et dans la dignité. Mais cette assistance doit se baser sur les besoins et la vulnérabilité établis dans les zones de retour et non sur le statut des personnes. En conséquence, pour certains déplacées qui sont déjà retournés par exemple sur l’axe des Mbrès ou ailleurs, ils ont pu bénéficier d’assistances ponctuelles des acteurs humanitaires après l’évaluation des besoins. Le HCR dans certaines zones fournit une assistance ponctuelle pour appuyer des gens qui sont en train de retourner. En ce sens, nous avons des partenaires qui travaillent. L’un dans la Nana-Mambéré et l’autre dans la Mambéré Kadéi et nous avons un partenariat avec ACTED pour construire quelques abris pour les personnes qui décident de retourner dans le troisième arrondissement de Bangui. Nous sommes en train d’élargir ce partenariat avec d’autres acteurs comme ENNORCY.
RJDH : Les préalables sur les solutions durables sont-ils déjà engagés ?
Charles Mballa : Le HCR a déjà mis en place, un groupe de travail sur les solutions durables et la réintégration qui réunit le gouvernement notamment le ministère des affaires sociales. Ce groupe se réunit mensuellement avec le HCR mais également les affaires civiles de la MINUSCA, qui a également des projets en ce sens. Ceci pour mettre en place un cadre de coordination approprié. Ce cadre de coordination existe au niveau de Bangui mais est également établit au niveau de Bambari sous la responsabilité du préfet. Il a également été établi au niveau de Bouar et Kaga-Bandoro. Nous pensons également établir le même cadre de coordination au niveau de Berberati qui est une zone de fort retour ainsi qu’au niveau de Batangafo. Nos collègues qui sont actuellement dans cette zone sont en train de travailler.
RJDH : Le début du processus du rapatriement volontaire a été lancé depuis l’année dernière. Pourquoi les accords entre les pays qui reçoivent les réfugiés tardent à être signés?
Charles Mballa : Il y’a aujourd’hui 485.000 refugiées centrafricains dans les pays voisins et on ne parle pas de ceux qui sont au-delà de ces pays voisins. Ces chiffres représentent 10% de la population. Dans les jours à venir, il y’aura des discussions avec les gouvernements de la Centrafrique, du Tchad et le HCR, peut déjà mettre en place un calendrier qui va pouvoir nous conduire vers la signature des accords tripartites le plus rapidement possible. Ces accords définissent les modalités du retour des réfugiés.
RJDH : Pourquoi ces accords tripartites ne concernent-t-ils pas le Congo Brazzaville et la RDC ?
Charles Mballa : J’ai commencé avec le Tchad mais les discussions sont également en cours avec le Cameroun qui a d’ailleurs saisi le HCR et votre gouvernement sur cette question. Les mêmes discussions sont déjà en cours avec la RDC. Pour votre information, avec la République du Congo, j’avoue qu’il y a un nombre peu important des refugiés et ceux qui sont dans ce pays le sont de longue durée. Il n’y a pas de pression ressentie à notre niveau ni au niveau du gouvernement pour que les discussions soient engagées. Mais, nous sommes disposés à tout moment si un pays manifeste l’intérêt d’engager des discussions.
RJDH : Au moment où des solutions durables sont envisagées, des refugiés sont enregistrés à nouveau au Cameroun et au Tchad suite aux récentes violences. Comment allez-vous régler cette situation ?
Charles Mballa : Il y avait des retournés malheureusement, certains font fasse encore à de problèmes de sécurité. Pour les gens qui rentrent dans la zone de Moyenne Sido et Kabo, il y’a recrudescence d’activités des groupes armées dans cette zone. Pour ceux qui rentrent du Cameroun, vous avez certainement enttendu parler des incidents au niveau de Berberati, Carnot avec des populations musulmanes retournées. Il s’agit pour nous de nous rassurer avec le gouvernement de Centrafrique que les conditions soient réunies.
RJDH : Vous parlez des conditions, quelles sont donc ces conditions ?
Charles Mballa : La première condition est d’abords la sécurité. Deuxième condition c’est la coexistence pacifique des communautés. Quelqu’un qui a fui son pays parce qu’il avait peur pour sa vie, il ne doit pas retourner et avoir peur de nouveau pour sa vie.
RJDH : Par rapport à tout ce que vous venez de dire, pensez-vous que le retour des réfugiés est vraiment à l’ordre du jour ?
Charles Mballa : Ah oui, il est à l’ordre du jour parce que la stabilisation progressive du pays doit se traduire par le retour des réfugiés et des personnes déplacés. Le faite qu’on ait des réfugiés et des personnes déplacés à l’extérieur montre que la santé socio-sécuritaire et politique du pays n’est pas encore parfaite. Donc pour nous, c’est effectivement à l’ordre du jour. De même, pour ce qui est de retour des personnes déplacées, la ministre des affaires sociales a effectué une visite à M’Poko et une réunion est prévue avec les acteurs humanitaires pour mettre en place des plans opérationnels concrets pour appuyer des personnes qui veulent partir des sites.
RJDH : A quel moment, de façon concrète, les opérations de retour des personnes vont être lancées ?
Charles Mballa : Je vous dirais dès que le cadre normatif sera mis en place. Cela peut se faire très rapidement. On va aussi suivre l’évolution de la situation en Centrafrique. Il y a des chantiers qui sont lancés dans ce pays, le chantier par exemple de la réforme du secteur de sécurité, le chantier du désarmement, de la réconciliation… Tous ces chantiers sont des préalables à un retour organisé.
RJDH : Est-ce que la situation financière pose-t-elle problème par rapport à tous ces programmes du retour des réfugiés et déplacés?
Charles Mballa : Pour le moment, nous ne mettons pas en avant les contraintes financières. La Centrafrique a traversé des moments pénibles pendant des longues années de son histoire. Les personnes qui retournent devraient retrouver des infrastructures de base. On ne peut pas vous dire aujourd’hui qu’il n’y a pas d’argent pour cela tout comme on ne peut pas vous dire qu’il y’a beaucoup d’argent. Il faut qu’on évalue ensemble les besoins. Il faut être certains que 20% de la population déplacée et refugiée ne rentrera pas eu une journée. Cela va prendre beaucoup d’années pour que tout le monde puisse revenir.
RJDH : Merci Monsieur Charles Mballa
Charles Mballa : Je vous en pris
Propos recueillis par Angela Pascale Saulet Yadiberet et Fridolin Ngoulou