« Son amour à lui [Bamboté], était la Centrafrique et les Centrafricains. Pas un jour ne s’est passé sans qu’il s’en inquiète et n’écrive pour leur parler de leur passé ainsi que des possibilités d’avenir. C’était un véritable écrivain, il écrivait avec son sang. » (Nicole Vandenbossche)
Une semaine ! Voilà huit jours huit longues nuits qu’il s’en est allé regagner les ancêtres
Sans crier gare, dans le silence du matin montréalien sans tambour ni trompette !
Tel un météorite tel un éclair zébrant le ciel torride du royaume de Banga-sù-ulè à midi
La nouvelle, la triste nouvelle, la tragique nouvelle tomba nous frappa à l’improviste comme la foudre
En ce 16 juillet de l’an de grâce deux mil seize quand dans un mail
Reçu pour la première fois de celle qui durant quarante ans fut la compagne de sa vie
Celle pour qui il fut l’amour de sa vie : Bamboté est mort !
Oh ! glaciale nouvelle ! Oh ! innommable peine ! Oh ! tristesse infinie ! Oh ! douleur indicible
A la dimension de l’immensité de l’illustre personnage, du grand homme qu’il fut et demeurera.
Qui l’eût cru !
Bamboté
Pierre Bamboté
Makombo Bamboté est mort !
Bamboté, fils de Batila
Fils, petit-fils et arrière petit-fils du roi Bangassou et d’autres Bangasu d’illustre mémoire
Fils, petit fils et arrière arrière arrière petit-fils de Kulé l’ancêtre mythique
de Bandia…
de Ndunga…
de Mbali…
de Labasso…
de Sayo Bangasu cette bonne brique dont tu ne résolus jamais à admettre qu’il fût vraiment parti
Digne descendant de l’incommensurable roi Bangasu « un aussi grand homme, l’un des dix plus grands que la terre ait connus »
Et d’autres Bangasu…
Enfant de la terre Bamboté tu fus tu es à jamais à l’aurore de l’éternité
Car outre que tu racontas avec un art consommé à nul autre pareil l’histoire de ta terre
la glorieuse histoire du royaume septentrional et de la grande et vaillante reine Natélégué notre mère à nous tous
Tu dis la Terre des hommes
Avec amour avec fidélité avec passion
Tu l’écrivis avec ton corps
Avec ton cœur
Avec ton âme
Avec ton sang tu bâtis une œuvre colossale
Bamboté des générations entières diront ta générosité ton amour de ta terre du Mbomou et de tous les peuples la belle histoire de ta terre de Centrafrique du passé du présent et de l’avenir de ta terre que tu aimas tant
Ta terre de Centrafrique à laquelle tu donnas le meilleur de ta vie toute ta vie pour ta terre Centrafricaine que tu chérissais par-dessus tout
Des générations entières Bamboté emportées par l’admiration chanteront reconnaissantes avec ravissement
La Poésie est dans l’histoire
Les deux Oiseaux de l’Ubangi
Journal d’un paysan de l’Afrique Centrale
Le grand Etat Central ! Ah ! qui mieux que toi eût pu graver dans le marbre de la mémoire collective de notre histoire nationale la geste héroïque et l’envoûtante épopée Bandia-Nzakara ?
Dans le marbre de nos cultures différentielles unies de la mémoire universelle tu coulas et immortalisas comme de juste en guise d’oraison funèbre dans ton Chant funèbre pour un héros d’Afrique Patrice Lumumba le bienheureux !
Tu as dit Unité ! Liberté ! Tu les voulais l’une et l’autre déjà, en1960, pour tes frères pour tes sœurs Centrafricains.
« Frère…
« Tu connais le prix de la liberté, et de nos larmes » !
Comme Barthélemy Boganda tu la désiras ardemment, l’unité, pour la cohésion de notre nation naissante et le vivre-ensemble du peuple Centrafricain. Comme le grand Patriarche fondateur de la nouvelle république multiethnique dont tu aimais souvent à citer le slogan prophétique toujours vivant : « L’unité c’est la vie ; la division c’est la mort », et prévins : « Ce sentiment [le tribalisme] qu’avait détruit le Président Boganda, il était de nouveau en vie » ! Avons-nous honte de nous quand dans la pénombre de nos turpitudes nous nous regardons furtivement dans la glace ?
Elle se délectera ta postérité de Princesse Mandapu ! Ah ! ravissante et candide princesse de nos cœurs traversés par un Coup d’Etat nègre scélérat qu’il nous faut vite oublier comme un mauvais rêve un cauchemar sorti tout droit des entrailles de Satan qui te valut mille fois hélas ! un exil courageux et prolifique au Canada que nous aimons.
Te voilà, Princesse, orpheline au sommet de l’arbre-à-Banga-su-ulè ! Où iras-tu, princesse ?
Et que dire de Nouvelles de Bangui de mémorable Prix des Etudes Françaises des Presses de l’Université de Montréal dont tu fus le premier et l’unique fils du pays de notre pays à gratifier au panthéon de la gloire universelle ta terre de Centrafrique ?
Et de Royal suivi de Sagesse des Oiseaux dont tu me dis un jour – je m’en souviens comme si c’était hier – que c’est ce qui se faisait de mieux en poésie postmoderne au Québec qui t’accueillit comme un fils de la terre des hommes
Et j’en passe et j’en passe
Mais dis-moi, cher grand-frère, l’Artiste : Que ferons-nous après la guerre ou Eloge de l’animisme ? Sans doute ne le saurions-nous jamais ! Hélas, ton silence sépulcral m’étreint ! m’étreint !
La voilà, poète de la terre poète de toutes les terres, voilà ma Déclaration de Guerre aux Morts !
Makombo Bamboté tu portas le premier sur les fronts baptismaux de la Pléiade la république des lettres Centrafricaines
A l’instar de tes illustres aînés disparus Léopold Sedar Senghor Aimé Césaire Léon Gontran Damas Mongo Beti
Et j’en passe et j’en passe
Immense oui véritablement colossale est ta gigantesque œuvre que tu lègues à la postérité interloquée de contemplation
Le premier Bamboté tu portas de l’Oubangui-Chari tu portas haut au monde et au loin le flambeau étoilé à quatre couleurs barrées de rouge des lettres Centrafricaines devant le tribunal infaillible de l’Histoire qui seule implacable jugera les œuvres mortelles des humains pour les hisser au firmament de l’immortalité
Tu fus Bamboté le Pionnier tu fus le Fanion Bamboté tu fus le Porte-drapeau
Makomboté Bamboté tu es l’Emblème irremplaçable
Tu es l’Icône national de la culture et des lettres Centrafricaines au rendez-vous de l’Universel des Nations et de l’Histoire
Seul tu es l’incarnation de la république littéraire et culturelle Centrafricaine
Makombo comme celle qui t’a tant aimé je souhaite comme Ba Nga Sou qui ne connaît ni mers ni distance que tu aies regagné la terre de tes ancêtres et te baignes avec papa Batila dans la Pipi de ton enfance.
Les morts sont-ils morts ?
Nous voici debout inébranlables de foi à l’unisson le regard inexorablement fixé sur la Source éternelle de toute espérance !
Avec
Pierre
Makombo
Bamboté
Nous chantons la Vie !
Le Poète est dans l’Histoire.
Adieu l’Aîné !