En Centrafrique, un nouveau président a été élu démocratiquement il y a 6 mois, mais les Nations unies ne baissent pas la garde. Mardi 26 juillet, à New York, le Conseil de sécurité a voté la prolongation du mandat des quelque 12 000 casques bleus de la Minusca jusqu’à novembre 2017. Rappelons que les troupes françaises de Sangaris plient bagage et que les Nations unies se retrouvent désormais en première ligne. Le Gabonais Parfait Onanga-Anyanga dirige la Minusca. En ligne de Bangui, le représentant spécial de Ban Ki-moon est l’invité de RFI.
RFI : Les 12 000 casques bleus sont maintenus jusqu’en novembre 2017 avec un mandat musclé. Mais plusieurs pays du Conseil de sécurité ont fait enlever de la résolution, la mention que votre force militaire pourrait intervenir de façon robuste avec des technologies modernes. Est-ce que ce n’est pas un problème ?
Parfait Onanga-Anyanga : Je ne crois pas que la question des technologies ait été totalement gommée de la résolution. Non, il y a une demande faite au secrétaire général et à son représentant ici, c’est-à-dire moi-même, de tout faire, en sorte que les Etats qui enverraient des troupes ici en Centrafrique s’organisent pour qu’elles soient très bien équipées, bien entraînées, en raison précisément des menaces que ces forces pourraient rencontrer sur le terrain et en raison du fait qu’il y a encore beaucoup trop de groupes armés dans ce pays. Et par exemple, dans l’un des paragraphes du dispositif on peut voir que le Conseil demande à la Minusca de saisir et de confisquer, mais aussi de détruire, les armes dont pourraient disposer ces groupes armés, y compris leurs minutions. Et ce faisant, nous avons là quelque chose qui est clairement robuste et je crois que c’est bien le sens de cette résolution.
Il n’empêche, dans un rapport publié il y a quelques semaines, le numéro 2 du secrétariat général de l’ONU, le Français Hervé Ladsous, constate que la situation est fragile et réversible. Il note notamment que l’ancien chef Seleka Noureddine Adam essaie de réunifier l’ancien mouvement qui tenait Bangui en 2013.
C’est des informations préoccupantes. C’est vrai, nous sommes, en tout cas toute la mission est à pied d’œuvre. Et l’un des accents particuliers de ce mandat ce sera précisément de doter la Minusca d’une plus grande mobilité avec une grande flexibilité dans sa capacité opérationnelle. Et donc cela nous permettrait, je crois, j’en suis convaincu, d’avoir le dessus sur toute force négative sur le terrain. Et le vrai défi pour les Centrafricains c’est de se retrouver. Le chef de l’Etat Touadéra a tendu la main, il a invité tous les acteurs politico-militaires autour d’une table. Il faut saisir cette opportunité parce qu’il n’y en aura pas d’autres.
C’est un message à Noureddine Adam ?
On espère que tous, y compris évidemment que monsieur Noureddine Adam, entendra raison et viendra autour de la table.
Est-ce que vous ne péchez pas par excès d’optimisme ? Le président Touadéra dit que la patrie est en danger et que la vaste zone de son territoire continue d’échapper à tout contrôle. On pense notamment aux régions de Bambari, de Ndélé, de Birao, qui sont sous contrôle rebelle. On a l’impression que vous parlez comme si tout allait bien.
Ah non, mais pas du tout, pas du tout ! Ce que je dis c’est précisément que nous sommes au milieu du gué. Mais aujourd’hui, le monde entier est autour de la Centrafrique. En novembre, bientôt, il y aura une table ronde des partenaires, des bailleurs de fonds pour dire à la Centrafrique : « Bravo ! Il va y avoir un dividende de la paix si vous continuez sur la voie de la paix ».
Est-ce que vous ne craignez pas que le départ des Français ne laisse un grand vide ?
Si ça ne dépendait que de moi, on n’aurait jamais dû changer une équipe qui gagne, parce qu’ensemble on a fait de très belles choses. Mais la Minusca va monter en puissance. Bientôt, elle va recevoir de nouvelles capacités, des éléments renforcés de sa troupe qui viendront ici avec des spécificités particulières. Maintenant, nous ne le ferons pas seuls. Depuis près de dix jours, la nouvelle équipe de formation de l’Union européenne est en place et commence donc le dur labeur de former les forces armées centrafricaines.
De nouvelles capacités, ça veut dire quoi ? Plus d’hélicoptères, plus de blindés ?
Un peu tout cela. Mais pour moi, je crois que rien ne pourra remplacer la volonté des Centrafricains de renégocier ensemble leur contrat social.
En septembre prochain, les quelque 300 gendarmes burundais de votre force Minusca ne seront pas remplacés quand ils partiront. Pourquoi cela ?
Il y en aura d’autres.
Venus d’autres pays ?
Voilà exactement. Exactement. La Jordanie ou de…
Mais pourquoi ne souhaitez-vous pas garder les Burundais ? Est-ce parce que vous craignez que les nouveaux arrivants ne soient des officiers et des soldats du Burundi qui auraient pu commettre des exactions dans leur pays et qui cherchent à se recycler en Centrafrique par la grâce de l’ONU ?
Il faut reconnaître que c’est une exigence qui n’est pas négligeable. Vous savez, nous sommes porteurs de valeurs qui permettent justement à l’humain de s’épanouir.
Au mois de janvier vous avez demandé le départ de tout le contingent en provenance du Congo-Kinshasa. Est-ce aussi pour des raisons de valeur, parce que certains d’entre eux avaient été accusés d’avoir commis des viols sur des jeunes filles centrafricaines ?
Ce que je peux dire c’est qu’aujourd’hui il faut se satisfaire du fait que le gouvernement de la République démocratique du Congo a pris l’initiative de mener un certain nombre de procès assez exemplaires dans leur pays, précisément pour condamner ceux qui avaient été des auteurs de ces crimes horribles.
Quand vous avez pris la tête de la Minusca, il y a un an, on avait déjà recensé 14 cas de viols ou d’abus sexuels commis par des casques bleus. Quelles mesures avez-vous prises depuis un an ?
Enormément et depuis, il y a eu l’adoption de la résolution 22 72 du Conseil de sécurité. Désormais il y est dit que le secrétaire général est habilité à renvoyer des contingents entiers, si jamais il était avéré que les pays d’origine de ces contingents ne faisaient pas diligence dans l’exigence de faire toute la lumière sur les crimes qu’auraient pu commettre justement les éléments de leur contingent. Nous ne pouvons pas nous permettre, en tant que Nations unies, de cautionner de telles horreurs.
Christophe BOISBOUVIER (RFI)