L’opacité des contrats et les trafics en tous genres, notamment avec le Cameroun voisin, ont toujours alimenté les régimes en place à Bangui, même sous Cathérine Samba Panza
Le bois est un juteux commerce en Centrafrique. L’exploitation forestière a toujours largement contribué au PIB du pays avec d’importantes ressources en bois tropicaux. L’opacité des contrats et les trafics en tous genres, notamment avec le Cameroun voisin, ont toujours alimenté les régimes en place à Bangui. Après le chute de François Bozizé en 2013, l’éviction de Michel Djotodia et l’arrivée de Catherine Samba-Panza, les mauvaises pratiques ont-elles disparues à Bangui ? Pas si sûr.
Angolagate
En octobre dernier, le magazine Jeune Afrique révélait la gestion douteuse par le gouvernement de transition d’une partie du don de 10 millions de dollars de l’Etat angolais à la Centrafrique. Pendant plusieurs jours, le Conseil national de transition (CNT) avait exigé du gouvernement des explications, sans jamais obtenir de réponse claire sur la « disparition » des 1,132 milliards de F CFA. Depuis, les soupçons de corruption pèsent sur le présidence de Catherine Samba-Panza, pourtant présentée à sa nomination comme une personne intègre.
Un contrat et une clause… étonnante
Cette fois-ci, c’est un contrat concernant l’obtention d’un permis d’exploitation forestière qui sème le doute sur la totale transparence de l’attribution de ces concessions par le premier gouvernement de transition de Catherine Samba-Panza. Au printemps 2014, de nouveaux permis ont été attribués par les autorités centrafricaines dans le Sud-Ouest du pays. Le groupe Timberland industries et sa filiale Sesame obtiennent un permis à Nola, alors que STBC, filiale de la STBK, récupère le permis de Bayanga. Concernant le permis d’exploitation de Salo, c’est Alpi une importante société italienne, présente notamment au Cameroun voisin et en Côte d’Ivoire, qui emporte la concession avec sa filiale Alpica. Mais une étonnante clause du contrat qu’Afrikarabia a pu consulter stipule que :
Art.4 : La société s’acquittera du paiement de la totalité des loyers pour les trois premières années dans un délai de quinze (15) jours à compter de la notification du présent Décret. Les loyers versés au titre de la deuxième et troisième année seront considérés comme des avances non déductibles des autre taxes et redevances.
Au final, la société Alpica n’a pu honorer cette clause du contrat et son permis a été « transmis » à une société, la chinoise Sinfocam, qui fait partie du groupe Wicwood. Le contrat, contenant le fameux article 4 et attribuant le permis d’exploitation de Salo à la Sinfocam, a été signé en juin 2014 par le ministre de l’Economie forestière, de l’Environnement et du Tourisme, Hyacinthe Touhouyé et le Premier ministre du gouvernement Samba-Panza de l’époque, André Nzapayeke. Plusieurs questions se posent à la lecture de ce contrat : pourquoi le gouvernement était-il si pressé pour encaisser en seulement 15 jours les 3 années de loyers du permis ? Dans quelle mesure le « transfert » de permis entre Alpica et Sinfocam a-t-il été régulier ? Dans quelles conditions de transparence les premières attributions ont été réalisées ? Combien ont rapporté ces contrats ?
Samba-Panza ne peut laisser planer le doute
L’historique de ces concessions remonte à la fin de la période Bozizé, où des nouveaux permis d’exploitation devaient être attribués. Mais François Bozizé est tombé avant d’avoir pu achever le processus. Le gouvernement de l’ex-rebelle Michel Djotodia s’y était intéressé et avait essayé de relancer le processus, avant d’être débarqué lui aussi. C’est donc le premier gouvernement Samba-Panza qui l’a finalisé. Mais la relative discrétion et le peu de publicité fait autour de ces contrats au printemps dernier sèment le doute sur la transparence dans la désignation des permis. Fragilisée par l’Angolagate et le peu de consensus politique autour de sa personne, Catherine Samba-Panza ne pourra sans doute pas laisser planer le trouble sur l’attribution des concessions forestières en Centrafrique, un secteur clé pour la reconstruction de la Centrafrique, toujours enlisée dans la violence depuis le départ François Bozizé.