Bangui – « Il faut penser à injecter de l’argent dans l’économie à travers le secteur privé. Nous ne demandons pas des prêts, nous demandons d’abord si le gouvernement commence à se préoccuper davantage sur la question de notre indemnisation », position exprimée par Christian Ignace Guezoua Loumandé trésorier général de l’Union Nationale du Patronat Centrafricain (UNPC) dans une interview accordée au RJDH
RJDH : M Christian Ignace Guezoua Loumandé Bonjour
CIGL Bonjour monsieur le journaliste
RJDH : La crise qu’a connue la République Centrafricaine a affecté les piliers de l’économie, vous au niveau du patronat pouvez vous nous donner le coût estimatif de ce que le secteur privé a subi.
CIGL : Merci beaucoup, la crise de 2013 a affecté durement les entreprises de l’Union Nationale du Patronat Centrafricain. En tout 34 entreprises ont été sinistrées et le montant global des pertes se chiffre 24 283 251 724Fcfa, c’est au fait, le montant que nous avons communiqué au gouvernement et qui est pris en compte par l’atelier d’étude et de validation des pertes subies par les opérateurs économiques centrafricains.
RJDH : En tant que partenaires sociaux du gouvernement est ce que vos préoccupations sont prises en compte dans la préparation de la table ronde de Bruxelles ?
CIGL : Je dirai oui et non parce que si j’ai bonne mémoire par deux ou trois fois nous avons été sollicités par le gouvernement pour participer à des ateliers de validation. Des études qui ont été faites pour les piliers qui doivent rentrer dans le cadre de la table ronde de Bruxelles. Mais, nous aurons préféré être impliqué davantage, nous voudrons que ce soit comme une consultation à la base, qu’on puisse nous demander nos préoccupations, qu’on puisse les exprimer et que nous puissions échanger pour voir ce qui peut être retenu afin qu’en amont ou au finish les résolutions qui seront prises lors de cette table ronde puisse avoir un effet d’entrainement positif pour l’économie centrafricaine et pour le secteur privé qui est le moteur de la croissance.
RJDH : Donc selon vous le secteur privé n’est pas totalement impliqué dans ce processus en cours ?
CIGL : je dirai que le secteur privé n’est pas suffisamment impliqué dans le processus en ce sens que nous avons des préoccupations que nous n’avons pas cessé d’exprimer depuis qu’y a eu cette crise entre autres : le problème d’indemnisation, de subvention pour nous aider à reconstituer nos outils de production. Nous avons les problèmes des dettes intérieures qui ne sont pas payées, ce qui fait qu’en plus de la fragilisation des entreprises par la crise, il y a cette fragilisation du fait que leur fond de roulement durement affecté par ces mécanismes de gèle de créance ou de suspension de paiement en attendant de trouver des voies et moyens auprès des bailleurs. Or, vous êtes sans ignorer que notre Etat est quasi-totalement fiscaliste. Il se repose sur les impôts, l’assiette fiscale. C’est le secteur privé qui le crée, qui peut l’améliorer ou qui peut le réduire.
Notre vœu le plus ardent c’est que l’Etat nous aide à produire davantage, à créer assez de richesse et à élargir son assiette fiscale pour lui permettre d’avoir les moyens en vue de satisfaire et supporter les charges régaliennes. Si le cadre d’un dialogue franc et sincère avec les différents partenaires et le gouvernement, nous pouvons motiver davantage la majeure partie des opérateurs économiques qui sont encore dans le secteur informel pour qu’ils viennent dans le secteur formel. Si vous avez écouté le ministre des Finances et du budget il y a un ou deux jours se plaindre pour le problème de taxes sur les valeurs ajoutées (TVA), c’est parce qu’il n’y a pas que les offices et les sociétés parapubliques.
Y a ce problème que plus de 80% de la richesse que le secteur privé crée est hors circuit économique, puisque ceux qu’on appelle les informels, ceux qui payent les impôts libératoires qui vont déclarer 10 millions qui font les chiffres d’affaire d’un milliard, l’Etat ne peut pas les contrôler. C’est des pertes de recettes qui font que l’Etat ne peut pas arriver à bout de sa politique économique, politique budgétaire. C’est pourquoi nous estimons que si nous sommes écoutés, la table ronde de Bruxelles sera une occasion pour que nous puissions proposer des solutions idoines pour la relance économique de notre pays et pour le bien être de tout le monde.
RJDH : Pendant la crise beaucoup des entreprises ont procédé et parfois à des compressions de masse, alors comment envisagez vous la relance de l’économie centrafricaine ?
CIGL : la position de l’UNPC, parce que c’est de ça qu’il est question. Nous avons un schéma simple. Cette crise dont notre pays a été victime n’est pas la première, nous pouvons nous inspirer des solutions que certains pays frères que ce soit en Afrique ou en Asie ont conçues pour avoir le relèvement après la crise. Quand on voit dans l’histoire économique contemporaine, on a parlé du plan marshal après la deuxième guerre mondiale. Nous pouvons avoir l’esprit inventif. Il nous faut pour le peuple centrafricain et son économie un plan marshal à la centrafricaine.
Il faut penser à injecter de l’argent dans l’économie à travers le secteur privé. Nous ne demandons pas des prêts, nous demandons d’abord si le gouvernement commence à se préoccuper davantage de la question de notre indemnisation. Nous avons eu un séminaire-atelier sur la question où un expert est venu sur financement de la BAD par l’entremise du ministère du Commerce réfléchir sur les pertes subies par les opérateurs et les unités économiques centrafricains.
Il faudrait que dans le cadre de ce plan marshal l’Etat trouve d’abord moyen d’indemniser les entreprises sinistrées. Ne pas fixer les conditions d’inéligibilités très draconiennes comme on a vu dans le cadre de ce séminaire atelier où plus de 50% des entreprises ont été inéligibles.
Mais l’Etat vous dira que l’urgence est d’abord de renflouer ses caisses ?
Il est question d’un plan marshal, d’un sacrifice à faire, comment trouver les moyens pour relancer l’économie. Nous l’avons vu, les blancs ils ont adopté à l’époque l’économie keynésienne. On a pris les gens pour creuser et reboucher les trous pour leur distribuer des revenus.
Aujourd’hui nous voyons le projet Lôndo faire des choses mais pour le secteur privé, il faut indemniser les entreprises, accorder des subventions si possible. Et si ce n’est pas possible réfléchir sur comment rapidement rendre opérationnel le fond de garantie.
Aujourd’hui ces entreprises sont sinistrées, elles essaient de faire des efforts, mais elles se buttent aux contraintes bancaires. Aujourd’hui ces entreprises montent des appels d’offres, elles arrivent à avoir des marchés auprès des partenaires financiers, Union Européenne, Banque Mondiale ; vous savez que ces partenaires demandent au retour avant de donner des avances des cautions.
Aucune banque de la place ne veut prendre le risque de donner de crédit parce qu’on dit que notre pays est un pays à haut risque. Ces entreprises se retrouvent avec les marchés, mais après le délai d’un ou de deux mois de caution de garantie, ils sont obligés de perdre ce marché parce que les banques pour donner ces cautions, leur demande de couvrir à 100% les cautions.
Alors comment voulez vous qu’une entreprise qui est sinistrée, qui a perdu son fond de roulement leur demande de couvrir à 100% les cautions ? Et si l’entreprise avait la possibilité de couvrir 100% de caution, mais pourquoi alors prendre un crédit ? Il devrait prendre le fond et aller payer les marchandises ou exécuter le marché et se faire payer. Donc à défaut de subvention, il faudrait que l’Etat rende opérationnel un fond de garantie qui puisse permettre aux entreprises citoyennes de pouvoir obtenir les préfinances des marchés.
Voilà globalement ce que le gouvernement peut faire pour booster l’économie en attendant de se préoccuper de l’environnement des affaires qui est un processus à moyen et long termes, de se préoccuper du problème de doing-bisness. Il nous faut une solution à court termes, pour permettre à l’Etat de retrouver son équilibre financier à travers les recettes fiscales pour supporter ses charges.
Voilà la petite recette que nous au niveau du patronat pensons que si l’Etat concrétise la plateforme par exemple de cadre de concertation, pourrons discuter, mais il y a urgence de part et d’autres.
RJDH : M Christian Ignace Guezoua Loumandé, je Vous remercie.
Merci beaucoup !