SILENCE PESANT DES AUTORITÉS, À PARIS COMME À BANGUI.
Pourtant, ce n’est pas une mince affaire. C’est même une première en Afrique francophone, un véritable séisme. Les fondements de la coopération entre la France et la République Centrafricaine vont en être durablement ébranlés. Les accommodements, les arrangements et les soumissions absurdes de certains États de l’Afrique francophone à la France n’auront plus lieu d’être.
Va-t-on sonner le glas d’une coopération déséquilibrée, qui engraisse une petite élite assoiffée de pouvoir et d’argent, dépourvue de tout sens de patriotisme, pendant que le pays sombre dans un sous-développement chronique ?
Les populations ne survivent que grâce à l’aumône venue de l’extérieur, malgré les immenses richesses naturelles de la Centrafrique. Celles-ci sont pillées par les prédateurs étrangers, sans contrepartie, avec la lâche complicité des dirigeants qui n’en récoltent qu’un menu fretin, laissant leur pays exsangue. La République Centrafricaine est, véritablement, un eldorado pour les uns et une vache à lait pour les autres.
Depuis l’indépendance, la France n’a pas favorisé l’établissement de petites et moyennes entreprises industrielles, mises à part les brasseries de bière qui tournent à pleines chopes ! On demeure stupéfait devant tant de renoncements, de mauvaises gouvernances et de soumissions.
La présence des soldats chinois aurait pu être effective depuis longtemps en Centrafrique, étant donné l’échec de la France et de la MINUSCA dans leur mission de maintien de la paix, de la protection des populations et de la garantie de la souveraineté du territoire. Aujourd’hui, les rebelles de l’ex-Séléka et leurs mercenaires sont en train de redessiner la carte de la République Centrafricaine afin de créer descalifats, sans crainte d’intervention de la part de forces internationales dont l’inaction reste incompréhensible.
CENTRAFRIQUE UN STRICT PRE-CARRE
L’histoire des relations de la RCA avec la Chine ne date pas d’aujourd’hui. Des opérations militaires (Barracuda, Sangaris etc.) ont été menées par la France pour destituer les dirigeants qui faisaient affaire avec les Chinois. C’était déjà la guerre du partage des intérêts miniers de la Centrafrique. La France œuvrait d’abord pour la protection de ses intérêts et celle de ses ressortissants et voulait tenir en laisse les dirigeants centrafricains de façon à rendre son pré-carré impénétrable.
Il suffit de rappeler certains faits : le 1er janvier 1966, le président de la RCA, David Dacko, fut destitué par le coup d’état du colonel Jean-Bedel Bokassa. Or, Dacko avait mené une politique d’ouverture déjà très active à l’endroit de la Chine : les produits à bas coût venus du continent asiatique inondaient le marché centrafricain, avec un indéniable succès auprès des populations. Les Chinois avaient entrepris une politique vigoureuse d’aide au développement du pays : construction de l’hôpital de L’AMITIÉ et du stadeBARTHÉLEMY BONGANDA, par exemple. Les Centrafricains étaient séduits par ces nouveaux venus, qui habitaient dans leurs quartiers et les côtoyaient, à la différence des Français et des Européens, qui vivaient entre eux. Remarquons au passage qu’il s’agissait là d’une forme de communautarisme, de celui que l’on reproche aujourd’hui à certains habitants des banlieues françaises. Mais rappelons qu’en Afrique coloniale, à quelques exceptions près, les Européens ne se mélangeaient pas avec les indigènes…
En 2012, quand les soldats de la force Sangaris se sont positionnés à Bangui pour défendre la capitale envahie par les rebelles de la Séléka, le président de la République Française, François Hollande, a fait la sourde oreille devant les appels au secours de François Bozizé, lui aussi démocratiquement élu. Il a même cyniquement déclaré : «La France n’est en Centrafrique que pour y défendre ses intérêts… » On ne peut être plus clair. Le lâchage de François Bozizé, tout comme celui de David Dacko n’ont été motivés que par l’offensive des Chinois dans le secteur minier et, surtout, l’aide au développement qu’ils apportent au pays, est nettement supérieure à celle de la France. C’est ainsi qu’ils sont venus menacer le pré-carré français, jusqu’ici impénétrable.
François Bozizé avait cédé l’exploration et l’exploitation des immenses gisements de pétrole du sous-sol centrafricain et des mines d’uranium aux Chinois. C’était trop pour Hollande : il fallait que Bozizé paie.
Mais les temps changent. Depuis des décennies, la République Centrafricaine a été tenue sous perfusion, elle est restée sous la tutelle de la France. Aujourd’hui, l’ancienne puissance coloniale n’a plus les moyens de ses prétentions. Que se passera-t-il demain ?
FAUSTIN-ARCHANGE TOUADERA, LE DÉFI PATRIOTIQUE
Quelle audace ! Alors que la France abandonne les Centrafricains au chaos en réduisant l’effectif de la force Sangaris et en se contentant d’envoyer des drones pour des missions qui n’ont pas été clairement définies, Espérons que ces drones vont servir enfin, à libérer le territoire centrafricain des griffes des bandes armées et leurs mercenaires. Alors que les rebelles de l’ex-Séléka s’agitent, menacent et établissent leurs propres administrations dans les régions occupées, que font les Chinois ? Ils envoient des soldats pour protéger leurs exploitations de pétrole, de diamant et d’or et contrer la menace des bandes armées !
Peut-il s’agir du début d’une aide apportée par la République Populaire de Chine à la Centrafrique pour sécuriser son territoire ? Peut-on évoquer l’amorce d’une diversification des accords bilatéraux de défense ?
En autorisant les Chinois à envoyer des troupes en Centrafrique, Faustin-Archange Touadera défie en quelque sorte les autorités françaises, et ressuscite la souveraineté centrafricaine, bafouée depuis soixante ans… C’est à saluer ! C’est du jamais vu dans les relations franco-centrafricaines. Est-ce le début d’une nouvelle ère ? Gageons-le. Mais il est probable qu’avant l’arrivée des soldats chinois en terre bantoue, des conciliabules entre Centrafricains, Français et Chinois ont eu lieu.
Les citoyens aimeraient savoir le prix à payer pour ces transactions secrètes. Il faut que Faustin-Archange Touadera s’adresse à la nation tout entière pour expliquer cette nouvelle donne géopolitique. La vieille amitié avec la France n’est en rien menacée, mais les Centrafricains doivent, maintenant, se rassembler derrière leur président pour affirmer leur souveraineté et mettre un terme définitif aux défis insupportables et aux marques d’arrogance intolérables, de la part de bandes armées, à l’encontre d’un président largement et démocratiquement élu et à tout un peuple.
Désormais, les vrais amis de la Centrafrique seront ceux qui l’aideront à ramener la paix (SIRIRI) et la réconciliation nationale.