La hausse attendue des taux américains, ceux négatifs de la BCE ou encore le Brexit sont autant d’événements extérieurs qui pèsent sur l’économie africaine sans qu’elle ait les moyens d’intervenir, a expliqué à l’AFP le secrétaire général adjoint démissionnaire de l’ONU, Carlos Lopes.
« Le climat international n’est pas très favorable pour l’Afrique et ce sont les raisons de l’essoufflement de la croissance de ces deux dernières années sur le continent », affirme M. Lopes, qui a par ailleurs annoncé mercredi au Monde Afrique qu’il quittait l’ONU et son poste à la tête de la Commission économique pour l’Afrique, à Addis Abeba.
Croissance africaine à la baisse
Le FMI a réduit en juillet de près de la moitié sa prévision de croissance cette année pour l’Afrique subsaharienne à 1,6 % contre 3 % auparavant, soit la plus faible depuis plus de dix ans. Il prévoit même un recul du Produit intérieur brut du Nigeria de 1,8 %.
« Et ces facteurs internationaux sont complètement hors de contrôle pour les Africains, mais ils affectent leurs économies », prévient le diplomate de passage à Paris pour une rencontre à l’Unesco, au retour de l’Assemblée générale de l’ONU.
Premier défi : les taux d’intérêt américains. La Fed les a certes maintenus inchangés la semaine dernière, mais une probable hausse en décembre pourrait à nouveau créer des turbulences sur les marchés émergents, comme en décembre 2015 quand elle les a relevés pour la première fois.
Pour M. Lopes, il faut s’attendre à des conséquences « assez dures » pour les pays producteurs de pétrole comme l’Angola ou le Nigeria si la Fed durcit sa politique monétaire.
A chaque fois que les taux remontent aux Etats-Unis, « la valeur des monnaies de ces pays dégringole par rapport au dollar et ils se retrouvent avec une volatilité qui n’était pas prévue dans leur budget », prévient-il.
Fuite des capitaux
Les banques centrales africaines se trouvent alors coincées entre la nécessité de relever les taux pour freiner la chute de leur devise et le risque de ralentir leur croissance avec une politique monétaire moins accommodante.
Sans compter la fuite de capitaux vers des pays aux rendements moins risqués que les pays émergents, avec des conséquences prévisibles pour des places financières comme celle de Johannesburg, « car elle est plus intégrée » que ses homologues du continent.
« Comme la croissance sud-africaine n’est pas fameuse et se situe entre 0 et 1 %, la hausse des taux de la Fed serait un indicateur pour qu’un certain nombre d’investisseurs cherchent à réduire le risque en faisant migrer leurs capitaux en dollars » vers des régions du globe plus sûres et aux taux d’intérêt relevés.
Outre la Fed, la BCE pèse également sur l’Afrique avec ses taux d’intérêt négatifs. « Le continent dispose entre 400 à 500 milliards de dollars de réserves », a rappelé le secrétaire général adjoint démissionnaire. Or, avec des taux d’intérêts négatifs, les placements en Europe ne rapportent plus rien.
Une situation d’autant plus défavorable que de nombreux pays africains sont « sous la surveillance » du FMI, qui exige de leur part une prise de risque minime. « En d’autres termes, des placements en bons du Trésor américain ou sur le marché européen » où les intérêts sont négatifs, constate le secrétaire général adjoint.
Le Brexit touche déjà l’Afrique
Pour couronner le tout, la décision britannique de sortir de l’UE a encore compliqué la situation des pays africains. « Le Brexit va beaucoup affecter l’Afrique », reconnaît M. Lopes.
« Il y avait déjà auparavant une espèce de turbulence dans les négociations commerciales entre l’Afrique et l’Europe. Avec le Brexit, elles se sont renforcées considérablement », assure le diplomate, qui rappelle que les fonds d’investissements privés actifs en Afrique sont surtout basés à la City londonienne et qu’ils repoussent leurs décisions.
« L’Afrique souffre sur tous ces fronts sans pouvoir intervenir », résume M. Lopes, qui regrette d’autant plus ces turbulences extérieures que le continent se trouve dans une situation idéale après l’allégement de la dette au cours des années 2000.
« A un point tel qu’aujourd’hui, pour trouver mieux que l’Afrique, il faut aller dans les pays du Golfe en ce qui concerne la dette », affirme-il. Cette situation est « exceptionnelle », ajoute-t-il, rappelant que le ratio PIB/dette du continent est aujourd’hui autour de 32 à 33 %.