Nul ne peut mettre en doute le fait que l’une des causes profondes de la crise structurelle et multidimensionnelle que connaît aujourd’hui la RCA réside dans le problème de l’insertion ou de la réinsertion professionnelle mal finalisée (ou mal ficelée) de nos jeunes, des combattants et désormais éternels ex combattants. Du coup, ces derniers demeurent susceptibles de devenir la proie ou des Desperados à la solde d’aventuriers de tous poil, sans foi ni loi ou servir une cause illégitime, négative, nocive voire funeste pensée par un illuminé ou un assoiffé de pouvoir ou du sang des Centrafricains. Ceci, dans le seul et unique but de satisfaire un intérêt égoïste et personnel.
C’est pourquoi, nous pensons que le temps est plus qu’arrivé de déclarer et crier haro sur cette hémorragie sans fin qui mine et encalmine la société centrafricaine dans son ensemble, créant ainsi les conditions de son dépérissement et de sa paupérisation. Partant, handicapant gravement son développement, au passage censément, représentatif de l’alpha et l’oméga de toute politique publique digne de ce nom.
Sans plus tarder, afin d’espérer obvier définitivement à la crise de la société centrafricaine, dans ses dimensions multiformes, il est impératif que le nouveau gouvernement puisse prendre les mesures qui s’imposent- en ce qui concerne les jeunes désœuvrés en général, les combattants ayant vocation à intégrer les programmes de démobilisation dans le cadre du dispositif DDRR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Réinsertion) et les sempiternels ex combattants qui doivent malheureusement leur statut à l’échec des précédents dispositifs DDRR-, sur l’ensemble du territoire national. C’est-à-dire à Bangui et dans les principales villes de l’intérieur du pays profond.
Il s’agit de développer tous azimuts notamment une politique de l’apprentissage par la création des Centres (ou Instituts) de formation professionnelle aux métiers du secteur primaire, secondaire et tertiaire d’une part (I) et de définir et mettre en œuvre, à court terme, une politique économique favorable à l’éclosion et au développement de l’embryon des PME et PMI existantes d’autre part (II).
Cette étude s’adresse principalement aux jeunes sortis prématurément du système éducatif normal et aux combattants, éternels ex combattants, démobilisés communément appelés- vous l’aurez bien compris-, ex Seleka et anti Balaka.
L’objectif, ici, c’est d’élever le niveau de qualification de nos jeunes afin de les rendre plus opérationnels sur le marché du travail et ainsi rendre l’économie nationale plus compétitive pour affronter les grands défis de la mondialisation et de la globalisation implacables.
I. Développer une politique de l’apprentissage par la création de Centres de formation professionnelle aux métiers de proximité.
Cette vaste politique de l’apprentissage doit concerner TOUT le pays. Donc, pas uniquement Bangui, généralement conçue, dans la mémoire collective, comme unique épicentre de toutes les activités. Une sorte de plaque tournante où tout se fait, où tout doit être fait, entrepris.
Dans cette optique, il faut changer de paradigme, les mentalités longtemps ancrées. Il s’agit, ici, de prendre le taureau par les cornes, c’est-à-dire, de conduire une véritable politique de décentralisation ou autrement de déconcentration en matière d’apprentissage et de formation professionnelle et technique.
Il s’agit subséquemment de répondre aux besoins de nos populations et de notre économie
Cela concerne les secteurs dits primaire (A), secondaire (B) et tertiaire (C).
Cela suppose aussi la création, en amont, d’un Centre de préparation et de formation à la citoyenneté et au civisme en direction notamment du public des Combattants à démobiliser et à réinsérer et des éternels ex Combattants après ces années de crises politico militaires à répétition qui ont achevé de laminer le tissu social du pays (D).
Il convient, à travers ce vaste programme relatif aux différents corps de métiers, de moderniser notre tissu économique et social et, par là même, soutenir la croissance économique indispensable et créatrice d’emplois.
A. Dans le secteur primaire.
Le gouvernement du Président Touadera doit profiter du rendez-vous historique de Bruxelles de novembre prochain avec les bailleurs de fonds pour leur présenter les différents projets structurants et sectoriels qui se déclinent comme suit :
1. Dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage.
Le Président nouvellement élu et son gouvernement désigné de fraîche date doivent s’atteler rapidement à créer des écoles de formation aux métiers de l’agriculture et de l’élevage (EFMAE). L’agriculture et l’élevage représentant les 2 principales mamelles de l’économie du pays. En attendant l’exploitation hypothétique du pétrole.
Il s’agit d’organiser, dans la foulée, les métiers dits de bouche : boucherie, charcuterie, restauration, boulangerie, etc.
Il s’agit aussi de développer une économie de travail.
B. Dans le secteur secondaire.
Le Président nouvellement élu et son gouvernement doivent s’attacher à mettre en place, sur l’ensemble du territoire national, des centres de formation professionnelle et technique en vue de répondre aux besoins des petites unités de productions industrielles et notamment des PMI et aussi de permettre à nos jeunes en apprentissage, aux combattants démobilisés et en voie de réinsertion, aux éternels ex combattants, de créer leur propre outil de travail à la sortie de leur formation. Ce, grâce à la mise en place, par les pouvoirs publics, d’un véritable statut de l’auto entrepreneur ou, plus généralement, de l’auto entreprenariat.
Cela concerne indistinctement :
1. les métiers de la bijouterie
2. les métiers de la cordonnerie
3. les activités de la serrurerie
4. Etc.
C. Dans le secteur du tertiaire.
Le Président nouvellement élu et son gouvernement doivent, sans tarder, favoriser la création d’écoles de formation professionnelle et technique.
1. Dans le domaine de l’automobile :
a) Les métiers de la mécanique et de l’électricité automobiles
b) L’entretien automobile : la pneumatique, le nettoyage, etc.
2. Dans le domaine du bâtiment et des travaux publics.
a) Les métiers de la maçonnerie
b) Les métiers de l’électricité
c) Les métiers de la menuiserie
d) Les métiers de la plomberie
e) Les métiers de la peinture
3. Dans le domaine de l’esthétique
a) Les activités de coiffure
b) Les activités de couture
c) Les activités de remise en forme
4. Dans le domaine des Arts plastiques
a) Les activités de sculpture et de peinture
b) les activités de tapisserie
c) les métiers de la maroquinerie
D. La création d’un Centre de formation à la citoyenneté et au civisme.
Sans vouloir passer par pertes et profits la question de l’impunité en RCA – sujet auquel j’ai déjà consacré un chapitre entier- et afin de prévoir l’insertion sociale des Combattants ou éternels ex combattants, le nouveau gouvernement doit s’atteler à créer d’une sorte de Centre de préparation et de formation à la Citoyenneté et au Civisme en direction de ce public particulier. Le mot « particulier » est usité, à dessein, pour tenir compte des traumatismes post conflit qu’a connu le pays. Notre pays pourrait, dans cette perspective, s’inspirer de l’expérience rwandaise qui a plutôt été un franc succès après le génocide de 1994.
Fort de tout ce qui précède, nous proposons de porter sur les fonts baptismaux un Département de rang ministériel en charge cumulativement des enjeux de l’emploi, de la formation professionnelle et technique, des PME et PMI. Autant de problématiques qui vont de pair, c’est-à-dire qui se conjuguent ensemble en vertu d’une certaine cohérence.
La coordination de cette politique d’insertion et/ou de réinsertion sociale des publics concernés avec une vaste politique d’apprentissage et de formation professionnelle et technique suppose la conception, in fine, d’une stratégie économique globale et crédible.
II. Définir et mettre en œuvre une politique économique favorable à l’éclosion et au développement de PME- PMI sur l’ensemble du territoire national.
On ne dira jamais assez que si aucune œuvre humaine n’est parfaite en soi, en tout temps et en toutes circonstances, la réflexion (I) doit toujours précéder l’action(II).
A. Concevoir une politique économique globale et crédible.
L’Etat (à savoir le Président de la République, le gouvernement et le nouveau Parlement) doit définir une politique afin de permettre à notre économie d’attirer les entreprises les plus performantes et les plus compétitives et, par ricochet, de créer de la richesse et des emplois en faveur de nos jeunes. Nous pensons, ici, aux entreprises industrielles, commerciales et artisanales envisagées sous l’angle des PME- PMI (Petites et Moyennes Entreprises- Petites et Moyennes Industries).
Cela suppose de prendre rapidement les mesures destinées à améliorer le cadre macro économiques du pays.
Cela suppose de prendre les mesures propres à rendre très compétitive notre économie.
Cela passe par l’édiction de décisions ayant vocation à permettre à nos jeunes, aux combattants et éternels ex combattants de s’insérer plus facilement dans le tissu économique et industriel.
L’Etat doit s’atteler à définir un statut de l’entreprenariat et/ou de l’auto entreprenariat.
Des initiatives fortes devraient être prises en direction de nos partenaires techniques et au développement afin de nous aider à rendre opérationnelles ces différentes mesures. Car, il y va de notre cohésion sociale, du pacte républicain cher à notre cœur.
Dans cette perspective, nous préconisons la création pure et simple d’un Ministère en charge de l’Economie et du Développement.
B. Mettre en œuvre, à brève échéance, une politique d’envergure de développement économique.
Si l’Etat centrafricain veut définitivement tourner la page des vieux démons du passé qui ont douloureusement amoindri ses capacités opérationnelles d’intervention et ses choix d’avenir, il doit administrer au pays un remède de cheval c’est-à-dire mettre en œuvre les mesures économiques et sociales idoines. Le remède doit être ajusté au mal. N’oublions pas que le mal centrafricain est profond ; il est dû à nos propres turpitudes et égarements.
Nous voulons que la RCA fasse dorénavant du développement la pierre angulaire de sa politique afin de résolument situer son destin dans la mondialisation à l’instar des pays du continent en quête et en mal du statut de l’émergence. En dépit de son retard, notre pays peut se mettre au diapason. Cela est une question de volonté politique.
Notre pays doit construire des infrastructures dignes d’un Etat moderne.
Compte tenu des contraintes du mécanisme du crédit bancaire, nous pensons que l’Etat doit créer les conditions nécessaires afin de mettre en place un système de micro crédit ou de la micro finance et ainsi permettre d’offrir aux jeunes et aux femmes des perspectives plus radieuses en termes d’insertion sociale et professionnelle.
Nous avions déjà abordé ces mesures dans les thématiques précédentes relatives aux enjeux économiques, financiers et sociaux de la RCA disponible sur les réseaux sociaux.
Nous ne pourrions ici passer sous silence les différentes mesures déjà élaborées, de concert, avec nos partenaires au développement dans le cadre de l’assistance technique bilatérale et multilatérale.
La mise en œuvre rapide de ces différentes mesures devrait venir renforcer la politique de réconciliation nationale et de cohésion sociale, chère à notre cœur, afin de sceller et recoudre le pacte républicain sérieusement mis à mal après les longues années de crise politico militaire à répétition.
La RCA a besoin d’un traitement de choc ; doit combattre ses traumatismes afin de parvenir à une société apaisée.
Elle doit, dans les années à venir, tourner définitivement le dos à l’amateurisme, à l’aventurisme politique qui a fait le lit des politiques.
Elle doit être capable d’offrir à ses enfants des perspectives d’avenir, un horizon d’espoir.
Cela dépend des différentes politiques sectorielles à mettre en œuvre. C’est-à-dire que cela dépend d’une volonté politique.
Fait à Paris, le21/09/2016.
Wilfried Willy HETMAN-ROOSALEM
Observateur attentif de la vie publique centrafricaine