De sa belle plume, le plus brillant éditorialiste africain de sa génération, Jean Baptiste Placca, avait écrit et publié dès le lendemain de l’élection présidentielle du 25 mars 2012 au Sénégal, une de ces chroniques croustillantes dont il a le secret, d’où j’ai tiré les quelques lignes que voici :
« …une demi-heure à peine après la clôture du scrutin, radios et télévisions ont commencé à égrener les résultats, livrés en direct par leurs correspondants, depuis les bureaux de vote. De Podor à Ziguinchor, de Louga à Tambacounda, les chiffres pleuvaient, et chaque citoyen pouvait faire lui-même ses comptes. On passait de Saint-Louis à Bruxelles, de Kaolack à Libreville, de Thiès à Paris, de Kolda à Malabo… au rythme du choix des Sénégalais, dans une transparence qui ne laissait aucune chance à des manipulations douteuses.
Peu après 21h 30, les présentateurs livrent la dépêche de la délivrance : « le président Abdoulaye Wade vient d’appeler Macky Sall au téléphone pour le féliciter de sa victoire ».
Encore une fois, votre honneur, c’est au Sénégal que ces élections avaient eu lieu. Et pour tous ceux à qui cela pourrait bien échapper, permettez que je vous le rappelle simplement. Le Sénégal ne se situe ni en Europe ni en Amérique du Nord, ni non plus en Australie ! Il s’agit ici d’un petit pays d’Afrique, et de l’Afrique noire au sud du Sahara s’il vos plaît ! C’est dire je vous prie, mesdemoiselles, mesdames et messieurs, que le Sénégal est « à côté de nous », ici et non loin, ici et non point ailleurs ! Ces élections sénégalaises se sont déroulées en 2012 tout près ; il y ‘a juste un peu plus de deux ans. Pendant ce temps en Centrafrique, les Centrafricains étaient en train de jouer à pourchasser d’autres Centrafricains comme des lapins…pour les tuer et les brûler !
Respect et honneur au Sénégal, honneur et respect à toutes les démocraties d’Afrique, respect et honneur à tous les dignes filles et fils d’Afrique qui auront compris que sans démocratie véritable, point de salut pour nos populations!
Mais que cela plaise ou non à tous les théoriciens et grands défenseurs du report ad vitam aeternam des élections en Centrafrique, une chose est certaine : on peut repousser, ajourner mille fois, renvoyer de plus en plus loin encore et toujours les échéances électorales fatidiques qu’attendent la Centrafrique et les Centrafricains, cela ne nous permettra pas pour autant de fabriquer des hommes de qualité, de faire notre grandeur, et d’asseoir notre démocratie !
Que personne ne s’y méprenne. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’aller aux élections, parce que la RCA est enfin préparée et prête à entrer par la grande porte de l’Histoire, pour être ainsi considéré comme un pays démocratique parmi les grandes démocraties tropicales ou du monde !
Il ne suffit pas aux citoyens d’une nation comme la nôtre d’aller voter, de chasser Samba-Panza et sa clique de malpropres, de confier à de nouvelles têtes le destin de la RCA, pour que ce pays redevienne comme par miracle un état normal.
De la même manière, ce ne sont pas les élections crédibles, transparentes et réussies qui font la démocratie. Celle-ci repose sur la volonté profonde et le travail efficace des hommes de conviction, bien déterminés à fonder des institutions et à respecter toutes les règles qu’ils se fixent à eux-mêmes.
A mon sens, la transition en cours avait été conçue fondamentalement pour apprendre aux Centrafricains à se connaître et à s’aimer, à vivre dans la paix, à travailler ensemble dans un même souci de développement de notre pays, et surtout, dans le but de fortifier la démocratie grâce à la bonne organisation et au bon fonctionnement de toutes les institutions mises en place.
Or aujourd’hui, le constat est clair et très amer. La RCA doit aller aux élections parce qu’elle ne peut faire autrement que d’y aller. Elle doit aller vers les élections de sa délivrance, vers les élections du destin !
La transition politique centrafricaine a complètement échoué, et elle se retrouve dans la plus totale des impasses d’où elle n’arrive pas à se tirer. Cette transition est un échec lamentable. Echec du cadre juridique, échec des moyens financiers et matériels, échec des institutions et des hommes chargées de les faire fonctionner. Mais plus particulièrement, échec personnel de la Présidente de la transition Catherine Samba-Panza et de son actuel chef du gouvernement Mahamat Kamoun, dont la démission reste hautement souhaitable si l’on consent à faire un petit effort pour les mois qui restent à courir, et surtout dans le but d’arriver aux élections en évitant les basses manœuvres des deux chefs de l’exécutif qui viendraient compliquer les choses, pousser inutilement aux violences, dans le but de faire vivre encore plus longtemps la transition.
Personnellement et le plus sérieusement du monde, j’ai toujours pensé – et n’ai pas varié sur ce point -, que cette transition centrafricaine n’est pas « chose » sérieuse. Il faut aux Centrafricains sortir absolument et le plus rapidement possible de ce bal masqué, cette foire aux cancres, cette invasion barbare de la scène politique par le politiquement incorrect, cette hypocrisie collective et tolérée de tous et par tous ! Une transition rabougrie, dévalorisée et sans vision, une transition malade et visiblement dépouillée de toute référence morale et politique, une transition qui erre comme une âme en peine, et toujours en train de voguer au gré du vent à la manière des nuages perdues.
Heureusement enfin, les choses sérieuses vont commencer et elles commencent déjà pourrait-on s’exclamer !
La Centrafrique attend le changement et elle va changer ! Elle doit changer, ne serait-ce parce que les Centrafricains n’auront plus affaire on l’espère, aux mêmes têtes de Turcs, boucs émissaires et autres souffre-douleur, tous ces « docteurs Jekyll et misters Hyde », grands prédateurs de service et « persécuteurs heureux » du peuple malheureux. Les Centrafricains attendent d’aller aux urnes et ils iront voter dans tous les cas avant la fin de cette année 2015 qui pointe à l’horizon.
Néanmoins, il me paraît juste et normal de poser la question suivante et de tenter d’y répondre : à quel genre d’élections, de types de résultats et pour quelle destinée, devrions-nous nous attendre en RCA très prochainement?
ELECTIONS DE LA DÉLIVRANCE ET RÉSULTATS APPROXIMATIFS !
Encore une fois, que ceux qui s’attendent à des élections et aux résultats à la sénégalaise en Centrafrique, veuillent bien ravaler dès à présent leurs espoirs insensés, ainsi que toutes leurs fausses prétentions. « Faut pas rêver ! » dirait l’autre.
Tout bien considéré, même en étant optimiste à outrance et réaliste à l’étroit, le monde devrait s’attendre « raisonnablement » à assister le moment venu sur le terrain, à des élections a minima, quoique résultant d’un processus électoral indiscutablement volontariste. En d’autres termes, il ne sert à rien de vouloir accabler à l’issue des prochaines consultations électorales, la RCA et son peuple.
Malheureusement et je le sais et préviens d’avance, au lendemain des résultats qui seront proclamés, on aura droit à diverses « symphonies des lamentations », tirées du répertoire très prisé des mauvais perdants d’Afrique, avec toujours les mêmes vocabulaires de la rhétorique classique : « mascarade électorale, il y’a eu tripatouillage, c’est la pagaille, on a volé nos voix, on a confisqué notre victoire, c’est un hold-up électoral, c’était des élections en trompe-œil, nous ne nous laisserons pas faire… ».
Tout cela, en attendant quelques propositions alléchantes de postes ou d’argent.
Néanmoins, élections a minima ne doit pas signifier élections bâclées ! Pour cela, il convient de prendre certaines « petites » dispositions salutaires, parmi lesquelles on peut noter :
La claire définition et publication suffisamment à temps, des critères d’éligibilité.
L’ANE (Agence Nationale des Elections) devrait dès à présent situer clairement et sensibiliser les Centrafricains sur le fichier électoral de base devant servir aux prochaines consultations électorales, et quelles sont d’ores et déjà les critères de mise à jour ;
Sans aller jusqu’à demander à tous les candidats de renoncer au préalable à leurs droits normaux de contester les résultats et de porter plainte devant les institutions compétentes, il me paraît souhaitable que l’on pense à mettre en place un « code de bonne conduite électorale ».
La nécessité pour les organisations politiques et celles de la société civile, d’empêcher Samba-Panza et ses acolytes, dont les ingérences, pressions et autres manœuvres frauduleuses viseraient à favoriser le ou les candidats qu’ils soutiennent officiellement ou officieusement
Ceci dit, c’est cependant vers des lendemains meilleurs que la RCA doit résolument se tourner.
ELECTIONS DU DESTIN
Tout d’abord, à tous ceux qui se posent encore de nombreuses questions quant à l’implication de la communauté internationale, souvent décriée, je voudrais dire tout simplement avec le Pr Djedjro Francisco MELEDJE de la Côte d’Ivoire :
«Aujourd’hui, l’élection est devenue, dans les pays en transition démocratique ou tout simplement en crise, une affaire internationale, ne serait-ce qu’à travers les opérations de supervision et d’observation des processus électoraux ; elle n’est plus la seule affaire de l’État. Les actions qui sont menées dans ce cadre par les acteurs internationaux visent à améliorer l’organisation des scrutins, soit par l’allocation de ressources nécessaires à la bonne organisation pratique de l’élection ou à l’indication des principes directeurs du suffrage, soit par la dénonciation des irrégularités, soit enfin par leur implication dans le règlement des contentieux » (Le contentieux électoral en Afrique, op. cit. p. 8).
Ensuite, il faut dire que dans les conditions générales actuelles, la Centrafrique n’est comparable qu’à la Centrafrique. Aussi, que l’on veuille bien nous épargner tous les qualificatifs autant trompeurs qu’inutilement avilissants. Et si j’avais un conseil à donner à tous ceux qui veulent devenir Président de la République ou députés « démocratiquement élus », dans le plus grand et strict respect des règles démocratiques, s’il vous plaît, ne vous portez pas candidat à ces élections de 2015.
En effet, s’il est une vérité incontestable de nos jours, être Centrafricain confine à porter un « poids », à assumer une réelle responsabilité. Ne fut-ce que celle de défendre l’épithète « centrafricain » qui aujourd’hui, même simplement accoler à certains mots ordinaires du langage courant, semblent contribuer à les amoindrir et leur donner un sens négatif. Ainsi par exemple, dire président équato-guinéen, président sénégalais, président angolais, et même président tchadien, semble sonner autrement « mieux » que prononcer président centrafricain. De même aujourd’hui, qui oserait risquer une comparaison entre transition burkinabé et transition centrafricaine ? Il en est ainsi du mot élection. Parler de l’élection présidentielle au Sénégal ou des élections législatives maliennes, ne recouvre en tout cas pas les mêmes réalités que celles qui se préparent actuellement en RCA.
Cependant et bien curieusement, à tout prendre, c’est justement au niveau de ces « petites élections », ces élections de la délivrance, ces élections centrafricaines, que va se jouer ce que je nomme le GRAND DESTIN de la Centrafrique nouvelle. Car en fait et de mon point de vue, les consultations qui s’annoncent ne sont en réalité – comme je l’ai dit et écrit à maintes reprises-, que des élections dont l’authentique quintessence ainsi que la seule finalité positive, se résument à ouvrir une voie nouvelle à un vrai régime de transition, susceptible de gérer la marche des Centrafricains vers la démocratie. C’est donc à partir de cette future transition que j’appelle de tous mes vœux, que pourra alors se préparer de manière apaisée, se gérer très sérieusement, et se créer enfin un état dit démocratique. Dès lors, il conviendra de consolider dans de meilleures conditions tous les acquis, de manière à asseoir et à perpétuer une tradition démocratique grâce au mode d’accession et d’alternance au pouvoir par la voie des urnes.
Tel est le discours de la vérité que m’impose malheureusement l’évidence.
YES WE CAN !
Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social