Un important stock de diamants bruts d'une valeur de plus de 5 milliards de francs CFA (environ 10 millions de dollars) sera commercialisé par la République centrafricaine (RCA), réadmise au sein du Processus de Kimberley après trois ans de suspension à cause de la crise, a révélé dans un entretien avec Xinhua le ministre des Mines du pays, Léopold Mboli Fatrane.
Un des pays les plus pauvres du monde, la RCA est un grand producteur de diamants bruts. C'est sa principale source de devises.
En temps normal, elle produit une moyenne annuelle de 500.000 carats bruts. Mais elle a été frappée par une décision d'interdiction d'exportation par le Processus de Kimberley, une institution onusienne de certification de la commercialisation de cette ressource.
En réaction au conflit provoqué par la prise du pouvoir des ex-rebelles de la Séléka contre le régime de François Bozizé le 24 mars 2013 à Bangui, cette sanction visait à empêcher le scénario vécu lors de la guerre civile du Liberia (1989-1996, 1999-2003), où les "diamants du sang", expression utilisée pour désigner les diamants issus de circuits illicites, avaient aidé à financer l'action des groupes armés.
"La production n'a pas été arrêtée. Les paysans continuent à produire. Il est connu que notre diamant est alluvionnaire. Ce n'est pas industriel. Pour ne pas les laisser justement faire acheter à l'extérieur, nous avons ordonné aux diamantaires établis, je veux parler des bureaux d'achat de diamants, de les racheter et les stocker", assure cependant le ministre des Mines, Léopold Mboli Fatrane.
L'activité n'a pour autant pas échappé à l'appât du gain de la kyrielle de groupes armés qui sèment la terreur en RCA et qui ont mis le territoire sous coupes réglées, s'emparant notamment de zones d'extraction de diamants et de l'or. En tête bien évidemment, les ex-rebelles de la Séléka éclatés en une multitude de factions et leurs rivaux des milices anti-Balakas fidèles au président déchu.
Aussi, les circuits illicites ont-ils prospéré, profitant de la porosité des frontières avec des pays voisins de la RCA pour écouler leurs produits sur les marchés extérieurs.
Pour obtenir la levée de la suspension du Processus Kimberley, les autorités centrafricaines depuis l'époque de la transition dirigée par Catherine Samba-Panza se sont vues obligées de prendre des mesures fiscales favorables en vue d'inciter les acteurs de la filière diamantifère au retour à la chaîne légale de commercialisation.
Les premiers résultats de ces mesures se sont traduits par une levée de la sanction en mars 2016 concernant la sous-préfecture de Berberati, dans l'Ouest, suivie en septembre de trois autres localités de la région : Boda, Carnot et Nola.
Plus de six mois après son accession à la magistrature suprême, le président élu Faustin Archange Touadéra et son gouvernement voient dans cette décision qui permet la réouverture des vannes pour les exportations de la principale source de devises, un bol d'air pour l'économie nationale plongée dans l'asphyxie par trois ans de violences persistantes.
"C'est une nouvelle très importante pour nous. Il y a beaucoup de communautés aujourd'hui qui vivent de ce secteur et qui sont dans la misère. Cela veut dire que le secteur est relancé. C'est qu'il y a aura surtout dans l'Ouest du pays de l'argent frais qui va venir pour soulager donc les populations", s'est réjoui Léopold Mboli Fatrane.
Plus important aussi, la RCA fête "son retour dans le concert des nations". Sans tarder, une certaine ambiance de surchauffe regagne le pays, qui déclare posséder un précieux stock de diamants bruts d'une valeur de plus de 5 milliards de francs CFA (plus de 10 millions de dollars) constitué grâce à la poursuite de l'activité extractive artisanale de ses producteurs villageois.
"Avec la dernière réhabilitation, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les préfectures de Berberati, Carnot, Nola et Boda peuvent maintenant exporter leurs diamants. Nous avons déjà commencé à faire la première exportation. Nous attendons des experts qui viendront pour évaluer les diamants qui sont là. Ça veut dire qu'il y a un regain d'activité dans ces zones", précise le ministre.
"Le nombre de sociétés a régressé. Mais ces jours-ci, après la levée des sanctions, nous passons à plus de cinq sociétés [nationales et étrangères] qui sont installées. Ces bureaux d'achat achètent non seulement les diamants mais aussi l'or", révèle-t-il en coutre.
Le commerce de l'or, lui, n'a subi aucune sanction, de sorte que les bureaux d'achat de diamants et de l'or n'ont pas connu de problème majeur pour poursuivre leurs activités, en dehors de la menace sécuritaire liée aux groupes armés.
Les autorités se sont fixé l'objectif d'obtenir une levée de sanction totale, englobant l'ensemble des bassins de production de l'Ouest et ceux de la région de l'Est.
De manière générale, la priorité est à la relance du secteur minier tout entier. "Nous sommes en train de faire une réforme structurelle du secteur. Cette réforme passe d'abord par les textes. Nous allons revisiter ces textes-là dont notre Code minier, que nous voulons rendre attractif. La réforme structurelle concerne aussi les structures de l'Etat", explique M. Mboli Fatrane.
En ligne de mire, la brigade minière. "Il y a des insuffisances aujourd'hui dans cette brigade et nous sommes en train de travailler à pouvoir la remettre sur le droit chemin", poursuit-il.
"Comme je l'ai dit, indique-t-il par ailleurs, notre diamant est alluvionnaire. Ça veut dire que n'importe qui peut aller, moyennant le paiement des taxes, pour faire le diamant. Aujourd'hui les ressources sont encore intactes, parce que nous ne sommes pas encore passés à l'étape industrielle. Ça aussi, nous sommes en train de vouloir y aller".
La lutte contre l'insécurité et la fraude constitue un défi majeur à relever. Au mois d'août, une réunion des ministres en charge des Mines de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) avait eu lieu à Bangui pour l'adoption d'un plan régional de lutte contre la fraude transfrontalière.
Pauvre et enclavée, la RCA est pourtant un pays qui regorge d'immenses richesses du sol et du sous-sol. Les estimations font état de l'existence d'environ 470 indices miniers.
"Il y a le pétrole. Aujourd'hui nous avons deux sociétés pétrolières, des sociétés chinoises, qui sont en train de travailler. Le nouveau gouvernement est en train de suivre ces sociétés-là pour voir dans quel délai finir la recherche qu'elles sont en train de mener. Mais je pense que la recherche va s'accélérer", affirme le ministre des Mines, de l'Energie et de l'Hydraulique.
"Récemment nous avons eu une réunion avec ces sociétés qui manifestent la bonne volonté de travailler dans les règles établies par le Code pétrolier", ajoute-t-il.