En déplacement à Bangui en octobre, Alain Stamp a demandé pardon, au nom de la France, à 350 responsables évangéliques réunis en forum.
La scène se déroule à Bangui, le 11 octobre dernier. Entre 300 et 350 personnes sont réunies dans la capitale centrafricaine. Il y a là des responsables évangéliques venus de tout le pays, pour assister pendant quatre jours à un « Forum des évangélistes » organisé par l’Alliance évangélique centrafricaine.
Lorsqu’il arrive devant l’assistance, Alain Stamp, l’un des responsables du Conseil national des évangéliques français (Cnef) commence par cette phrase étonnante. « Je crois que j’ai un double handicap : je suis blanc et je suis Français. » Devant lui, des dizaines de personnes approuvent en silence. « J’ai alors simplement demandé pardon pour les actions graves, inadmissibles et révoltantes que mon pays a commis en Centrafrique, et exprimé mes regrets et ma compassion », raconte-t-il. « La réaction a été merveilleuse et bruyante de joie ! »
Armes, richesses du sous-sol
Pourquoi avoir exprimé une telle demande de pardon ? « Dès mon arrivée à Bangui, j’ai été en contact avec un pasteur, également haut fonctionnaire, qui a insisté sur la responsabilité de la France dans la situation du pays », répond le responsable français. Il cite notamment l’exploitation des richesses du sous-sol ou encore les ventes d’armes.
« En entendant parler cet homme, je me suis rendu compte que j’avais, en tant que chrétien et que pasteur, perdu toute crédibilité. » Or lors du forum de Bangui, le responsable évangélique devait précisément intervenir sur un sujet délicat : « Face à la souffrance et l’épreuve. »
« Confiance spirituelle »
« Je perdais mon droit d’être écouté et entendu par les pasteurs qui étaient en face de moi, poursuit Alain Stamp. Le premier sens de ma demande de pardon a donc été une démarche spirituelle. » Une manière, selon lui, d’entrer dans une « relation de confiance spirituelle » avec ses interlocuteurs.
Dans les jours qui suivent, il accueille lui-même des demandes de pardon, notamment de la part de plusieurs jeunes présents, venu faire cette démarche pour regretter leur réaction « contre la France ». « L’un d’entre eux m’a demandé pardon au nom de la jeunesse centrafricaine. »
« Plate-forme interreligieuse pour la paix »
Au cours de ce forum, les participants ont notamment abordé la question du « pardon » et de la « guérison ». Deux thèmes centraux pour les Églises dans ce pays, et en particulier les Églises évangéliques. Les débats ont été clos en présence du président du pays, Faustin-Archange Touadéra, élu en mars dernier à la tête du pays.
Le président de l’Alliance évangélique centrafricaine, Nicolas Guérékoyame-Gbangou, est l’un des membres de la plate-forme interreligieuse pour la paix, créée en 2013 aux côtés de côtés de l’archevêque de Bangui, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, et de l’imam de Bangui, Oumar Kobine Layama.
La Centrafrique éprouve de grandes difficultés à se relever du chaos de la guerre civile provoquée en 2013 par le renversement de l’ex-président François Bozizé par des rebelles séléka (« coalition » en sango) majoritairement musulmans, qui avait entraîné une contre-offensive des milices anti-balaka majoritairement chrétiennes.
Loup Besmond de Senneville