La communauté internationale se penche de nouveau au chevet de la Centrafrique, jeudi à Bruxelles, pour financer le retour d’une paix fragile dans un pays exsangue qui ne figure plus parmi les priorités diplomatiques malgré sa position stratégique au cœur du continent.
Comme pour l’Afghanistan, la "conférence des donateurs de Bruxelles" doit annoncer des aides financières sur plusieurs années pour ce pays de près de cinq millions d’habitants dont la pauvreté a encore été aggravée par quatre ans de guerre civile.
La conférence se tient après l’intervention militaire de la force française Sangaris (décembre 2013-octobre 2016) et de la Mission des Nations unies pour la Centrafrique (Minusca, 12.000 hommes), qui ont enrayé les tueries communautaires entre rebelles Séléka se disant défenseurs de la minorité musulmane et miliciens anti-balaka se prétendant protecteurs des chrétiens.
La Centrafrique a même pu élire dans un calme relatif en début d’année un nouveau président, Faustin-Archange Touadéra, parti pour Bruxelles dès dimanche.
"Nous revenons de très loin et le pays est à reconstruire. Nous travaillons pour la paix mais nous sommes dans une situation extrêmement fragile", a déclaré à l’AFP M. Touadéra, qui tiendra le même discours aux donateurs (France et Etats-Unis, Union européenne, Banque mondiale, FMI...).
Le président centrafricain se trouve en effet à la tête d’un Etat sans armée ni administration et dont une large partie du territoire se trouve sous le contrôle de groupes armés.
A l’origine de milliers de morts, le conflit a aussi jeté sur les routes des centaines de milliers de réfugiés au Tchad et au Cameroun voisins.
Les besoins de la Centrafrique sautent aux yeux dès l’arrivée à Bangui. Des déplacés de l’intérieur survivent toujours le long des pistes de l’aéroport M’poko dans des conditions déplorables. Ils ont peur de rentrer dans leur quartier, qui se trouve pourtant non loin de l’aéroport.
En raison de la faiblesse des forces de sécurité, ce sont les Casques bleus qui surveillent en partie ce petit aéroport, tout comme le palais présidentiel.
Professeur de mathématiques, le président Touadéra donne toujours des cours à l’université entre deux réunions, par plaisir mais aussi par nécessité, faute d’enseignants qualifiés dans son pays.
A Bruxelles, il va présenter sa stratégie et ses priorités: le désarmement, la restructuration des forces armées, un dispositif de réconciliation nationale, l’installation d’une Cour pénale spéciale (CPS) pour juger les crimes de guerre, les besoins sociaux de base...
- Besoin de ’professionalisme’ -
En retour, la Centrafrique espère que la communauté internationale lui promettra "1,6 milliard de dollars sur trois ans, et trois milliards sur cinq ans", avance le président.
"On espère atteindre la barre symbolique du milliard de dollars", tempère un bon connaisseur du dossier. "Les Centrafricains ont d’abord envoyé une liste de voeux au père Noël. La Banque mondiale, le FMI et l’UE ont demandé quelque chose de plus sérieux. Ils ont formulé tardivement une évaluation des besoins".
M. Touadéra devra aussi fournir aux donateurs des gages d’une bonne utilisation des fonds. "La lutte contre la corruption est un élément important", admet-il.
"Nous devons absorber un énorme montant en cinq ans. Il faudra beaucoup de professionnalisme", s’inquiète Anicet Georges Dologuélé, le chef de l’opposition, qui redoute un exercice d’"effets d’annonce" à Bruxelles.
"Nous avons eu du mal à préparer cette conférence", selon une source proche du dossier, rappelant que la communauté internationale a d’autres priorités comme la Syrie, ou Haïti.
En première ligne, la France n’a elle-même prévu d’envoyer à Bruxelles que son ministre du Développement et de la Francophonie, André Vallini, et non le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.
La stabilité de la Centrafrique intéresse évidemment la France, ex-puissance coloniale, qui maintient des forces prêtes à intervenir dans ce pays, même après la fin de l’opération Sangaris.
"Il en va de la stabilité régionale", glisse une source française, rappelant la présence dans la région de groupes jihadistes comme Boko Haram au Nigeria et dans le nord du Cameroun.
Pour leur part, les Etats-Unis maintiennent une centaine de soldats des forces spéciales dans l’Est, près de la frontière avec le Soudan du sud, sous le prétexte officiel de lutter contre les incursions des rebelles ougandais de la LRA.
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