Bangui —- Le président du Parti Social-Démocrate, Enock Derant Lakoue a accordé le 15 novembre une interview au RJDG. Dans cet entretien, il a salué la libération provisoire des leaders de la société civile poursuivis pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, après la ville morte du 24 Octobre. Il a appelé Faustin Archange Touadera à l’organisation de sa majorité présidentielle et enfin, il évoque son avenir politique.
Bonjour !
M. Enock Derant Lakoue : Bonjour M. le Journaliste.
RJDH : Vous êtes le président du parti-social-démocrate (PSD), ancien Premier ministre alors le gouvernement centrafricain de commun accord avec l’Union Européenne organisent la table ronde de Bruxelles, quelle lecture faites-vous de cette rencontre ?
EDL : Je pense que c’est une excellente initiative, d’autant que notre pays est plus mal et il était nécessaire de mobiliser toutes les énergies pour qu’on puisse amorcer la pente pour la relève sur plusieurs plans. Ce que je regrette personnellement, c’est que je ne sais rien de ce qui se passe. En tant que personne ressource, avant d’être un homme politique je suis d’abord un économiste, un banquier, un financier et à ce titre je n’ai pas été associé à la préparation et à la réflexion sur le plan de sortie de crise que notre pays pourrait proposer.
RJDH : Donc selon vous, il n’y a pas de consensus large autour du document que le gouvernement va présenter aux bailleurs de fonds ?
EDL : Non, je dis que moi je n’ai pas été associé, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de consensus. Je note cela pour le regretter. Je note aussi que le Parti Social-Démocrate mon parti qui est un parti qui a pion sur rue depuis prêt de 25 ans, n’a pas été appelé à donner son point de vue sur l’ébauche de ce plan. Bon peut être cela est dû au fait que pour la première fois depuis la création du PSD, nous ne sommes pas maintenant à l’Assemblée Nationale qui a commencé ses travaux il n’y a pas très longtemps. Je pense que cela doit être la raison. Malgré cela, on aurait pu nous demander compte tenu des compétences diverses que nous avons dans le parti et compte tenu des fonctions que j’ai exercées. Je précise sur le plan économique et financier on aurait pu demander mon avis au moment de la réflexion. Ceci dit, je souhaite que ça réussisse. Je pense que les compatriotes qui ont été conviés à réfléchir sur ces questions ont donné les meilleurs d’eux-mêmes et que notre pays en tirera le meilleur profit.
RJDH : Beaucoup sont ceux qui pensent que des annonces seront faites, mais ces annonces ne seront accompagnées d’effet. Partagez-vous ces inquiétudes ?
EDL : En général, lorsqu’il y a ce genre de rencontre, on attend des annonces ; tel pays ou telle institution déclare qu’il est prêt à contribuer pour un montant donné à la réussite de ce plan. La mise en œuvre prend un peu de temps, puisqu’il faut regarder le dossier un par un, sujet de leur faisabilité. Donc il n’y aura pas de retombée immédiate. Ce n’est pas la semaine prochaine qu’on verra arriver en République Centrafricaine des sommes énormes d’argent. J’imagine que l’Exécutif ne s’attend pas à cela du tout, mais il s’agit de mettre en place une enveloppe globale pour pouvoir reprendre dans un délai donné, deux ans, trois ans je n’en sais rien pour réaliser un certain nombre de projet.
RJDH : De la perception du centrafricain lambda, la table ronde de Bruxelles est une bouffée d’oxygène et qu’au retour tout cela résolu. Qu’en dites-vous ?
EDL : Je ne suis pas certain que les centrafricains qui ont l’expérience de ce genre de table ronde aient ce point de vu. Nulle part au lendemain d’une rencontre de cette nature, il y a un virement de quelques milliards que ce soit. Cela va venir par la suite.
RJDH : le Président de la République, Faustin Archange Touadera a demandé de nouveau une union sacrée, en tant qu’homme politique, comment analysez-vous cette union sacrée qu’il a demandée de plus ?
EDL : Je fais partie de la majorité présidentielle et aussi partie des personnalités politiques qui au deuxième tour ont soutenu le Président Touadera. Je fais partie des compatriotes à qui il a été demandé de réfléchir sur ce que le Président Touadera pourrait faire dans les cent premiers jours. Ce que nous avons fait et nous avons remis à qui de droit le document qu’il attendait. Bien, je pense que la question de l’union sacrée devrait être appréhendée à deux niveaux. D’abord au niveau de la majorité présidentielle. Il était nécessaire de mon point de vue que la majorité présidentielle se retrouve et au-delà du programme de cent jours que nous avons élaboré, que la majorité se retrouve pour voir comment mettre en exécution quelques projets.
RJDH : Le constat est tout de même que la majorité présidentielle peine à s’organiser ?
EDL : Elle s’organise lentement. Je pense qu’il conviendrait que des initiatives fortes soient prises pour que cette majorité puisse bien s’organiser avant de tendre la main aux compatriotes qui pour des raisons simplement d’arithmétiques politiciennes se trouveraient dans l’opposition. Alors que sur les questions essentielles, je ne pense pas qu’il ait de grande divergence entre nous. C’est-à-dire les questions qui portent sur la sécurité, le relèvement économique et social, une meilleure diplomatie etc…, la remise en ordre des forces de défense. Sur toutes ces questions, je ne pense pas qu’il soit très difficile de trouver l’unanimité et aussi sur la question de l’unicité de notre pays.
RJDH : Mais si déjà il est difficile d’organiser la majorité présidentielle, ne pensez-vous pas que ceux qui accusent Faustin Archange Touadera de n’avoir pas donné du contenu à l’union sacrée ont raison ?
EDL : En tout cas, ils n’ont pas tord, c’est pourquoi je parle d’initiative forte. Il revient au Chef de l’Etat de réunir autour de lui sa majorité pour qu’on puisse réfléchir ensemble. C’est ce qui est demandé.
RJDH : Que dites-vous de la libération sous cautions des leaders de la société civile Gervais Lakosso et Marcel Mokwapi qui ont été arrêtés pour organisation de la ville morte ?
EDL : Je m’en réjouis, d’ailleurs. J’ai été fort étonné qu’ils aient été arrêtés pour des motifs qui ont été publiquement annoncés. Je pense que l’initiative prise par ces deux compatriotes dans son essence visait à conforter la position du gouvernement. Le gouvernement devait se saisir de cette marche pour dire aux forces onusiennes que voilà la population constate que votre mandat n’est pas correctement exécuté. Malheureusement, il y a eu des tirs, je ne sais pas qui a tiré, y a eu des morts et c’est vraiment regrettable qu’il y a ce genre d’accident, je ne parle pas d’incident. Parce que je ne pense pas que ceux qui ont tiré ont délibérément voulu tuer, mais y a eu mort d’hommes et de blessés. Et le fait que les organisateurs aient été arrêtés me parait quelque peu déplacé.
Bon ! Ils ont recouvré la liberté, elle est provisoire pour le moment, on verra, il y aura certainement un procès, on verra ce qui sera dit au moment de l’audience.
RJDH : votre parti n’est pas représenté au Parlement, comment animez-vous la vie politique dès lors que vous n’avez pas de siège à l’Assemblée ?
EDL : La politique ne se fait pas uniquement qu’à l’Assemblée, elle peut se faire autour de l’Assemblée. C’est la première fois depuis 1993 que le PSD n’a aucun représentant à l’Assemblée nationale. Mais c’est la vie, les raisons de cette chute vertigineuse par un congrès ou tout au moins par un comité central du parti très bientôt.
RJDH : peut-on avoir une idée sur la date de ce congrès ?
EDL : Nous réfléchissons encore sur les termes de référence et nous recherchons les moyens pour réunir les camarades en vue réfléchir.
RJDH : la Constitution a prévu une deuxième chambre qu’est le Sénat, serez-vous prêt à vous battre pour y siéger ?
EDL : Je faisais partie de ceux qui n’étaient pas pour l’institution du Sénat. Membre du Conseil National de Transition, j’ai beaucoup travaillé dans la commission Loi pour la rédaction de la nouvelle constitution et j’étais de ceux qui ont estimé que pour le moment une deuxième chambre était totalement inappropriée. Mais nous avons été battus démocratiquement au niveau du CNT et cela figure dans la Constitution. Et il est évident que la Constitution qui a été soumise au peuple et que le peuple a adopté devrait s’appliquer.
RJDH : M Enock Derant Lakoue je vous remercie.
EDL : c’est moi qui vous remercie.