Bangui — Daniel Nditifeï Boyssembé, Secrétaire Général du MDI-PS reproche Faustin Archange Touadera et son gouvernement de faire trop de fixation autour de la table ronde de Bruxelles. Il exhorte à cet effet le régime de Bangui à changer de discours. Position exprimée dans une interview accordée au RJDH ce 22 novembre à Bangui.
RJDH : Daniel Nditifeï Boyssembé bonjour : Vous êtes Secrétaire Général du MDIPS, alors la communauté internationale vient d’appuyer la République Centrafricaine à travers la table ronde de Bruxelles. Comment réagissez-vous au geste des partenaires techniques et financiers de la RCA ?
DNB : Bonjour monsieur le journaliste. Comme vous le savez aussi bien que moi, notre pays a vécu et malheureusement continue de vivre des moments très difficiles. Une crise particulièrement grave et aigue, je crois que c’est la crise la plus grave que ce pays ait jamais traversée. Les conséquences sur le plan économique et financier, c’est ce que nous savons tous. C’est que l’Etat est sans moyens, sans ressources financières, pour financer sa politique de sécurité, de relance des activités économiques et ainsi de suite.
Donc, il n’a pas de choix que de compter sur ses partenaires traditionnels et c’est ce qu’il a fait en souhaitant se retrouver avec ses partenaires à Bruxelles autour de cette table ronde là. Le résultat finalement est encourageant dans la mesure où l’Etat a demandé trois milliards de dollars, il est revenu avec 2,200 milliards donc ce n’est pas négligeable. C’est une somme importante ! Mais ce que je voudrais dire c’est le reproche que je fais aussi bien au chef de l’Etat qu’à son gouvernement c’est qu’ils ont fait une fixation sur cette table ronde de Bruxelles à tel point que les centrafricains à tort ou à raison, mais je crois à tort se sont dits, bon mais la fin de la table ronde va coïncider avec la fin de nos difficultés. Ce n’est pas vrai, moi je crois qu’il faut qu’on change de discours, que le gouvernement change de discours. Il doit appeler les centrafricains à se mettre au travail. Nous ne travaillons pas dans ce pays-là.
RJDH : Donc selon vous le gouvernement est en train d’ouvrir un front social à travers son discours sur l’issue de la table ronde de Bruxelles ?
DNB : Il n’ouvre forcement pas un front social, mais je dis qu’effectivement des problèmes pourraient se poser demain si d’aventure tous les pays qui ont des engagements ne les ont pas concrétisé. Parce que vous savez ce qui s’est passé à Bruxelles c’est quoi ?
C’est des annonces qui ont été faites, mais il faut du temps pour que ces annonces-là se transformes en espèce sonnantes et trébuchantes pour que finalement le centrafricain puisse effectivement ressentir l’impact dans sa vie quotidienne. Mais quelque fois et malheureusement cela prend du temps. Lorsque les projets sont des projets bien ficelés et pour lesquels nos partenaires se sont engagés à financer, là cela peut aller vite. Mais, je crois savoir que tous les projets qu’on a amenés là-bas n’étaient pas des projets entièrement ficelés. Donc, il va falloir une fois de retour ici à Bangui que les techniciens se mettent à ficeler le projet avant que ceux qui ont fait des annonces puissent envisager la procédure de financement. Et malheureusement quelque fois cette procédure-là est longue et cela dépend des pays. Des pays où quelque fois, il faut passer par le parlement, d’autres non, tout cela vous voyez ce n’est pas aussi simple que cela, et je dis que même à supposer que d’ici dans les deux ou trois mois qui viennent, le gouvernement centrafricain arrive à recevoir tout cela, soit à la Banque Centrale soit au Trésor, mais cela ne va pas résoudre tous nos problèmes comme vous le savez, nos problèmes sont immenses. Et nous arriverons à résoudre nos problèmes que lorsque les centrafricains vont se mettre une fois dans la tête que c’est par leur travail qu’ils vont arriver à sortir leur pays de la situation dans laquelle nous nous trouvons depuis de longues années.
Parce que nous les pays africains, c’est comme cela, nous croyons que ce sont les autres qui vont nous développer. Non ! Prenons l’exemple des pays asiatiques, ils se sont développés par eux même. C’est vrai que certains d’entre eux ont bénéficié de l’accompagnement des pays développés et des institutions telles que le FMI et la Banque Mondiale. Mais nous en Afrique ici, nous pensons que c’est le FMI, la Banque Mondiale, la BAD qui doivent tout faire à notre place. Non ce n’est pas vrai, il faut qu’on change de discours.
RJDH : L’un des aspects après la table ronde c’est la gestion et la bonne gouvernance et le président de la République a demandé à Bruxelles l’implication de la société civile. Comment analysez-vous l’appel de main du président de la République ?
DNB : Oui c’est une bonne chose si le chef de l’Etat entend associer la société civile à la gestion des fonds qui vont être progressivement décaissés. De toutes les façons, le partenaire au développement aurait imposé cette participation de la société civile.
RJDH : Mais il y a une disposition de la Constitution qui demande la mise en place de la Haute Autorité à la Bonne Gouvernance ce qui n’est pas encore fait. Est-ce que la société civile fera mieux en lieu et place de cette institution ?
DNB : La mission dévolue à cette autorité de la bonne gouvernance qui est l’une de conquête du forum de Bangui, je crois que sa mission est plus large que cela. On ne peut pas réduire la mission de ce forum-là à son aspect financier et économique. Donc je ne pense pas que la société civile puisse se substituer à cette haute autorité prévue par le forum national. Mais de toute façon, le chef de l’Etat sauf erreur de ma part a indiqué que des structures vont être mises en place pour le suivi de Bruxelles. Il a dit effectivement si j’ai bien compris que la société civile aura sa place dans cette structure-là donc je pense de mon point de vue, c’est une question qui est plus ou moins réglée, puisque tout le monde s’accorde à ce que la société civile participe au suivi de cette table ronde de Bruxelles.
RJDH : Toujours dans ce registre au lendemain de la table ronde de Bruxelles des voix s’élèvent pour demander un consensus le plus large autour de la gestion de ce fonds. Comment réagissez-vous à cette demande d’inclusivité ?
DNB : Le chef de l’Etat a prévu deux ou trois structures pour le suivi, cela me parait quand même suffisant. On ne peut pas demander à ce qu’on mette en place une super structure en place qui va regrouper tous les partis politiques et les ONG, parce que plus la machine est lourde, plus elle est inefficace. Moi je pense qu’une structure à la dimension de ce que le chef de l’Etat a évoqué l’autre jour, me parait suffisant pour en assurer le suivi. Il ne faut pas non plus oublier que l’Assemblée nationale est là dont c’est aussi sa responsabilité. Ce n’est pas un fait du hasard si le président de l’Assemblée lui-même a fait le déplacement assisté de quelque député, et le parlement peut interpeller le gouvernement sur le suivi de cette table ronde de Bruxelles.
Connaissons les habitudes de nos compatriotes, quand ils vont être là-bas, ils vont dire, on a besoin de ceci ou cela et cela va être non seulement une machine lourde, mais elle risque de se révéler couteuse et inutilement.
RJDH : Actualité oblige. Les Séléka de l’UPC et du FPRC se sont affrontés à Bria, conséquence il y a la psychose à Bambari. Comment analysez-vous la situation sécuritaire dans le pays ?
DNB : Je condamne ce qui s’est passé à Bria de la même manière que nous avons condamné au niveau de notre comité central ce qui s’est passé à Kaga-Bandoro, Ngakobo et ainsi de suite. C’est le résultat de ce que ceux qui ont réussi le mandat du conseil de sécurité de désarmer les groupes armés n’ont pas rempli cette mission. Les armes circulent dans le pays et aujourd’hui les groupes armés sont plus armés qu’il y a trois ans. Tant que ces groupes ne seront pas désarmés, nos paisibles populations vont continuer à subir les exactions et les agressions de la part de ces groupes armés.
Ce sont les conséquences directes du non désarmement de ces milices. Aujourd’hui, la Minusca est là et je crois savoir que la Minusca ait un contingent à Bria. Nous savons malheureusement que le contingent de la Minusca c’est le médecin après la mort. A défaut d’avoir désarmé ces groupes armés qui sont là, il y a trois ans de cela, mais au moins que les contingents de la Minusca qui sont là soient efficace en matière de la protection de la population civile, car c’est la mission numéro 1 qui leur est dévolue par la dernière résolution du Conseil de Sécurité.
RJDH : Monsieur Daniel Nditifeï Boyssembé après les dernières élections présidentielle et législatives quel est l’état de santé de votre formation politique ?
DNB : Vous faites bien de remonter aux dernières élections, effectivement nous avons présenté un seul candidat à Mobaye et malheureusement pour nous cela n’a pas marché pour ce candidat alors qu’en 2011 on a présenté 19 candidats. En 2005 on en a présenté plus et que le résultat nous ait été favorable on s’est retrouvé avec trois députés.
Mais à l’issue des législatives de cette année, le MDI n’est pas du tout représenté à l’Assemblée nationale, ce que nous déplorons énormément et en plus, le parti est affecté par une profonde démobilisation. Je crois que je ne me trompe peut être pas que cette démobilisation est liée à la situation du pays. Puisque les partis politiques n’ont plus les mêmes mobilités qu’avant. Ce qui fait que les partis politiques n’ont pas les mêmes mobilités et la démobilisation est là. C’est la raison pour laquelle nous avons convoqué la 6e session de notre comité central qui s’est réuni du 11 au 12 novembre et nous avons mis en place un certain nombre de mesure pour essayer de mobiliser à nouveau nos militants de manière à réoccuper le terrain en dépit de la crise qui sévit, il faut apprendre à vivre avec cette crise et essayer de travailler comme par le passé et nous préparer pour les prochaines échéances.
RJDH : Daniel Nditifeï Boyssembé je vous remercie
DNB : c’est moi qui vous remercie.
Propos recueillis par Jean Fernand Koena