Les juges français ont terminé leurs investigations sur les accusations de viols sur des mineurs portées à partir de 2014 contre des soldats de la force Sangaris alors déployée en Centrafrique, mais l’enquête n’a débouché sur aucune mise en examen.
Deux autres enquêtes, portant également sur des allégations d’abus sexuels qui auraient été commis par des militaires français déployés dans le pays, ont été ouvertes parallèlement sous l’autorité du parquet de Paris: l’une a été classée sans suite le 25 novembre et l’autre est toujours en cours, a appris mardi l’AFP de source judiciaire.
Dans l’information judiciaire, la fin des investigations, notifiée le 20 décembre, ouvre un délai de trois mois durant lequel les parties peuvent demander de nouveaux actes d’enquête, avant les réquisitions du parquet de Paris et une décision définitive des juges. Mais faute de personnes mises en examen, le dossier pourrait s’acheminer vers un non-lieu.
Depuis mai 2015, trois juges d’instruction enquêtaient sur des accusations de viols commis dans le camp de déplacés de M’Poko, près de l’aéroport de Bangui, entre décembre 2013 et juin 2014, et visant au départ quatorze militaires français.
La force Sangaris, qui n’était pas sous commandement de l’ONU, était alors déployée depuis décembre 2013 pour restaurer la sécurité dans ce pays en proie au chaos, aux violences sexuelles et aux massacres entre communautés chrétienne et musulmane. L’opération française a pris fin en octobre.
L’affaire était restée secrète jusqu’à ce que le journal britannique The Guardian révèle fin avril 2015 l’existence d’une note confidentielle des Nations unies contenant les accusations d’enfants centrafricains faisant état d’abus sexuels en échange de nourriture ou de petites sommes d’argent.
Informé dès juillet 2014, le ministère français de la Défense avait saisi le parquet de Paris qui avait alors ouvert une enquête préliminaire avant de confier une information judiciaire à des juges d’instruction.
– Une enquête complexe –
Dans ce dossier délicat, les magistrats et la gendarmerie prévôtale, chargée d’enquêter sur les crimes et délits commis par des militaires lors d’opérations extérieures, ne sont pas parvenus à corroborer matériellement les accusations portées contre les soldats après deux ans et demi d’investigations, selon une source proche de l’enquête.
Les juges se sont rendus en République centrafricaine en juillet 2015 puis à l’été 2016, notamment pour y recueillir les témoignages d’une dizaine d’enfants, un travail complexe d’autant que des variations sont apparues dans certaines versions.
La note de l’ONU faisait état de six témoignages, ceux de quatre enfants se disant victimes et de deux témoins de faits. Mais d’autres enfants se sont signalés depuis et ceux qui se disaient témoins se sont ensuite déclarés comme victimes, selon la source proche de l’enquête.
Six militaires désignés comme pouvant être les agresseurs des enfants ont été entendus mais aucun n’a été mis en examen. Ils ont affirmé avoir donné des rations alimentaires, mais nié tout abus sexuel.
Depuis cette première affaire, d’autres accusations avaient été portées contre des militaires français. L’enquête classée sans suite concernait le cas d’une jeune fille qui s’était dite victime d’un viol à l’été 2014 avant d’évoquer un rapport consenti non protégé.
Le parquet de Paris poursuit en revanche ses investigations dans une enquête préliminaire ouverte en avril dernier après un signalement de l’ONU sur des soupçons d’agressions sexuelles sur trois mineures, entre 2013 et 2015 à Dékoa (centre).
Le site d’information Mediapart a publié mardi une enquête sous le titre « Les exactions impunies de l’opération Sangaris » en rapportant plusieurs témoignages de victimes qui disent avoir subi des abus sexuels de la part de militaires français.
Dans un contexte de lourds soupçons d’abus sexuels pesant sur des militaires étrangers basés dans ce pays très pauvre ravagé par les conflits, d’autres accusations ont été portées notamment contre des Casques bleus de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca). Une enquête de l’ONU a récemment permis d’identifier 41 Casques bleus gabonais ou burundais servant dans la Minusca soupçonnés d’avoir commis des agressions sexuelles dans la préfecture de Kemo (centre) en 2014 et 2015.