Les violences qui continuent de déchirer la République centrafricaine ont quelque chose de paradoxal. Pays d’à peine 3,5 millions d’habitants pour une superficie de 622.000 Km2, la Centrafrique a désormais à sa tête un président dont l’élection n’avait souffert d’aucune contestation. La logique aurait également voulu que la langue Sango, parlée par tout le monde, serve de facteur de cohésion, et donc aide à réduire les risques d’affrontements entre les composantes de la nation. Par ailleurs, à l’issue de la conférence de Bruxelles en novembre 2016, la communauté internationale avait promis une aide dont la somme totale s’est élevée à 2,2 milliards de dollars, largement au-dessus de ce qu’espérait Faustin Archange Touadera. Cependant, à Bangui et dans l’arrière-pays, la violence, aussi sinueuse que souterraine, revient au galop. Les morts s’empilent semaine après semaine, l’anarchie renait et l’autorité de l’Etat s’effrite jour après jour. Une malheureuse situation qui trouve ses origines dans l’histoire tumultueuse du pays.
Un contexte historique défavorable
De toute évidence, la mission des nouvelles autorités centrafricaines n’a pas été objectivement évaluée. En effet, il ne s’agit pas que de remettre le pays du chaos consécutif au coup d’Etat qui, le 24 mars 2013, avait entrainé la chute de François Bozizé. A la fois plus étendu et infiniment plus complexe, le chantier prend nécessairement en compte le passif lourd du pays. Il est notamment question de considérer les quelques cinq coups d’Etat qui ont jalonné l’histoire de ce pays de l’Afrique centrale, depuis son indépendance en 1960. D’autant qu’à cette instabilité notoire à l’intérieur de la Centrafrique, on peut greffer un environnement extérieur tout aussi trouble. On en veut pour preuve que le Tchad, le Soudan, le Soudan du sud, la RDC et le Congo-Brazzaville, entre autres pays frontaliers de la Centrafrique, ne sont pas des ilots de paix. Ces problèmes d’ordre sociopolitique ont naturellement rejailli sur tous les autres aspects de la nation.
L’Etat, un défi qui en cache d’autres
Ainsi, en RCA, l’Etat n’est pas à consolider, mais à créer tout simplement. Ce qui sous-entend la mise en place effective des institutions et la mobilisation des ressources de manière à ce que les fonctionnaires puissent toucher les salaires à temps, que le phénomène de la circulation illicite des armes soit jugulé et que tous les miliciens et autres bandits de grand chemin dont les zaraguinas (coupeurs de route) soient vaincus. Cela implique aussi que l’armée régulière, aujourd’hui en délitement, soit remise en marche (recrutement basé sur des critères objectifs et impartiaux, amélioration des conditions de vie et formation de qualité). De l’élite centrafricaine en général et de la classe politique en particulier, il est également attendu un peu plus de responsabilité et une dose suffisante de patriotisme. Les acteurs politiques, dans leur ensemble, manquent de légitimité. Ainsi, très peu de Centrafricains se tournent vers eux quand les crises commencent. De même, il est dans l’intérêt de la Centrafrique et de la communauté internationale de faire émerger une société civile qui soit en mesure de porter les frustrations, les rancœurs, bref le malaise social en vue de sa prise en charge dans un processus de dialogue apaisé, pour une résolution dynamique des problèmes.
Boubacar Sanso Barry