Depuis novembre, des groupes armés rivaux s’affrontent dans la région de Bambari. Les casques bleus multiplient les interventions pour éviter l’embrasement général.
Un tournant ? Peut-être. Depuis le début du mois, les casques bleus mobilisés en Centrafrique (Minusca) semblent plus déterminés à lutter contre les groupes armés qui refusent de déposer les armes à Bambari et sa région, la Ouaka, dans le centre du pays. La semaine dernière, ils ont réussi à convaincre Ali Darrass, un chef de guerre issus de la Séléka (à majorité musulmane) de se retirer de la préfecture de la Ouaka.
Une victoire pour la Minusca, qui peine à rétablir la sécurité dans cette région convoitée par tous, en raison de sa position stratégique, de sa composante multiconfessionnelle (chrétiens et musulmans s’y mêlent) et surtout de ses richesses. Qui contrôle Bambari assure la sécurité de sa communauté, verrouille le centre du pays, et surtout exploite à son profit le commerce du café, du bois et des mines d’or et de diamants nombreuses sur ce territoire.
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Expéditions punitives, assassinats, affrontements ouverts, villages attaqués, camps de déplacés visés, la comptabilité des épisodes tragiques secouant la Ouaka depuis qu’elle est tombée entre les mains de la Séléka, fin 2012, est quasiment impossible.
Un double conflit
Bambari, nœud gordien de la crise centrafricaine, est le théâtre d’une double guerre civile depuis avril 2014 : au conflit entre les milices d’autodéfenses liées aux anti-balaka (à majorité chrétienne) de Gaëtan Boade et les groupes liés à la Séléka se superpose la rivalité entre deux branches de la Séléka. D’une part l’Union pour la paix en Centrafrique, l’UPC, d’Ali Darass, à majorité peuhle, de l’autre une alliance entre le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Noureddine Adam, à majorité goulas, et le Mouvement patriotique centrafricain (MPC) d’Al Katim.
Le premier dirige la partie musulmane de Bambari. Les seconds espèrent la conquérir pour y établir la capitale de leur futur État du nord-est de la RCA : un projet regardé avec une certaine bienveillance par les parrains de Noureddine Adam – le Tchad, le Soudan et des pays du Golfe.
Depuis novembre 2016, la rivalité entre les deux groupes de la Séléka a pris une tournure plus violente. La coalition FPRC-MPC, regroupée dans le nord-est de la région, écume les villages qui lui sont hostiles, monte des guets-apens sur les routes, se mobilise en vue de l’assaut sur Bambari. L’UPC lui dispute le terrain hors de son QG. Une bataille sans pitié pour les civils. L’exécution d’au moins 32 d’entre eux par l’UPC dans la localité de Bakala, le 11 décembre 2016, en témoigne. Un massacre documenté par l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, le 15 février.
Un dispositif d’interposition renforcé
Face à ce nouvel embrasement, les casques bleus ont renforcé leur dispositif dans la région, se sont équipés d’hélicoptères, de chars de combats, ont tracé une ligne rouge à Ippy, entre la ville de Bria où est regroupé l’état-major des FPRC, et Bambari. Le 11 février, ils n’ont pas hésité à frapper un convoi de 300 hommes lourdement armés en route pour Bambari. Parmi les victimes, le général Joseph Zoundeko, chef d’état-major de la coalition FPRC. Selon plusieurs sources, les rebelles auraient poursuivi leur progression, de manière plus discrète.
À Bambari, le départ d’Ali Darass soulève un nouveau problème pour la Minusca : l’obligation de protéger la communauté musulmane contre les anti-balaka de Gaëtan Boade. Avec le départ de l’UPC, elle a en effet perdu son encombrant protecteur.
Avec la Ouaka, une autre région est toujours frappée par la guerre civile : la préfecture de l’Ouham-Pendé (nord-ouest), à la frontière du Cameroun. Le groupe rebelle 3R (Retour, Réclamation et Réparation) y commet des exactions et affronte les milices anti-balaka.