ENTRETIEN Il y a un an et demi, « La Croix » rencontrait Auguste à Kaga Bandoro, en Centrafrique. Il était élu par les déplacés du camp de la cathédrale pour les représenter.
Aujourd’hui, il est réfugié au camp de la Minusca et, joint par téléphone, constate que la tension croît entre civils et groupes armés.
La Croix : Quelle est votre situation actuelle ?
Auguste : Je suis déplacé à Kaga Bandoro depuis maintenant trois ans. Jusqu’au début de l’an dernier, j’habitais dans une hutte au toit de feuilles de palme qui faisait partie du camp entourant la cathédrale de la ville.
Et puis, le camp a brûlé une nuit. Nous avons reconstruit nos huttes. Mais en octobre 2016, le 12 pour être précis, nous avons tous dû nous réfugier autour de la Minusca, la force de l’ONU qui est présente à Kaga Bandoro. Le camp de l’évêché a été attaqué. Il y a eu une quarantaine de victimes et les deux tiers du site ont été incendiés.
Depuis le 12 octobre, nous sommes 20 000 déplacés environ à la Minusca, répartis en une dizaine de blocs. Je suis le responsable du Bloc 3 qui comprend 3 391 déplacés. Il n’y a plus personne autour de la cathédrale. Nous sommes en majorité des chrétiens ici, dans ce camp. La messe est dite le dimanche à l’intérieur de la Minusca, car il y a trop de tensions, trop de menaces pour sortir en ville. La situation est de plus en plus difficile.
Est-ce un problème religieux ?
: C’est avant tout un problème entre civils et groupes armés. Avant tout. Mais, il se trouve qu’ici, les groupes armés appartiennent aux Selekas, à majorité composés de musulmans, et que nous, déplacés, sommes en majorité chrétiens.
Ces groupes armés abusent de leur force. Ils nous empêchent d’aller cultiver nos champs. Ils enlèvent certains d’entre nous. Ils mettent des barrières aux sorties de la ville pour nous racketter. Ces exactions sont multiples et sont en progression. Nous demandons le cantonnement de ces groupes armés.
Dans ce climat, il est très difficile de pouvoir bâtir de la cohésion sociale entre nous, chrétiens, et musulmans. Comment le faire ? Nous n’avons accès à rien. Ni à l’éducation pour nos enfants. Ni à la santé. Dans ce climat, on aperçoit souvent des commerçants venus du Soudan qui vendent armes et cartouches. Cela ne peut pas arranger la situation. Nous sommes livrés à nous-même ici. La Minusca ne bouge pas et les autorités de Bangui sont absentes.
Recueilli par Pierre Cochez