Les Centrafricains attendaient cette semaine la nomination d’un nouveau gouvernement "d’ouverture", dans la foulée d’un accord de paix toujours très fragile et censé relancer une transition en panne.
A Bangui, qui connaît une relative accalmie après les violences intercommunautaires de ces derniers mois, la composition du futur cabinet suscite depuis plusieurs jours de nombreuses spéculations, essentiellement autour d’une question : des représentants des groupes armés —ex-Séléka à dominante musulmane et milices anti-balaka majoritairement chrétiennes— qui ont mis le pays à feu et à sang vont-ils faire leur entrée au gouvernement ?
Dans un discours à la nation la semaine dernière, la présidente de transition Catherine Samba Panza a expliqué que le remaniement gouvernemental se fera, "après large consultation", "sur des critères de technocratie, de région et de compétence (...) intégrant la dimension politique et les nouvelles donnes" de l’accord de Brazzaville.
Sous la pression des pays de la région et de la communauté internationale, cet accord avait été paraphé le 23 juillet dans la capitale du Congo voisin par des chefs de la Séléka et des délégués des anti-balaka, ainsi que par des représentants politiques, religieux et de la société civile.
-Le parlement en session extraordinaire-
Le Conseil national de transition (CNT), qui joue le rôle de parlement de transition, est réuni depuis le 1er août à Bangui en session extraordinaire pour étudier cet accord.Les parlementaires doivent entendre à cette occasion l’évaluation par le Premier ministre André Nzapayéké de la feuille de route du gouvernement.
Le texte de Brazzaville avait été arraché in extremis à l’issue d’un "Forum" chaotique au cours duquel les représentants de la Séléka s’étaient d’abord retirés des discussions en exigeant une partition du pays.Il est le premier accord du genre signé après huit mois de massacres, exactions et pillages qui ont fait des milliers de morts, mis le pays à genou et achevé la faillite totale de l’Etat.
Le cessez-le-feu reste néanmoins bien précaire.Lundi, de violents affrontements ont opposé combattants de l’ex-Séléka et soldats français de l’opération Sangaris à Batangafo (nord), faisant plusieurs morts parmi les anciens rebelles.
A environ 300 km au nord de Bangui, la ville de Batangafo avait été la semaine dernière le théâtre de violents combats entre Séléka et anti-balaka —premier véritable accroc à l’accord de Brazzaville— qui avaient fait au moins 25 morts.
Malgré la présence de 2.000 hommes de Sangaris et de 6.000 soldats de la force africaine Misca, les tensions restent vives dans plusieurs autres localités, notamment à Bambari (centre-est).
Elles se concentrent aujourd’hui pour l’essentiel dans les zones de contacts entre belligérants, sur un axe qui coupe de facto le pays en deux, avec le Nord-Est encore sous contrôle de l’ex-rébellion musulmane, et le Sud-Ouest où sévissent les anti-balaka.
"Tout le long de cette ligne de démarcation, les groupes de la nébuleuse anti-balaka tentent actuellement de repousser les ex-Séléka vers le nord", observe une source humanitaire.
Dans le Sud, "l’épuration ethnique des musulmans a déjà eu lieu" en grande partie, et les affrontements intercommunautaires ont donc naturellement cessé, explique cette source.
-Centrafrique année zéro-
Les divisions actuelles de la Séléka (qui prône désormais la partition du pays et dont plusieurs leaders ont dit ne pas reconnaître l’accord de Brazzaville) et la fragmentation des groupes anti-balaka alimentent par ailleurs toujours la confusion.
A cela s’ajoutent des années de banditisme d’Etat, le pillage des ressources naturelles, le braconnage à une échelle quasi-industrielle, une économie moribonde....La Centrafrique est aujourd’hui à genou.En attendant le lancement mi-septembre d’une opération de l’ONU qui pourra peut-être suppléer les déficiences de l’Etat et enfin aider à sa reconstruction.
L’arrivée au pouvoir en janvier 2014 de la présidente de transition Catherine Samba Panza "n’a pas permis la relance d’un processus politique qui est bloqué", déplorait Paris début juillet.La situation politique "s’est nettement détériorée" notait alors l’ONU.
Le gouvernement de transition de Mme Samba Panza, formé surtout de techniciens, n’a donc pas donné les résultats escomptés.
Sans armée ni véritables forces de l’ordre, la présidente "a échoué à établir son autorité, à faire cesser définitivement les violences, ou à endiguer la corruption", constate la source humanitaire déjà citée.
Elle peine également à assumer pleinement sa fonction face aux puissants leaders régionaux que sont le président congolais Denis Sassou Nguesso ou le Tchadien Idriss Déby.