Les petits Gabonais vont-ils perdre leur année scolaire à cause d’une grève illimitée dans l’éducation nationale ? Comme dans d’autres pays africains, les autorités s’activaient lundi à dissiper le spectre d’une "année blanche", après avoir interdit d’activité une confédération syndicale d’enseignants grévistes.
Gabon, mais aussi Cameroun, Tchad et Centrafrique: les risques d’une année scolaire non-validée faute d’heures de cours suffisantes existent dans plusieurs pays d’Afrique centrale, sur fond de crise économique et de tensions politiques.
Le problème éducatif se pose surtout au Gabon, en proie à des crispations post-électorales depuis la réélection contestée du président Ali Bongo en août dernier face à son rival Jean Ping.
Le Gabon affiche l’un des taux de scolarisation les plus élevés d’Afrique subsaharienne (96%, selon le président Bongo devant les Nations unies en septembre 2015). Mais les élèves du secteur public vivent au rythme d’une grève des enseignants depuis la rentrée le 31 octobre.
"Nous avons 300 professeurs, et 50% ont fait grève", affirme à l’AFP Jean-Baptiste Obori, proviseur du lycée Léon-Mba de Libreville, l’un des plus grands du pays avec 8.000 collégiens et lycéens.
"On a passé presque tout le deuxième trimestre à la maison", témoigne une collégienne, Makcélia, 13 ans, devant cet établissement situé sur le front de mer.
"On ne sait pas si on va déclarer l’année blanche", ajoute la collégienne de treize ans, qui n’exclut pas de devoir aller en cours jusqu’au mois d’août pour rattraper les heures de cours perdues.
Le proviseur comme la collégienne affirment que les cours ont normalement repris depuis quinze jours.
A l’origine de l’appel à la grève illimitée, la convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) affiche plusieurs revendications: paiement de primes, meilleures conditions de travail pour éviter des classes surchargées, et démission du ministre de l’Education Florentin Moussavou.
Le ministre de l’Intérieur a interdit d’activité vendredi dernier la Conasysed, confédération de sept syndicats, pour "trouble à l’ordre public" et "entrave à la liberté de travail".
- ’on ne parle pas d’année blanche’ -
"Nous savons que des leaders de cette coalition syndicale sont en intelligence directe avec certains acteurs de l’opposition, et qu’ils veulent prendre le système éducatif en otage pour le compte de l’opposition. Le gouvernement ne peut pas l’accepter", a accusé le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nzé. Allusion au fait que des syndicalistes ont soutenu Jean Ping contre Ali Bongo.
Le ministre de l’Education a néanmoins poursuivi lundi les négociations avec des syndicats. Le ministère a commandé "un rapport qui permettra de décider si c’est une année à valider ou pas", indique l’un de ses porte-parole, qui est formel: "Pour l’instant on ne parle pas d’année blanche".
L’annulation d’une année scolaire se décrète pays par pays, et non selon des critères internationaux, alors que les syndicats au Gabon ou ailleurs invoquent l’arbitrage de l’Organisation des Nations unies pour la science la culture et l’éducation (Unesco).
"Ce n’est pas l’Unesco qui déclare une année blanche, ce sont les autorités nationales qui, au vu d’un certain nombre de critères, peuvent décider de recommencer l’année", déclarait en janvier au site camerounais Camerpost le directeur du bureau régional de l’Unesco à Yaoundé, Loïtéohin Félix Yé.
Au Cameroun, le risque d’une année blanche se posait dans les deux régions anglophones, où les enseignants ont fait grève au nom des droits de cette minorité linguistique. Le gouvernement central a pris des mesures pour tenter de rattraper les heures de cours perdues.
Au Tchad, la rentrée scolaire a eu lieu le 16 janvier avec quatre mois de retard en raison d’une grève des fonctionnaires contre les mesures d’austérité. "Nous pouvons sauver l’année à condition qu’il n’y ait pas de grève jusqu’au mois de juillet. Les examens de fin d’année se feront au mois d’août", avait indiqué à l’AFP un responsable du ministère de l’Education nationale.
En Centrafrique, pays qui peine à se relever d’un violent conflit civil, 461 écoles n’étaient pas opérationnelles en raison de l’insécurité, du manque d’enseignants, des déplacements de population ou de l’occupation par des groupes armés, avaient estimé les Nations unies en novembre.