Si de nombreux habitants de Bouar et de sa région se plaignent régulièrement de la montée des actes du banditisme dans leur localité, les forces de l’ordre, censées assumer ce rôle, quant à elles ne se préoccupent principalement que de leurs poches au détriment de leur objectif principal et prioritaire. Les activités du transport public des marchandises et passagers, autrefois, réservées aux transporteurs privés patentés, sont actuellement largement occupées par des gendarmes détachés à Bouar, non pas par leurs propres véhicules privés, mais par des véhicules officiels de la gendarmerie mis à leur disposition. Cette pratique mafieuse de faire le commence irrite, non seulement les transporteurs locaux, mais aussi les douaniers qui ne peuvent plus la supporter. Alors, on se demande pourquoi ces porteurs de tenue se sont-ils intéressés dans ce genre des trafics illicites ?
Si à Bangui les véhicules de service sont utilisés par leurs détenteurs à des fins strictement personnelles, ils les utilisent dans la plupart des cas, certaines prudences et réserves. Dans l’arrière-pays, les chefs de transforment en chefs d’État de la localité. Les véhicules de l’État tout comme les matériels et les locaux leur sont affectés « intuitu personae », disent-ils. En d’autres termes, ils leur sont affectés à leur personne. C’est ce qui se passe à Bouar.
A Bouar ce sont les gendarmes, censés mettre de l’ordre dans la région, qui s’emballent dans des réseaux mafieux de tout genre sans se soucier de leur première mission. Des gendarmes, en tenue, au volant, chauffeurs, un autre, muni d’un sac rempli d’argent, receveur et deux autres, sabots de sécurité en bois dans les mains, apprentis. Tous, armes au poing, postés sur des marchandises et entre les passagers sur les véhicules typographiés sur les portes et le capot moteur « GENADREMERIE » roulant à vive allure sur axe Bouar – Garoua-Boulaï – Bouar à des prix défiant toutes concurrences. Une scène que regarde les riverains de l’axe tous les jours, matin et soir.
Une pratique unanimement contestée
Pour les commerçants contactés par CNC, c’est avantageux pour eux de prendre les véhicules de la gendarmerie, car ils ne paient plus rien en route, ni même la douane.
Pour les transporteurs locaux, l’entrée illégale des gendarmes sur leur marché de transport des personnes et marchandises est inadmissible et révoltant d’autant plus qu’ils ne payent ni taxes ni impôts.
Pour la population de Bouar, certains pensent même que ces gendarmes doivent s’occuper exclusivement de leur boulot que de se mêler dans d’autres affaires qui ne les concernent pas.
Du côté de la gendarmerie et de la douane locale, personne ne veut répondre à nos nombreuses sollicitations sur ce sujet. « S’ils partent en mission et au retour ils ramassent leurs frères qui attendent des véhicule avec leurs bagages. C’est anormal ?» soupire un auxiliaire de la police au checkpoint à l’entrée de Bouar.
Une pratique corrigée vainement en 2001
En 2001, une partie des habitants du 8e arrondissement de Bangui avaient assisté avec joie et applaudissements à l’intervention spectaculaire et correctif du Directeur général de la gendarmerie de l’époque le regretté général François Bédaya Ndjadder sur un adjudant-chef de la gendarmerie qui utilisait une fourgonnette de son service pour transporter, sans gêne, ses bois de chauffe. Le gendarme avait été stoppé publiquement par son DG qui a pris le soin de le moraliser devant les badauds qui assistaient à la scène sur l’utilité d’un véhicule de service. Après son départ à ce poste, cette pratique a repris et voilà 15 ans plus tard, aucun changement de moralité n’est observé du côté de ces hommes de tenue. Loin de disparaître, cette pratique devient de plus en plus banale et utilisée par presque tous les agents de l’État responsabilisés et ayant un véhicule de service.
Selon notre enquête, la plupart des agents de la gendarmerie ou de la police affectés en province veulent, à tout prix, faire de l’argent rapidement même s’il s’agit de jouer au double.
Finalement, à quoi servent les véhicules remis aux forces de l’ordre ? Difficile d’y répondre si l’on n’est pas dans le corps habillé.
Par : Anselme Mbata, CNC Bouar.