"Je ne les croyais plus en vie": après trois années de séparation, Djoumpa Mahamat, réfugiée centrafricaine au Cameroun, peut de nouveau serrer dans ses bras ses deux fils, Youssoufa, 15 ans, et Ousmane, 12 ans.
Avec des centaines de milliers de Centrafricains, Djoumpa Mahamat a fui les exactions et massacres de masse qui ravagent la Centrafrique depuis 2013. Comme elle, de nombreux parents ont, dans leur fuite, perdu la trace de leurs enfants.
Djoumpa Mahamat, d'ethnie peule - majoritairement musulmane -, et ses enfants vivaient à Yawa, dans le sud-ouest de la Centrafrique.
Elle raconte avoir fui en 2013 lorsque les milices majoritairement chrétiennes anti-Balakas ont commencé à s'en prendre aux musulmans, en réaction aux exactions commises sur les chrétiens par la rébellion Séléka, qui prétend défendre la minorité musulmane du pays.
"La guerre a éclaté brusquement, je n'ai pas eu le temps de réunir tous mes enfants", soupire Djoumpa Mahamat.
Alors que leur mère a traversé la frontière et fui au Cameroun avec ses deux autres enfants et quelques membres de sa famille, Youssoufa et Oussmane se sont retrouvés à Boda, dans l'ouest de la Centrafrique.
Trois ans après leur séparation d'avec leur mère, une voiture du CICR, avec à son bord les deux frères, s'est arrêtée à Lolo, localité camerounaise près de la frontière où vit Djoumpa Mahamat et quelque 12.000 autres réfugiés centrafricains.
"Je suis ravie, je ne les croyais plus en vie", s'exclame-t-elle en accueillant ses deux fils sur des nattes, tandis que leur tante les prend dans ses bras.
Youssoufa et Ousmane ne pleurent ni ne rient. Leurs regards sont fuyants, ils semblent surpris par l'attention qui leur est accordée.
"Je ne dormais pas. J'étais triste parce que les enfants n'étaient plus à mes côtés depuis trois ans. Pour moi, la vie reprend", explique leur mère, des larmes sur le visage.
- 'refus rares'
Livrés à eux même pendant trois ans en Centrafrique, les deux frères ont d'abord retrouvé un toit début 2016 chez une dame qui a accepté de les prendre sous son aile malgré l'absence de lien de parenté.
Pour retrouver ses parents, l'aîné Youssoufa s'est finalement enregistré auprès du CICR en août 2016 comme "enfant non accompagné" avec son frère, explique Aminou Hamadou, responsable du programme de rétablissement des liens familiaux au bureau du CICR à Bertoua, chef-lieu de l'est du Cameroun.
"Le CICR, via la Croix-Rouge camerounaise, organise constamment des campagnes de diffusion et d'information auprès des réfugiés Centrafricains", détaille M. Hamadou.
Un dossier a été constitué et les photos des garçons envoyées au Cameroun, où des volontaires se sont occupés de leur diffusion. Après de longues recherches, la Croix-Rouge a finalement retrouvé la trace de Djoumpa Mahamat à Lolo.
Les enquêteurs lui ont ensuite posé des questions sur l'âge des enfants, leurs noms... autant de détails qui ont permis de s'assurer qu'elle était bien leur mère et d'organiser les retrouvailles avec ses fils.
"Généralement, les réfugiés sont très mobiles ce qui ne facilite pas la recherche. Les informations et adresses ne sont pas toujours très précises", explique M. Hamadou.
Les deux frères vont désormais pouvoir poursuivre leur scolarité. "Nous faisons un suivi pour voir si la réunification se passe bien", ajoute Raphael Joost, chef du bureau du CICR à Bertoua.
En 2016, le CICR et la Croix-Rouge camerounaise ont enregistré 3.000 demandes de recherche. Mais 67 enfants seulement ont retrouvé leurs parents, selon l'organisation humanitaire internationale.
"La procédure de réunification est déclenchée (notamment) par la demande de l'enfant de retrouver ses parents", explique Lucienne Houossalbe, assistante pour le rétablissement des liens familiaux au CICR à Bertoua.
"Lorsque les parents sont localisés, nous leur demandons leur accord pour être réunis avec leurs enfants", précise-t-elle, soulignant que les cas de refus sont rares.