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Retrait des troupes ougandaises de Centrafrique : un répit pour Joseph Kony, une crainte pour la population
Publié le lundi 22 mai 2017  |  TV5 Monde
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© Reuters par Stuart Price/Pool
Le chef de la LRA Joseph Kony
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Dans quelques jours, il n'y aura plus aucun soldat de l'armée ougandaise sur le sol centrafricain. Le mandat de l'Union Africaine visant à neutraliser la LRA de Joseph Kony se termine et ne sera pas renouvelée. Il revient désormais aux forces armées centrafricaines (FACA), la mission d'assurer la protection de la population et d'essayer de capturer Joseph Kony qui court toujours.

Leur mission s'achève et ne sera pas renouvelée. Les soldats de l'armée ougandaise (UPDF) qui opéraient dans l'Est de la Centrafrique depuis 2009 pour neutraliser l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) et tenter de capturer son chef, le sanguinaire Joseph Kony, quittent le pays. L'Union africaine (UA) et les forces américaines en Afrique (Africom) considèrent que l'objectif de leur mission a été atteint, même si Joseph Kony n'a pas été capturé. Arrêter le chef de guerre "n’a jamais été notre mission", a affirmé le porte-parole de l’armée ougandaise, le général Richard Karemire. Et d’ajouter : "Notre mission était précise : neutraliser la LRA. Et la LRA a été neutralisée. Elle n’est plus une menace pour l’Ouganda".

Cette mission aura coûté 780 millions de dollars depuis 2011 selon Africom.


L’armée centrafricaine prend le relais


Lors d’une cérémonie officielle dans la ville d’Obo (QG de la mission), jeudi 18 mai, en présence du ministre centrafricain de la Défense, l’armée ougandaise a laissé sa place aux forces armées centrafricaines (FACA). Celles-ci devront désormais continuer d’assurer la sécurité des populations et tenter d’arrêter Joseph Kony.

Une mission qui semble bien compliquée lorsque l’on sait que cette armée nationale est en reconstruction et ne dispose pas de l’équipement et de l’armement nécessaire pour le combat.

L’armement dont dispose les FACA suffit à peine à équiper une compagnie de combat, soit environ 150 hommes Ludovic Ngaïfeï chef d’état-major

Le 11 mai dernier, la mission militaire de formation de l'UE en République centrafricaine (EUTM RCA) a annoncé que le premier bataillon des forces armées centrafricaines formé par la mission européenne (650 soldats) était opérationnel.

Pour Herman Ruys, le général belge commandant la mission interrogé par le site Bruxelles2, cette formation est un "premier pas" dans la reconstruction de l’armée centrafricaine. "Maintenant, on a un bataillon de 600 personnes est capable de faire certaines tâches, mais il faut que l’on continue, assure-t-il. Au fur et à mesure on va augmenter la capacité des FACA."

Toujours selon Bruxelles2, le chef d’état-major Ludovic Ngaïfeï assurait lors d’un colloque, début avril. "L’armement dont dispose les FACA suffit à peine à équiper une compagnie de combat, soit environ 150 hommes. Les munitions à disposition suffiraient à peine à tenir pendant 30 minutes une hostilité à faible intensité".

Nous avons la capacité de lutter contre les rebelles Lieutenant Hubert Zinja, porte-parole des FACA

La formation du second bataillon a déjà commencé. Elle devrait prendre trois ou quatre mois. Au total, d’ici la fin de son mandat de deux ans, EUTM RCA devrait avoir formé trois bataillons, soit 1800 soldats.

Malgré le peu d’effectifs et le peu de moyens, le lieutenant Hubert Zinja, porte-parole des FACA en est sûr : "Nous sommes prêts, avec ce qu’on a. Nous avons la capacité de lutter contre les rebelles".

Traquer Joseph Kony et ses rebelles n’est pourtant pas la priorité du gouvernement centrafricain en proie à une guerre civile depuis 2013 et le renversement de l’ex-président François Bozizé. Un renversement opéré par les rebelles Séléka pro-musulmans entraînant la contre-offensive de groupes anti-Balaka, majoritairement chrétiens. L’intervention de la France jusqu’en octobre 2016 et de la Mission des Nations Unies en Centrafrique a permis le retour au calme dans la capitale Bangui mais pas dans l’intérieur du pays. Les violences n’ont d’ailleurs jamais cessé dans le Centre-Est.


Un vide sécuritaire qui inquiète les populations


Si l’armée centrafricaine ne semble pas inquiète pour la suite, les civils, eux, le sont. Ils assistent, impuissants, au retrait des troupes ougandaises qui leur assuraient une réelle protection contre les éventuelles attaques de la LRA. Désormais, elles doivent se contenter d’un petit bataillon, d’à peine 700 hommes, en guise de sécurité. "Les gens d’Obo pensent que les troupes ougandaises les laissent à la merci d’éventuelles attaques. Leur présence ici, ça voulait dire la sécurité", confie Simeon Mbolinjbajbe, directeur d’une école.

A cause de ce retrait, de nombreux civils vont être plus vulnérables aux attaques de la LRA mais aussi des autres groupes armés Paul Ronan, directeur de recherche et politique chez Invisible Children

De son côté, Steve Kaimba, porte-parole du gouvernement local, assure : "On dit souvent que les effectifs de la LRA ont été réduits de façon importante, mais si ses combattants sont toujours dans les parages, alors cela veut dire que rien n’a été réglé".

Pour Paul Ronan, directeur de recherche et politique chez Invisible Children, interrogé par TV5MONDE, "à cause de ce retrait, de nombreux civils vont être plus vulnérables aux attaques de la LRA mais aussi des autres groupes armés. Nous l’avons d’ailleurs vu ces dernières semaines : les attaques de l’ex-Seleka, par exemple, sont en augmentations".


Le retrait des troupes : un "calcul politique" ?


Selon lui, le retrait des troupes est "un calcul politique". "Les faits montrent que la LRA est encore active, qu’elle commet des attaques et que Joseph Kony est encore libre, assure-t-il. Et nous savons par expérience que Kony est capable de la reconstruire en capturant des jeunes filles et garçons et en les entraînant". Il explique également que l’administration Trump a été claire et qu’elle ne s’occupe plus des problématiques comme la LRA. Intervenir en Centrafrique pour traquer Joseph Kony et neutraliser son groupe armé n'a "pas d’intérêt" pour les Américains.

En revanche, une autre partie de la population voit le départ des soldats ougandais comme un soulagement : ce sont ces femmes qui ont été violées. Un rapport de HWR datant du 15 mai dernier dénonce des abus sexuels de militaires ougandais sur "au moins 16 femmes et filles depuis 2015".
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