Les députés de la Nations avaient été convoqués hier 24 mai pour se concerter sur une éventuelle motion de censure à déposer contre le Gouvernement de Sarandji. Se sentant en grave danger, ce dernier s’est auto interpellé avec tout son Gouvernement, à la surprise générale des députés. Le Président de l’Assemblée Nationale l’a d’ailleurs souligné d’entrée de jeu : « …Je considère qu’étant venu nous voir de vous-même avec tout votre Gouvernement, vous avez certainement un message à nous passer, Monsieur le Premier Ministre. Je vous donne la parole… » Le PM Sarandji, après avoir brandi le drapeau national et évoqué le nom de Dieu, s’est lancé dans une série de dénis de la réalité dans laquelle il affirmait sans gêne n’avoir jamais manqué de respect aux Députés. Sachant le Centrafricain naïf, émotif et prompt à oublier les offenses, quelles qu’elles soient, Sarandji s’est fendu d’un tonitruant « Pardon, Pardon, Pardon » qui a soulevé les applaudissements d’une partie de l’assistance.
S’en est suivi une querelle de procédures, mais le Président de l’Assemblée Nationale a fait montre de fermeté et a menacé d’expulser les députés indisciplinés. S’en sont suivis trois séries de 6 interventions de députés, le Premier Ministre répondant à la fin de chaque série.
De toutes ces interventions, nous retiendrons celle du député de Bocaranga1, l’Honorable Anicet Dologuélé qui a été salué par toute la communauté nationale et a suscité plusieurs salves d’applaudissements de la part de ses collègues. Anicet Dologuélé a abordé trois points :
1. Le fonctionnement des institutions:
il a rappelé au Premier Ministre que la démocratie centrafricaine, sous sa forme actuelle, fonctionnait depuis 1993 et que personne ne pouvait changer ni des règles scellées dans la Constitution, ni des pratiques vertueuses qui ont enrichi notre jeune démocratie. Il a rappelé que l’interpellation du Premier Ministre ou des Ministres était une pratique courante, voire banale et qui matérialisait le contrôle de l’action gouvernementale imposée au Parlement par la Constitution. Il a indiqué que lui-même avait régulièrement répondu aux convocations du Parlement il y a 17 ans, quand il exerçait les fonctions de Chef de Gouvernement. Il a même rappelé qu’il était à ce jour l’unique Premier Ministre de l’histoire de notre pays a avoir affronté et repoussé une motion de censure. Il s’étonnait par conséquent de cette fébrilité du pouvoir, de cette tempête permanente dans un verre d’eau qui a bloqué le fonctionnement de l’Etat et créé une crise institutionnelle aussi grave qu’inutile. Il a sèchement rappelé au Premier Ministre Sarandji que ce dernier était peut-être le 25 èème Premier Ministre depuis l’Indépendance et qu’il y en aurait de dizaines d’autres après lui. Il a ainsi appelé aux membres du Gouvernement et à leur chef de respecter la Loi Fondamentale de notre pays, d’arrêter de personnaliser les fonctions d’Etat et de se croire immortels et irremplaçables.
2. La situation sécuritaire du pays :
Le député a rappelé au Premier Ministre que dans ses propos, il avait plusieurs fois prononcé le mot « Paix ». Anicet Dologuélé a indiqué qu’on ne pouvait raisonnablement pas parler de paix dans un pays ou 12 préfectures sur 16 étaient occupées par des bandes armées et ou des centaines de personnes étaient tuées toutes les semaines. Il a déploré le fait que le Premier Ministre n’ait jamais pris la parole en 14 mois pour évoquer les questions de sécurité dans le pays. Chaque fois que Sarandji a pris la parole devant la presse ou en public, c’était pour parler des menaces sur le pouvoir de Touadera et le sien. Le député a invité le Premier Ministre à s’intéresser un peu plus à la sécurité des centrafricains.
3. Le climat politique :
L’honorable Anicet Dologuelé a déploré un climat politique délétère créé par le pouvoir, alors que les vrais problèmes n’avaient encore trouvé aucun début de solution. L’anathème est régulièrement jeté sur les hommes politiques dès que ceux-ci se déclarent de l’opposition. Anicet Dologuelé a fait remarquer que c’était la première fois dans l’histoire de la République qu’un pouvoir pouvait dormir sur ses deux oreilles parce qu’un coup d’Etat n’était pas possible.
En effet, les coups d’Etat sont toujours réalisés par les militaires. Or, les nôtres n’existent que de nom aujourd’hui et ne sont ni armés, ni organisés. De plus, le Président de la République est protégé par un solide contingent de la MINUSCA. Le pouvoir devrait donc se consacrer en toute sérénité à la gestion du pays, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Des accusations fusent chaque semaine sur la classe politique, accusée de tous les maux. La seconde fois en Novembre 2016, le pouvoir avait fait annoncer à Anicet Dologuélé par le Chef de la MINUSCA, qu’il préparait un coup d’Etat sur financement du Président du Congo.
Le député de Bocaranga s’est dit indigné de ces méthodes d’un autre âge. Il a déclaré avoir honte pour son pays, honte que de très hautes personnalités recourent à un « bandit » pour espionner des démocrates. Il s’est demandé quel exemple cette génération d’hommes politiques, dont les tenants actuels du pouvoir et lui-même faisaient partie, entendaient donner aux jeunes générations ? La colère du député a été calmée par un rappel à l’ordre du Président de l’Assemblée Nationale. Plus de détails dans prochain parution.
La troisième accusation est d’actualité. En effet, le pouvoir aurait dépêché le capitaine Joachin KOKATE pour manipuler le député de Bocaranga, aux dires de ce dernier. Kokaté serait passé par un proche de Dologuélé pour le rencontrer et lui proposer ses services pour renverser Touadera par les armes. Mais le député en homme expérimenté a insisté lors de cet entretien sur la nécessité d’une motion de censure, qui est la voie légale pour changer de Gouvernement. KOKATE, déçu, aurait néanmoins remis à ses commanditaires la bande de l’enregistrement de la conversation qu’il a réalisé à l’insu de son interlocuteur. Depuis lors, ceux-ci déclarent détenir un enregistrement compromettant sur Anicet Dologuélé .
L’honorable Anicet Dologuélé a déploré le fait que le pouvoir de Bangui avait trop vite oublié le climat qui avait prévalu à la veille de l’annonce des résultats du second tour des élections présidentielles. C’est précisément parce que les chefs des groupes armés avaient voulu mettre la ville de Bangui à feu et à sang que le Challenger de Touadera qu’il était avait choisi de renoncer à tout recours auprès de la Cour Constitutionnelle pour mettre rapidement fin au processus électoral, en reconnaissant la victoire de Touadera. Le député affirme que Depuis le mois d’octobre 2016, il avait déjà été accusé à trois reprises de fomenter un coup d’Etat. La première fois, le pouvoir avait fait exiger des organisateurs de la journée ville morte du 24 octobre 2016, lors de leur incarcération, de déclarer que Anicet Dologuélé en était l’instigateur, en échange de leur liberté.