LES RAZZIAS ESCLAVAGISTES ARABES
La lecture historique du chaos centrafricain est sans appel : entre le 18e et le 19e siècles, les razzias menées par les Arabes venus de l’Orient ont provoqué une saignée sans précédent dans la population.
Leur violence ne pouvait que marquer durablement l’esprit des Centrafricains, avec leurs corollaires de conflits politiques, ethniques et religieux. L’intrusion de la traite des Noirs par les Arabes s’est accompagnée, en effet, d’un prosélytisme effréné, afin de convertir les populations à l’islam – alors que les populations étaient en majorité animistes et le sont, aujourd’hui encore, en grande partie.
Ceux qui allaient devenir les Oubanguiens, fuyant les esclavagistes, se sont cachés dans les entrailles de la forêt équatoriale impénétrable. Ils ont mené une lutte farouche contre les colonisateurs pour défendre leur territoire, embryon de ce qui allait devenir l’Oubangui-Chari.
LA COLONISATION OCCIDENTALE
Les premiers colons européens arrivent dans les années 1880. Le territoire devient colonie française sous le nom d’Oubangui-Chari en 1905. Chicottes et travaux forcés : la construction du chemin de fer Congo-Océan entraîne la mort de deux Oubanguiens pour chaque traverse posée. La brutalité et la cruauté des intendants des sociétés concessionnaires, rebuts incultes de la société française, provoquent une nouvelle saignée dans la population.
La colonisation occidentale, si elle a mis fin aux razzias des Arabes, a donné lieu, en revanche, à une multiplication des violences subies par les Oubanguiens.
Ce passé, extrêmement brutal et douloureux, a généré chez eux la méfiance et la peur de l’autre. D’où des conflits fratricides entre les communautés, qui expliquent en partie les instabilités d’aujourd’hui.
LES FACTEURS STRUCTURELS DU CHAOS
Les coups d’état ont remplacé l’expression démocratique qui se manifestait dans les urnes. Le népotisme et le despotisme se sont installés dans tous les rouages des administrations, accompagnés d’impunités et d’injustices. Les convoitises et les complots ont transformé les populations en parias, ne subsistant que grâce à l’aumône internationale, tandis que les pilleurs des caisses de l’État n’ont cessé d’étaler leurs biens mal acquis avec cynisme et arrogance. Pour les politiciens centrafricains, le pouvoir est devenu source de richesses, acquises au détriment du peuple. La France, ex-puissance coloniale, a fait et défait les dictateurs, au gré des coups d’état qu’elle a organisés en sous-main, pour placer au pouvoir des dictateurs marionnettes susceptibles de pérenniser ses intérêts.
Les Oubanguiens, puis les Centrafricains, ont donc subi, au fil des siècles, le mépris et l’infantilisation de la part des Arabes esclavagistes et des colons européens. Pour les esclavagistes, « l’Oubanguien était une bête de somme, du bétail quoi ! » Pour les colons, « de grands enfants « : il fallait tout décider à leur place. Pour les uns comme pour les autres, on avait affaire à des êtres inférieurs aux blancs.
Par ailleurs, les sociétés concessionnaires étaient exclusivement préoccupées par les cultures industrielles (coton, café, sisal…) ainsi que par les exploitations minières et forestières. Toutes les matières premières étaient exportées en métropole pour donner du travail aux ouvriers et contribuer ainsi au développement de la société française.
Il est à noter, en revanche, que la France n’a jamais songé à bâtir en Centrafrique des structures industrielles de fabrication de biens pouvant servir au développement du pays. Les Centrafricains attendent toujours, par exemple, le chemin de fer Bangui-Douala, qui serait la clé de son désenclavement. C’est peut-être la Chine qui le fera.
Ainsi donc, les graines de la violence ont été semées durant des décennies. Elles ont germé et donné de mauvaises herbes. Le chaos actuel s’explique en partie par ce passé douloureux. Il faut, maintenant, que les Centrafricains, tous ensemble, se débarrassent des scories de la colonisation et prennent en charge l’avenir de leur pays.
JOSEPH AKOUISSONNE