La ville de Bangassou, à 500 km de Bangui, la capitale, sombre à nouveau dans le chaos. Le quotidien des civils et des humanitaires est rythmé par les prises d'otage et les agressions.
À Bangassou, le cauchemar a commencé début mai : six Casques bleus de la Minusca tués dans une embuscade tendue par des villageois, l'arrivée d'une centaine d'hommes armés, puis le massacre des musulmans. Djamil, l'un des rescapés, raconte : « Les Casques bleus ont dit aux musulmans de se réfugier dans la mosquée. Ce qu'ils ont fait. Puis les Casques bleus les ont abandonnés. »
L'évêque de Bangassou, l'Espagnol Juan-José Aguirre-Munoz, précise : « Après le départ des Casques bleus, une vague de miliciens anti-balaka a accouru vers la mosquée en hurlant, brandissant machettes et fusils artisanaux. Ils ont vu l'imam sortir. Ils lui ont tiré dessus. Il est tombé à genoux, blessé à mort. »
Nuit d'horreur
Encerclés par des hommes armés, quatre cents musulmans ont attendu 48 heures. Des tireurs étaient postés tout autour. « Ils nous lançaient des mains et des pieds découpés », ajoute Djamil.
Le bilan officiel fait état de 108 morts et de 76 blessés. Ce carnage est l'oeuvre de « fils de chasseurs en colère », comme les appellent les habitants. Depuis plusieurs semaines, des dizaines de rapports d'ONG, confirmés par des observateurs de l'Onu et par les autorités locales, signalaient des mouvements d'hommes armés se dirigeant vers Bangassou. « Au moins mille », avance l'évêque. « C'est probable », renchérit un humanitaire, précisant que, lorsqu'ils ont déferlé sur la ville, « ils étaient drogués, alcoolisés, incontrôlables ».
Selon l'évêque, « cette chasse systématique aux musulmans [...] est la conséquence d'un conflit de plus longue date. C'est une vengeance contre le mal qu'a fait la Seleka. Dans la tête des gens, les paisibles musulmans de Bangassou sont alliés à la Seleka. ». Puis il déplore : « Beaucoup de ces jeunes anti-balaka sont désoeuvrés et cherchent des moyens de survivance. » De fait, les musulmans de Bangassou constituent l'élite économique de la ville et sont donc une cible privilégiée.
Crise de grande ampleur
« Les anti-balaka font la loi », déplore un humanitaire. Il faut dire que la Minusca locale est amoindrie, ses soldats à bout de forces et ses matériels à bout de souffle. L'autorité de l'État n'est représentée que par sept gendarmes armés de deux fusils de chasse.
Forts de leur impunité, les anti-balaka s'attaquent désormais aux humanitaires, n'hésitant pas à les prendre en otage et à tuer deux femmes alitées au sein même de l'hôpital. Jeudi, le responsable d'une ONG médicale sur place se préparait au pire : « Des mesures d'évacuation du personnel humanitaire ont été prises » et une partie de l'équipe a été exfiltrée, en soirée, vers Bangui.