Quelques jours après des allégations faisant état d’écarts de comportements des soldats congolais de la Minusca, le ministre de la Défense nationale, Charles Richard Mondjo plaide pour la poursuite d’une relation saine avec les Nations unies dans le cadre des mécanismes diplomatiques qui régissent les accords entre les parties. Il rappelle l’engagement constant du Congo auprès de la Centrafrique depuis de longues années et le « devoir et le sacrifice » qui le sous-tendent, indiquant par ailleurs que comme cela a été le cas par le passé, des procédures judiciaires sont en cours au Congo pour traiter des cas d’indiscipline dénoncés. Réagissant à la situation dans le département du Pool, le ministre de la Défense nationale promet d’en dire plus lors de l’interpellation prochaine du gouvernement par le Parlement qui est en session présentement. Il note cependant que « les opérations de recherche des fugitifs sont toujours en cours »
Les Dépêches de Brazzaville. Monsieur le ministre, les soldats du contingent congolais de la Minusca sont montrés du doigt par la hiérarchie de la mission onusienne en Centrafrique, ils sont accusés d’indiscipline, que répondez-vous à ces accusations ?
Charles Richard Mondjo : Les forces armées de la République du Congo sont en RCA depuis plus d’une décennie par solidarité, dans le cadre d’une démarche de sécurité collective engagée par la Communauté économiques des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) d’abord, à travers un cycle de missions dénommées Micopax I et Micopax II. Ensuite avec la Misca, qui était une mission de paix sous commandement de l’Union africaine. À la reprise du témoin par la Minusca, nos forces ont été maintenues dans le nouveau statut de Casques bleus, sous commandement des Nations unies.
Certes il y a eu, dans l’accomplissement de la mission, des allégations portées contre nos unités, mais aussi contre celles de beaucoup d’autres pays engagés sur le terrain. En ce qui nous concerne, nous avons toujours réaffirmé le principe de tolérance zéro quant à l’action des forces sur le terrain. C’est pour cela que le gouvernement congolais, lorsqu’il a été saisi de ces allégations, a pris les dispositions qui étaient nécessaires pour conduire des enquêtes et infliger des sanctions disciplinaires aux présumés auteurs. Les résultats de ces enquêtes ont été communiqués aux Nations unies. Des procédures judiciaires sont en cours au niveau national, et nous ne voudrions pas ici porter des jugements sur les affaires pendantes devant les juridictions.
Nous pouvons donc vous assurer que sur ces questions, les Nations unies, tant à New York qu’à Genève, ont régulièrement été informées à travers les mécanismes de concertation qui existent. Je voudrais simplement rappeler que les Nations Unies sont une Assemblée des Etats, et le Congo en fait partie. Nous avons, avec cette institution, un cadre de concertation en tant que pays contributeur de troupes.
« C’est dans cette perspective, qu’une mission prévue de longue date est en partance pour New York dans le cadre des échanges habituels que nous avons avec le département des opérations de maintien de la paix des Nations unies ».
En tout état de cause, le gouvernement congolais reste confiant et fera tout ce qui est de sa responsabilité pour accomplir sa mission au sein de la Minusca.
Nos troupes comme toutes celles d’autres pays déployées en Centrafrique le sont pour répondre à un objectif de solidarité internationale et de sécurité collective. Le Congo a toujours assisté la République centrafricaine sous diverses formes. Dans la poursuite de cet objectif de sécurité et de la stabilité dans ce pays frère et de la sous-région, nous avons enregistré des pertes en vies humaines pour cette noble cause. Cela s’appelle le devoir et sacrifice. Nous sommes donc déterminés à poursuivre sans faille cette mission dans le cadre de notre participation à la Minusca.
LDB : D’après les informations relayées par la presse internationale, la Minusca menacerait de rapatrier le contingent congolais si des améliorations ne sont pas observées dans la manière de servir des soldats qui le composent. Comment ne pas arriver à un tel point de rupture ?
C.R.M : Nos troupes participent à la Minusca sur la base d’un accord entre le Congo en tant que pays contributeur de troupes et les Nations unies en tant qu’utilisateur de troupes. Dans le cadre de ce contrat, des responsabilités sont définies. Nous pensons que ce n’est pas par médias interposés que ce genre de question doit être réglée.
Vous le voyez, l’Etat congolais ne travaille pas sous la pression des médias. Si nous sommes saisis des faits, nous apporterons les réponses nécessaires. Mais, cela doit être fait dans le cadre des mécanismes diplomatiques établis. Encore une fois, nous sommes confiants dans la poursuite de notre relation avec les Nations unies.
LDB : Monsieur le ministre, l’actualité nationale est dominée par la situation d’insécurité dans le département du Pool. Pouvez-vous nous édifier sur les derniers développements de celle-ci ?
CRM : La présence de la force publique dans le Pool n’est pas un fait nouveau. Elle découle du processus normal de sécurisation. Le département du Pool est aussi une zone militaire de défense comme c’est le cas sur l’ensemble du territoire. Chacun sait aussi que les opérations de sécurisation qui sont menées dans ce département ont été renforcées depuis que les autorités judiciaires ont requis la force publique pour exécuter un mandat d’arrêt contre Ntoumi et ses acolytes. Les opérations de recherche des fugitifs sont en cours. La force publique exécute ce mandat avec professionnalisme, dévouement, sens du devoir et esprit de sacrifice pour le bien de la Nation. Une nation dont l’unité ne doit faire l’objet d’aucun marchandage, une nation où l’autorité de l’Etat doit régner partout.
À ce sujet, effectivement, le Parlement a interpellé le gouvernement à l’occasion de sa session en cours, sur les derniers développements de cette situation. Nous réservons la primeur des informations liées à l’action de la force publique à la représentation nationale. Je sais par avance que ce débat au Sénat sera couvert par la presse.
LBD : Les forces armées congolaises et la gendarmerie nationale célèbrent en ce mois de juin, le 56ème anniversaire de leur création. Sous quel symbole cet événement est-il placé ?
Le 56ème anniversaire des forces armées congolaises et de la gendarmerie nationale est placé sous le signe du sens du devoir et du sacrifice. Le devoir et le sacrifice sont, de tout temps, les hautes valeurs militaires. Elles induisent certes des servitudes mais forgent, à travers les âges, le caractère du soldat. Chacun sait que les militaires sont les seuls fonctionnaires de l’Etat, qui devant le péril de la nation, engagent le pronostic de leur vie pour la sauver. C’est dire qu’en cette année, nous avons voulu mettre l’accent sur le fait que les militaires et gendarmes doivent accomplir leurs missions avec engagement, compétence, portés en cela par le sens du devoir, en assumant les conséquences qui en découlent y compris au prix de leur vie. Ce n’est pas une vue de l’esprit. C’est une réalité. La noblesse donnée à ce métier passe par là.
Et dans cette symbolique, nous insistons sur le fait que l’exécution des missions de sécurité sur l’ensemble du territoire national doit être faite dans le respect des lois et règlements de la République, de la discipline militaire, du respect des droits humains.
Je profite de cette occasion pour rappeler à la gouverne de chacun de nous que la force publique est républicaine et apolitique. Elle sert l’Etat. Nous travaillons toujours à faire en sorte que ce caractère républicain et apolitique soit préservé et renforcé au fil des expériences, car c’est une construction.
Voyez-vous, quand les terroristes organisent des attaques contre la force publique, ce sont les Congolais de toutes les origines qui en sont victimes et meurtris. Quelles que soient les divergences d’opinion et les contradictions politiques, ce qui est naturel en toute démocratie, les Congolais doivent apprendre à être unanimes dans la condamnation et le rejet du terrorisme. Car nul, dans un Etat démocratique, ne devrait être autorisé à faire l’apologie du terrorisme, et prendre une partie de la population en otage.
Malgré la conjoncture économique et financière actuelle, le travail de la force publique mérite une adhésion et le soutien multiforme de chacun, c’est-à-dire, les populations, la société civile, etc… Le gouvernement, pour sa part, ne ménagera aucun effort pour donner à la force publique les moyens nécessaires pour garantir la sécurité et la protection des personnes et des biens.
Propos recueillis par Gankama N’Siah