Après la marche sur Bangui de Michel Djotodia et ses éléments de la coalition Séléka et les moments de représailles des Anti-Balaka, la ville de Bangui semble avoir une quiétude relative, ce qui la rend hospitalière à recevoir les populations de l’intérieur du pays en turbulence depuis le commencement de la crise centrafricaine. Bangui accueille de plus en plus d’habitants. Certains se font loger eux-mêmes tandis que d’autres sont hébergés par des ménages banguissois. Cela a un impact sur l’économie ménagère et déséquilibre les conditions sociales.
Le dernier recensement général de la population et de l’habitat remonte en 2003, avec une population de 4.500.000 habitants. En 2015, la population Centrafricaine est estimée à 5.391.539 habitants. Avec un taux de natalité de 33,91 %0, un taux de mortalité de 18,65%0 et un accroissement naturel de 1,53%0, la population centrafricaine semble s’écarter aujourd’hui de la programmation calculée des démographes. Surement, les conflits ont fait perdre des vies que les naissances n’ont pas toutes comblées. Cela a ralenti l’accroissement naturel de la population. La population Banguissoise qui était estimée à près de 900.000 habitants en 2015, semble également dévier les calculs des démographes. Elle n’est pas ralentie mais plutôt, croît exponentiellement puisqu’elle gagne davantage de population venant de l’intérieur du pays.
La capitale centrafricaine gagne d’habitants pas seulement par la différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité. Mais beaucoup plus dans la différence de migration (émigration et immigration). L’exode rural s’est amplifié, ce n’est plus seulement la population estudiantine qui vient à Bangui après la fin du cycle d’études primaires ou secondaires. Fonctionnaires (civils et militaires), agriculteurs, humanitaires, etc. certains résidant à Bangui et affectés à l’intérieur du pays pour des raisons de travail, d’autres, natifs et résidents de l’intérieur partent pour la capitale à cause des violences et de l’insécurité. Nous ne devons pas également oublier la présence massive du personnel militaire et civil de la Mission des Nations-Unies en Centrafrique dont la majorité est à Bangui. Bien qu’on n’ait pas fait un recensement de la population banguissoise, on pourrait l’estimer aujourd’hui à près de 1.5 millions d’habitants si on y ajoute les populations des périphéries (Bimbo et Bégoua).
Cependant, la hausse démographique engendre de difficultés dans certains ménages. Selon les résultats de l’enquête et l’analyse socio-économique des ménages, publiés en 2014 par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), les ménages de la ville de Bangui et de Bimbo présentent un niveau de vulnérabilité assez élevé. En moyenne, un ménage de l’aire urbaine de Bangui comporte 9 personnes. Environ 25% des ménages hébergeaient – sans contrepartie déclarée – des personnes qui n’étaient pas auparavant membres de leur ménage. La majorité des déplacements de populations s’est effectuée à l’intérieur de la zone urbaine de la capitale et a touché 15% de l’ensemble des ménages. La première motivation des migrations est la violence et l’insécurité, suivie d’autres raisons relatives à la perspective de bénéficier de meilleures conditions de vie. Ces mouvements de populations sont à l’origine de l’accroissement de la taille moyenne des ménages, passant d’environ 5 à 9 personnes. Si le nombre moyen de personnes est passé de 5 à 9 personnes dans 25% des ménages banguissois, cela veut dire que chacun des ménages (de la portion 25%) a augmenté de 4 personnes de plus, soit 80%. Ceci entraînerait une augmentation de 20% de la population totale. Alors, si la population banguissoise était estimée à 900.000 en 2015, plus 20%, elle serait aujourd’hui de 1.080.000 habitants, sans ajouter l’apport que les naissances peuvent amener de plus des décès. De plus, ce rapport du PNUD date de 2014, à l’époque où le conflit n’était pas répandu dans tout l’intérieur du pays comme on le constate aujourd’hui.
Les ménages hôtes (ménages qui reçoivent d’autres ménages ou d’autres personnes, selon le rapport du PNUD), éprouvent de difficultés. Suite à la baisse de revenue face à l’augmentation du nombre de personnes par ménage, pour s’adapter, ils sont obligés de baisser le nombre de repas ou la quantité, consommer les repas moins couteux ou moins préférés, vendre leurs biens, diminuer les soins de santé, ou encore recourir à l’emprunt. Mêmes les ménages qui ne se sont pas déplacés sur les sites et qui n’ont hébergé aucune personne éprouvent également d’énormes difficultés. Puisque le nombre croît, la demande augmente, les produits vivriers deviennent rares et précieux. Les prix des denrées alimentaires augmentent. Et tout le monde subit les conséquences préjudiciables. Et cela n’est pas seulement pour les produits vivriers, mais aussi les biens immobiliers. Du fait de la hausse des demandes de maisons en location, les bailleurs ont augmenté les prix des loyers. Des gens fuyant de conflit n’ont pas le choix, ils accèdent dans la maison quel que soit le prix, ce qui consomme la majorité de leurs revenus.
La population banguissoise a fait preuve d’hospitalité même si ce ne sont pas tous les ménages déplacés qui sont hébergés, mais cette population fait face à de difficultés sociales aigues. Le Gouvernement et les ONGs doivent orienter les aides dans ce sens pour alléger le quotidien des centrafricains en adoptant des mesures concrètes de politique sociale car le Centrafrique en a besoin.