Bangui – Un Rapport des experts de l’ONU, rendu public ce 1er août 2017 a dévoilé les circuits des trafics d’armes que font les groupes armés dans le pays. Les experts de l’ONU s’inquiètent des conséquences de ces trafics sur la population civile.
Ce rapport d’au moins 126 pages est rendu public dans un contexte où les violations des droits humains et les violences armées continuent de se faire enregistrées dans le pays, et intervient après celui des violations des droits de l’Homme appelé Mapping sur ces cas de violences. Selon ce rapport, le trafic d’armes et le recrutement des combattants locaux et étrangers continuent de se faire entre les frontières avec les deux Soudans, le Tchad, la République Démocratique du Congo et la République du Congo.
A la frontière avec le Tchad, ce rapport révèle que Haroun Gaye, sous le coup de sanctions, « continue de superviser le trafic d’armes mené par la coalition à Tissi, principale plaque tournante du trafic pour le FPRC où se rend occasionnellement Noureddine Adam. Des véhicules venant d’Um Dukhun (Soudan) transitent par le Tchad puis par Tissi », où les armes se vendent au vu et au su de tout le monde deux fois par semaine. Ce rapport note aussi qu’en janvier 2017, Abdoulaye Hissène a reçu d’importantes quantités de matériel militaire en provenance de Ngarba, à la frontière tchadienne, qui ont ensuite été acheminées vers Ndélé, Kaga-Bandoro, Bria et Ippy, via Akoursoulbak.
Dans la préfecture de l’Ouham, la faction al-Khatim du MPC conserve ses réseaux de trafic, et, pour le MPC, les villes frontalières de Sido, Kabo et Markounda sont considérées comme « les principaux points d’entrée. À la frontière avec le Soudan, le trafic d’armes se poursuit via Am Dafok. L’arrivée de Nourredine Adam à Ndélé, dans la préfecture de Bamingui-Bangoran, le 25 avril, a coïncidé avec celle de deux camions venus du Soudan, qui y ont déchargé du matériel militaire à sa résidence », peut-on lire dans ce rapport
Le FPRC semble également avoir réactivé ses contacts au Soudan du Sud pour acquérir des armes. Le Groupe des experts a été informé que le 25 avril, des véhicules qui viendraient du Soudan du Sud, auraient livré des armes et des munitions à Issa Bachir à Ndélé. Plusieurs sources affirment au groupe d’Experts que Moussa Assimeh, qui était l’un des plus importants généraux de la Séléka en 2013 recrute des combattants soudanais armés et fait entrer des armes dans le pays.
L’UPC lutte pour sa survie, trafic d’armes et recrutement de combattants étrangers
Le rapport du Groupe d’Expert souligne que sous la pression de la coalition dirigée par le FPRC, les revenus et le stock d’armes de l’UPC ont diminué. « De ce fait, même si elle poursuit ses activités criminelles et ses attaques contre des villages, ses opérations militaires du groupe sont quasiment au point mort. Mais dans le même temps, la coalition dirigée par le FPRC n’a pas encore réussi à mettre la main sur les principales plaques tournantes de trafic de l’UPC que sont Béma, Satéma et Mobaye, le long du fleuve Oubangui », a décrit ce rapport.
Pour les experts de l’ONU, l’UPC continue donc d’acquérir des armes et des munitions depuis la République Démocratique du Congo (RDC), ce qui est essentiel pour sa survie. Le 19 janvier 2017, le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles 18 000 cartouches devraient être transportées deux jours plus tard par bateau de Yakoma en RDC à Béma. L’UPC a également réactivé ses contacts au Soudan et au Soudan du Sud pour se procurer des armes par l’axe Djema-Obo-Zemio-Mboki-Bangassou. En rappel, le 8 décembre 2016, la MINUSCA a saisi 27 chargeurs de fusils d’assaut de type AK47 et plus de 6 478 cartouches auprès de trafiquants à Rafaï, dont deux étaient de nationalité soudanaise
Arsenal des Anti-Balaka
Le Rapport du Groupe d’Experts n’a pas épargné les miliciens Anti-Balaka. Si, pour l’essentiel, les combattants Anti-Balaka sont équipés d’armes artisanales et de munitions de chasse, de nouveaux réseaux d’approvisionnement activés par les Anti-Balaka de manière indépendante ou à l’occasion avec la coalition dirigée par le FPRC, leur ont permis d’acquérir des armes conventionnelles, principalement des fusils d’assaut de type AK-47 et des lance-roquettes
Le Rapport relève qu’en novembre 2016, quatre partisans des Anti-Balaka et deux des fondateurs du Mouvement de résistance pour la défense de la patrie (MRDP), Séraphin Koméya et Hans Nemandji III, se sont réunis à Bangui pour organiser le trafic d’armes et le recrutement de combattants en vue d’appuyer la coalition dirigée par le FPRC. Au milieu du mois de janvier 2017, Hans Nemandji et le général Arda Hakouma (FPRC) se sont également procurés des armes, notamment des munitions pour mortier de 60mm et 120mm – à Moyen Sido à la frontière avec le Tchad.
Des armes et munitions sont également acheminées clandestinement depuis la République Démocratique du Congo et la République du Congo par le fleuve Oubangui et le port fluvial de Ouango dans le 7e arrondissement de Bangui. Les trafiquants ont indiqué au Groupe d’experts qu’en décembre 2016, ils avaient collecté des armes à Géména (République Démocratique du Congo) et en mai 2017, les autorités centrafricaines ont saisi 6 000 cartouches de chasse provenant de Zongo à Port Beach à Bangui.
Selon le Groupe d’experts d’autres sources ont indiqué que depuis novembre 2016, des armes sont chargées à bord d’embarcations dans le port d’Impfondo cette fois-ci au Congo et livrées à Bangui. La MINUSCA a saisi en avril dernier dans des boutiques locales de Bangassou, actuelle plaque tournante principale du trafic d’armes, 11 275 cartouches MACC et 136 machettes vendues par des personnes venues de la RDC. Cette saisie montre que les combattants Anti-Balaka se sont mis au trafic dans la préfecture de Mbomou.
Depuis le déclenchement de la crise en Centrafrique, le pays a été frappé par un embargo sur l’importation d’armes à la destination de la Centrafrique qui empêche l’armée nationale d’en procurer et jouer son rôle. Paradoxalement, les groupes armés continuent de s’armer et causent d’énormes violations des droits humains.