Monsieur le Président, permettez-moi de vous le dire : les Centrafricains sont loin du compte. Depuis le discours historique et plein d’espoir que vous avez prononcé lors de votre investiture, les violences n’ont jamais connu une telle ampleur. 60% du territoire centrafricain sont pris en otage par des rebelles lourdement équipés, face à votre pouvoir sans armée digne de ce nom pour le défendre, frappé par un embargo sur les armes décrété par les puissances étrangères. Le pays subit le pillage systématique de ses matières premières. Les commerces illicites de diamants, d’or et de bois précieux ne cessent de fleurir dans les seize préfectures qui échappent à votre autorité.
Nous savons que vous avez hérité d’un pays à la renverse. Que la tâche pour le relever est colossale. Qu’à votre place, n’importe quel président se heurterait aux mêmes difficultés.
Mais – c’est pourtant difficile à croire – est-ce qu’on ne murmure pas à Bangui que certains éléments de la MINUSCA, venus pour protéger les Centrafricains, participeraient à ces ignominieux trafics ? Que certains Casques bleus se seraient outrageusement enrichis ? Que la police des frontières et les douanes fermeraient les yeux pour quelques misérables billets de Franc CFA ?
Si ces soupçons s’avéraient, il s’agirait du comportement détestable de protecteurs, devenus, en fait, des prédateurs. La Centrafrique s’est transformée en pays de cocagne et Far-West en même temps. Il n’y a que dans ce pays que se produisent de telles aberrations, qui dépassent l’entendement.
Monsieur le Président, votre gouvernement semble ne contrôler qu’une minuscule portion du pays : Bangui la capitale, qui se berce d’une illusion de paix.
« Je romprai avec les injustices sociales et les impunités du passé… Je m’emploierai à appliquer très rapidement le Programme du DDR. » Voilà ce que vous avez affirmé avec force le jour de votre investiture.
Ni vous, ni votre gouvernement, ni la MINUSCA n’y êtes parvenus. Compter sur le DDR pour pacifier le pays n’est rien d’autre qu’une illusion, Monsieur le Président. Peut-on négocier en état de faiblesse face à des rebelles fortement armés et arrogants ? Autant leur donner les clés du Palais de la Renaissance sans condition ! Vous avez en face de vous des mercenaires, pour qui la Centrafrique est une proie. Ce que ces ex-Sélékas veulent, c’est, au mieux, partager le pouvoir avec vous ; au pire, vous en évincer. On ne voit pas comment ces bandits de grands chemins déposeraient les armes et se rendraient aux négociations de paix sans y être véritablement contraints.
IL FAUT ÉTABLIR DES PRIORITÉS
D’abord, donner des objectifs clairs à la MINUSCA qui doit obtempérer. Les Casques bleus sont à la disposition des autorités du pays où ils sont en mission. C’est vous, Monsieur le Président, qui fixez les missions à accomplir. Or, en Centrafrique, on a l’impression que les représentants de l’O.N.U. n’en font qu’à leur tête, en prononçant des discours qui sortent de leurs prérogatives. Il faudra peut-être envisager de demander au Secrétaire Général de l’Organisation des Nations-Unies de remplacer tous les Casques bleus qui ont failli à leur mission.
Ensuite, s’engager dans une nouvelle étape de gouvernement, prendre les citoyens à témoins et agir. Car maintenir la Centrafrique dans cette situation délétère est insoutenable.
1- Les querelles entre vous-même et le Président de l’Assemblée nationale handicapent la bonne marche du pays vers la paix (SIRIRI) : elles doivent cesser.
2- La MINUSCA donne l’impression de ne pas obtempérer à vos décisions : vous devez frapper du poing sur la table et reprendre la situation d’une main ferme.
3- Il faut changer de gouvernement dans les plus brefs délais : beaucoup de Centrafricains pensent que celui qui est actuellement en place ne les protège pas.
4- Si l’ignominieux embargo sur les armes persiste, est-ce qu’il ne faudrait pas envisager de le contourner ? Certains pays voisins et des puissances étrangères pourraient vous aider en vous approvisionnant en armes. C’est de la survie de la République Centrafricaine qu’on parle, Monsieur le Président. Les populations attendent que vous les protégiez contre les ex-Sélékas qui les martyrisent depuis des années. Nous savons, Monsieur le Président, que les moyens pour accomplir votre politique vous font cruellement défaut. Mais, en vous appuyant sur le peuple, vous parviendriez sans doute à mettre en route les projets ambitieux de votre discours d’investiture.
« Même si le coq ne chante pas à l’aube le soleil se lèvera quand même » (dicton africain).
JOSEPH AKOUISSONNE