Le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, sera entendu aujourd’hui par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Lundi, il était à Paris en provenance de New York. Partout, il ne cesse de demander de l’aide. Au micro d’Europe 1, la chronique du rédacteur en chef international du JDD, François Clemenceau.
Pour dire les choses clairement, ce n’est pas retour à la case départ mais presque. D’après le dernier rapport des émissaires de l’ONU en Centrafrique, le pays a replongé dans une violence inédite depuis les massacres de 2014 qui avaient justifié le déploiement en urgence de l’opération militaire française Sangaris. Des milliers de victimes, des centaines de milliers de villageois déplacés et aucune région à part la capitale n’est épargnée par les actes de nettoyage ethnique ou de prédation tandis que les bandes armées se sont emparées des exploitations de minerais ou de diamant. Il y a bien un président démocratiquement élu, Faustin-Archange Touadéra, un embryon d’armée, 15.000 casques bleus, mais dans ce pays plus grand que la France, ce n’est pas suffisant pour ramener l’ordre et reconstruire.
Et pourtant, il y a eu des progrès. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, on ne passe pas d’une situation pré-génocidaire dans l’un des pays les plus pauvres du monde à une démocratie de canton suisse. Mais les progrès politiques ont été lents à produire du consensus au sommet et les bailleurs de fond, ceux qui maintiennent cette nation sous perfusion et qui avaient promis l’an dernier plus de deux milliards de dollars pour relancer les chantiers de l’Etat de droit et de l’économie, ne débloquent les fonds qu’en s’assurant que l’argent ne sera pas dilapidé.
Faudrait-il que la France intervienne à nouveau en Centrafrique?
C’est ce décalage des calendriers, le temps politique et social et celui de l’extrême violence et de l’impunité qui sont décalés. Un seul exemple : la présidence a initié une Commission de vérité et réconciliation pour que les groupes armés rendent les armes et intègrent les forces de sécurité, elle bénéficie de l’aide formidable de l’organisation Sant Egidio qui a fait des miracles ailleurs en Afrique et en Amérique latine. Mais le projet, toujours expérimental, ne concerne que des poignées de combattants repentis, alors que le pays est à feu et à sang.
Faudrait-il alors que la France ou d’autres se redéploient militairement sur place? C’est ce qu’on pense toujours, d’abord la sécurité puis viendra le développement. Mais on voit bien au Mali ou en République du Congo que ce n’est pas si simple. Les habitants veulent les deux en même temps et c’est normal. La France a fait son travail avec l’opération Sangaris, elle a passé le relais aux Nations Unies, elle a permis des élections libres. Elle continue avec les Européens de former une armée centrafricaine capable de se battre mais il y en a pour des années.
Emmanuel Macron a dit au président Touadera à Paris qu’il souhaitait un Etat fort mais que c’était à l’ONU de venir en aide à la Centrafrique, à la fois en moyens militaires et en moyens de développement. Ce qui traduit en creux le débat actuel parmi ceux qui redoutent une forme de pérennité du néo-colonialisme mais qui, lorsque le multilatéralisme prend le relais, se plaignent de ses insuffisances.