YAOUNDE -- A 30 ans, Adamou Youssoufa, réfugié centrafricain au Cameroun depuis quatre ans après avoir fui les violences à Yaloké, son village d'origine, a pris le courage de frapper aux portes pour être inscrit et figurer parmi les effectifs de l'école publique d'Abo Boutilla, ville de l'Est-Cameroun frontalière de la Centrafrique, où il réside désormais avec sa famille : son frère, sa sœur, son épouse et leurs deux enfants.
C'est une famille d'éleveurs peuls venue se mélanger à une population locale au sein de laquelle elle se retrouve regroupée avec de nombreuses autres victimes de la crise causée par la prise du pouvoir de l'ex-alliance rebelle de la Séléka contre le régime de François Bozizé le 24 mars 2013 à Bangui.
A ce jour, le Cameroun abrite un total de plus de 150.000 réfugiés centrafricains recensés au Cameroun suite à cette crise, auxquels s' ajoutent près de 80.000 autres issus de vagues antérieures enregistrées après le coup d'Etat mené par M. Bozizé lui-même contre le pouvoir d'Ange-Félix Patassé le 15 mars 2003, dans les régions de l'Est, du Nord et de l' Adamaoua, selon les estimations officielles.
Parmi ces réfugiés, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) estime à 113.000 le nombre d'enfants âgés de 3 à 17 ans dans la région de l'Est. La majorité de ces enfants (65%) n'ont jamais mis les pieds dans une école en Centrafrique, renseigne Félicité Tchibindat, la représente-résidente de l'UNICEF au Cameroun.
A l'école publique d'Abo Boutilla, située sur l'axe reliant Bertoua, la principale ville de l'Est, à Garoua Boulaï, à la frontière centrafricaine, 124 de ces enfants figuraient parmi les 371 élèves enregistrés en date du 20 septembre.
Doté de trois salles de classe réparties sur deux bâtiments, en attendant la livraison du chantier de deux nouvelles salles, sur un financement de l'ONU, l'établissement ouvert par les autorités camerounaises en 2007 est placé sous
l'encadrement de deux enseignantes, dont l'une exerce par ailleurs les fonctions de directrice.
Depuis la rentrée scolaire 2017-2018 ouverte le 4 septembre, Adamou Youssoufa est à sa deuxième année d'école consécutive. Inscrit au cours préparatoire (CP), il se distingue comme le plus âgé de sa classe et de l'ensemble de
l'école. Un choix assumé sans complexe, qui illustre la soif de savoirs manifestée par le jeune réfugié centrafricain de 30 ans.
"Je vais à l'école pour apprendre à parler et écrire le français" , a-t-il expliqué lors d' un entretien avec Xinhua au cours duquel sa faible connaissance de la langue d' apprentissage l'obligeait à s' exprimer en peul, sa langue d'origine, et à se faire aider, pour la traduction, par une interprète occasionnelle, une habitante d'Abo Boutilla.
En Centrafrique, environ 80% de la population est analphabète et pour Adamou Youssoufa, sa nouvelle vie au Cameroun est une opportunité pour préparer un avenir plus rassurant par l'acquisition de connaissances scolaires et espérer s'offrir des chances d'obtention d' un emploi convenable. Son travail d'éleveur de bœufs, confie-t-il, ne comble pas ses attentes.
Dans son école, il apprend à se familiariser avec les applications des nouvelles technologies de l'information et de la communication à travers l'utilisation d' un lot de tablettes reçues dans le cadre de "Connect y school" , projet opérationnalisé par l' UNICEF depuis cette année pour une cible d' environ 1.000 élèves dans les régions de
l'Adamaoua, de l'Est, de l'Extrême-Nord et du Nord.
Autour de lui, cet élève hors du commun fait des émules. Parmi ses camarades de classe, figure aussi Abdoulaye Seini, un autre jeune réfugié centrafricain âgé de 25 ans.
"L'encadrement de ces élèves réfugiés n' est pas une tâchée aisée. Ça demande beaucoup d'efforts, car la compréhension n'est pas facile. Mais la cohabitation avec les autres enfants est bonne. Certains viennent tous les jours. D'autres sont moins assidus, mais leurs parents les encouragent à venir" , indique cependant Sylvie Hortense Ndoumé, la maîtresse d' Adamou Youssoufa et directrice de l'école.
A cause de la persistance des violences en Centrafrique, le retour des réfugiés apparaît pour l'heure hypothétique.
"La région de l'Est demeure une priorité pour les Nations Unies" , a déclaré la coordinatrice-résidente du système des Nations Unies au Cameroun, Allegra Baiocchi, lors de sa visite dans la région la semaine dernière.