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Dans l’ouest de la Centrafrique, la justice tourne au ralenti
Publié le mardi 17 octobre 2017  |  VOA Afrique
Tribunal
© Autre presse par DR
Tribunal de Grande Instance de Bangui
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Dans son bureau vide, Aimé Pascal Delimo attend. Président d'une Cour d'appel qui a juridiction sur un territoire grand comme l'Autriche, il devrait crouler sous les affaires. Mais, en raison du manque de moyens et de la situation sécuritaire centrafricaine, la Cour est au chômage technique.
"Normalement, on finit à 15H30. Mais avec le rythme de la Cour, je pars en début d'après-midi, vers 14H00", dit son président, médusé: "Ca fait quatre ans que je suis là, et aucune session criminelle ne s'est tenue depuis".

Quand il part, le magistrat ferme la porte, la seule des trois du large bâtiment blanc à être ouverte la journée. Les deux autres restent closes: les deux magistrats qui occupaient les bureaux sont décédés et n'ont pas été remplacés.

"Si la justice républicaine n'est pas au rendez-vous, ça va être ce qu'on appelle la justice des armes, des vainqueurs, des bourreaux", dit M. Delimo, impassible. Il affirme ne pouvoir traiter qu'une quinzaine d'affaires par an, toutes civiles et commerciales.

En Centrafrique, pays en profonde crise sécuritaire depuis le renversement en 2013 du président François Bozizé, la justice peine à dépasser les faubourgs de la capitale, Bangui.

Lutte contre l'impunité

Depuis 2010, aucun crime n'a été jugé dans l'Ouest, alors que les violences s'y poursuivent à un rythme quasi quotidien. Ces derniers mois, plusieurs villes du nord-ouest (Ngaoundaye, Bocaranga, Niem, Bang) ont été le théâtre d'affrontements, pillages et tueries.

Dans un pays où la lutte contre l'impunité est devenue le maître-mot de la communication gouvernementale, les juridictions locales restent impuissantes.

A Bouar, dans l'une des deux prisons de l'Ouest, 18 personnes inculpées dans des affaires criminelles sont en détention préventive, en attente d'un procès.

"Je suis ici depuis février 2015. J'ai fait près de trois ans de prison sans être jugé", dit Faustin, 45 ans. La maison d'arrêt accueille 84 personnes, hommes et femmes, réunies dans quatre grandes cellules.

Ils étaient 19 inculpés pour affaires criminelles à attendre la tenue de leur procès, mais une femme a été relâchée cette année. Violée par un codétenu, elle était tombée enceinte.

Pour juger les crimes, M. Delimo énumère ce qu'il lui manque: de l'argent pour faire venir les témoins, des robes de magistrat, des moyens de transport, du matériel informatique...

Il dit ne disposer que de son téléphone portable personnel. Dans la pièce attenante, son assistant tape un document sur une vieille machine à écrire. "Le goût est amer", conclut M. Delimo.

"La non-tenue des séances criminelles encourage l'impunité", déplore Me Koutou, avocat à Bouar. Engagé par l'Association du barreau américain (ABA), il est le seul avocat de la préfecture, et l'un des trois de l'ouest de la Centrafrique.

"Être avocat, c'est un travail libéral, il faut des clients, et ici il n'y en a presque pas", explique-t-il. Dans l'Ouest, peu de gens ont les moyens de payer une défense.

Un budget de 10 millions de francs (environ 15.000 euros) a bien été alloué pour les séances criminelles de Bouar, mais il attend toujours d'être décaissé.

Peur des représailles

"Problème de trésorerie", dit-on au ministère de la Justice. Le manque de moyens est un frein à la réinstauration des piliers régaliens de l'Etat dans les provinces.

"Sans moyens, on ne peut aller dans les territoires reculés, et les plaignants qui font appel ne peuvent venir jusqu'à Bouar", explique M. Delimo. Il cite une affaire civile, qui devait enfin sortir la Cour de sa torpeur, la semaine dernière: "Mais les plaignants habitent à Nola, à 400 km de Bouar. Ils ne sont pas venus et l'affaire a été renvoyée".
... suite de l'article sur Autre presse

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