Au moins 133 civils ont été tués par des groupes armés dans deux provinces de la Centrafrique entre novembre 2016 et février 2017, a établi la Mission de l’Onu dans ce pays (Minusca) dans un nouveau rapport publié mardi, qui dénonce ces mêmes groupes "ciblant des civils" et "agissant en toute impunité".
Ce rapport, établi par la division des Droits de l’homme de la Minusca, revient sur les affrontements entre deux factions rivales, le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) et l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), pendant quatre mois dans les régions de Bria (est) et Bakala (centre), violences qui ont marqué "le début d’une nouvelle spirale de violence intercommunautaire qui se poursuit encore aujourd’hui".
Selon les enquêteurs de la Minusca, ces groupes armés "ont tué au moins 133 civils ou autres personnes protégées (82 hommes, 16 femmes, 10 enfants et 25 personnes d’âge et de sexe inconnus)" pendant cette période. La mission onusienne "est en mesure d’attribuer 111 de ces meurtres à l’UPC, et 22 à la coalition FPRC".
La Minusca dit par ailleurs avoir des "allégations crédibles" concernant la mort de "293 autres civils", tués par ces mêmes groupes armés durant la même période (167 par l’UPC et 126 par le FPRC).
Les violations et abus documentés "incluent des meurtres, des blessures, des enlèvements, des viols, le déni de soins médicaux et de secours humanitaire, l’appropriation de biens ou la destruction de propriétés et des restrictions à la liberté de mouvement", énumère le rapport.
Ces événements "démontrent la haute volatilité de la situation sécuritaire et la fragilité du processus de paix en RCA ainsi que la vulnérabilité des civils ciblés par les groupes armés qui agissent en toute impunité", s’alarme la Minusca.
Le FPRC est une nouvelle coalition issue de l’éclatement de l’ex-Séléka à dominante musulmane. Elle compte dans ses rangs des éléments issus des milices dites anti-Balaka. L’UPC, également issu de l’ex-Séléka, affirme de son côté défendre les intérêts des éleveurs peuls.
La Centrafrique est en proie depuis 2013 à des violences intercommunautaires, après le renversement la même année de l’ex-président François Bozizé par les milices Séléka prétendant défendre la minorité musulmane, ce qui avait entrainé une contre-offensive des milices anti-Balakas majoritairement chrétiens.
L’intervention de la France (2013-2016) et celle de la Minusca ont permis un retour au calme, mais les violences ont progressivement repris dans les provinces qui restent majoritairement sous la coupe des milices et groupes armés.
Les évènements de Bria et de Bakala "ont marqué une nouvelle plongée du pays dans le conflit", avec "une potentielle connotation ethnique et/ou religieuse", poursuit le rapport.
Depuis lors, "l’environnement sécuritaire s’est détérioré à travers le pays", avec "une escalade dramatique de la violence, en particulier dans le sud-est et le nord-ouest", et au moins 250 civils tués pour le seul mois de mai à Bria, Alindao, Bangassou et Niem, rappelle le document.
L’ONU "exhorte" une nouvelle fois les groupes armés à cesser leurs violences, rappelle "l’urgence" de leur désarmement, et affirme que les responsables des massacres "devront rendre des comptes".
La Minusca regrette "l’absence et/ou la faiblesse des institutions de l’Etat pour assurer une protection efficace des civils", et souligne au passage que cette protection "ne saurait être réalisée uniquement grâce aux moyens militaires" de la force de l’Onu, qui compte actuellement 12.500 casques bleus.
Le rapport tombe à moins à une semaine de la visite en RCA du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, sa première visite d’une opération de maintien de la paix depuis sa prise de fonctions début 2017.