L'organisation Médecins Sans Frontières (MSF) "atteint sa limite" en raison du manque de sécurité en Centrafrique, où "le droit humanitaire n'est plus respecté", déclare à l'AFP Frédéric Manantsoa Laï, représentant de MSF dans le pays.
QUESTION: Quelle est la situation humanitaire observée par MSF dans le pays aujourd'hui?
REPONSE: Le droit humanitaire n'est plus respecté en Centrafrique. Parfois, il n'est même pas connu par les parties prenantes du conflit. Depuis septembre 2016, on a recensé une dizaine d'intrusions dans les hôpitaux de MSF. Deux femmes retirées de force de l'hôpital de Bangassou et tuées devant... A Zémio, un enfant de deux ans sauvagement assassiné dans l'hôpital...
La population est complètement bloquée, et on est de plus en plus exposés, on prend de plus en plus de risques. On atteint notre limite, en termes d'aide humanitaire, en raison du manque de sécurité.
Q: Dans le sud-est, où la résurgence des violences a fait des dizaines de victimes ces dernières semaines, dans quelle mesure l'accès humanitaire est-il permis?
R: Sur Pombolo (théâtre d'affrontements qui ont fait au moins 26 morts la semaine dernière), ça fait cinq jours qu'il y a des blessés. Il y en aurait 96. C'est quasiment impossible d'aller sur place. On est en train de négocier pour avoir les accès, mais on n'y arrive pas.
A Kembé, l'attaque a eu lieu il y a deux semaines, on parle de 36 blessés, et on n'arrive pas à aller les chercher. Personne ne peut nous dire où sont ces blessés aujourd'hui. Les groupes armés, surtout les anti-Balaka, ne sont pas structurés.
Ils changent de modus operandi tous les jours. Avant, on n'avait aucun problème d'accès. La population venait à l’hôpital. Aujourd'hui, ça devient de plus en plus difficile. C'est l'émotion qui parle (chez les combattants), pas la raison.
Q: Quels sont les signaux sur l'évolution de cette situation?
R: Honnêtement, à MSF, on est extrêmement inquiets. Avec ce conflit et l'insécurité, il va y avoir d'autres conséquences, surtout pour les populations les plus vulnérables comme les enfants de moins de 5 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées: des problématiques d’accouchement, la malnutrition, par exemple. La situation humanitaire va s'empirer si ça ne s'arrête pas.
C'est frustrant de ne pas pouvoir répondre aux besoins des populations victimes de ce conflit (les déplacés, la population, les blessés)... C'est frustrant. Ce n'est pas une histoire de financements, c'est juste à cause de l'insécurité, on ne peut pas y aller sans prendre des risques considérables pour nos équipes.
A Mobaye (sud-est), par exemple, personne n'est présent à part MSF, tout le monde s'est retiré. L'espace humanitaire se réduit, et la population souffre.
Propos recueillis à Bangui par Amaury Hauchard.