Accusé régulièrement d’être l’auteur de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre 2012-2017, le patron de l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC) le sieur Ali Darass, de son vrai nom Ali Mahamat Darassa, est aujourd’hui sous le radar des États-Unis qui demandent depuis 2015 son arrestation. Mais qui est cet Ali Darass ? Reportage du CNC.
Peul de nationalité guinéenne, le sieur Ali Mahamat Darassa est un jeune bouvier qui traversait plusieurs fois les frontières centrafricano tchadiennes de son jeune âge pour pâturer le bétail de ses patrons. En terre centrafricaine, il est connu et appelé Ali Darass et s’est vu approché par le chef rebelle Baba Laddé qui lui confia ses troupeaux et est devenu son aide de camp rapproché dans la marche pour la prise du pouvoir par le général François Bozizé en mars 2003.
De Libérateur à la Séléka.
Recruté par le général François Bozizé en 2002 pour appuyer sa rébellion, le général tchadien Baba Laddé faisait appel à son garde du corps Ali Mahamat Darassa alias Ali Darass pour le rejoindre aux côtés du général Bozizé. Avec la prise du pouvoir du général François Bozizé en mars 2003, Ali Darass est devenu très vite l’un des gardes rapprochés du président Bozizé. Il fut naturalisé Centrafricain avec plusieurs autres rebelles tchadiens par un décret présidentiel de leur maître François Bozizé fin 2003.
Tombé en disgrâce, Baba Laddé a été rapatrié au Tchad avec tous ses éléments, y compris monsieur Ali Darass, par le Président François Bozizé. Baba Laddé fut arrêté et emprisonné au Tchad tandisque Ali Darass a pris la fuite pour s’installer dans le Nord.
De nouveau recruté par la Séléka, Ali Darass mené le combat pour chasser Bozizé du pouvoir. Ali Darass a été promu commandant de la région militaire Ouaka-Basse-Kotto sous le régime Séléka du Président Djotodia en 2013 jusqu’à nos jours.
De la chute du pouvoir de la séléka aux crimes de guerre.
Après la chute du pouvoir de la Séléka en 2014, le sulfureux Ali Darass arrive à maintenir toute la région de la Ouaka, de la Basse-Kotto, de Mbomou et Haute-Mbomou sous sa domination militaire, car le décret présidentiel le nommant à ce poste n’a pas été abrogé. Grâce à l’exploitation illégale des mines d’or, des prélèvements illégaux des taxes douanières au large du fleuve de l’Oubangui notamment à Mobaye et autres, le chef rebelle Ali Darass arrive à constituer son propre groupe armé sous la cendre de la Séléka disloquée et de sa propre ethnie peule. Baptisée l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), la nouvelle faction rebelle de la Séléka dirigée désormais par le sulfureux Ali Darass n’a pas cessé de s’équiper en armes et hommes depuis le Tchad grâce au réseau du tchadien Baba Laddé, son ex-patron.
Désormais plus fort militairement, Ali Darass et son groupe UPC comptent défendre son territoire exploité plus grand comme la Côte d’Ivoire et Ghana réunis contre toutes les menaces venues des groupes rivaux quitte à commettre des crimes de guerre.
De son fief de Bambari puis Alindao, Ali Darass multipliait de vastes opérations militaires sanglantes au Centre et à l’Est du pays, faisant au passage des centaines des morts innocentes dans des communes suspectées d’abriter des miliciens Anti-Balaka ou les éléments des autres factions rivales de la Séléka comme le FPRC ou le MPC.
Ali Darass et son réseau au sommet de l’État.
Si aujourd’hui Ali Darass se comporte comme un poisson dans l’eau dans le pays, c’est exactement par ce qu’il sait conjuguer le verbe manger au présent.
Selon les estimations des spécialistes, les exploitations des différents gisements miniers exploités illégalement par le sulfureux Ali Darass pourraient lui apporter mensuellement près de 3 milliards de franc CFA sans compter les recettes générées par son service personnel des douanes et celui des taxes de transhumance qui s’élevaient à 25 000 francs CFA par tête du bétail.
Dans la tradition, les Peuls sont trop gentils. Ali Darass, n’en a pas échappé, non plus. Loin d’être égoïste, Ali Darass reversait une partie de ses recettes au Trésor public au temps de la transition et des pourboires aux autorités du pays.
D’après nos informations, Ali Darass donne de temps en temps de l’argent et des bœufs au Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji qui les partage avec le président Touadéra.
Plusieurs sources affirment d’ailleurs que ce sont les émissaires du Premier ministre Mathieu Simplice Sarandji qui se rendaient à Bambari rencontrer Ali Darass qui écoulaient ses kilogrammes d’or et carats de diamant.
Et la MINUSCA ?
Si les nouvelles autorités du pays sont soupçonnées de connivence avec l’UPC d’Ali Darass, le cas de la MINUSCA est beaucoup plus surprenant pour le peuple centrafricain. D’après les faits observés directement sur le terrain, les soldats de la MINUSCA n’ont jamais osé désarmer les rebelles de l’UPC, bien au contraire, ils les protègent contre leurs adversaires.
Contacté par CNC, un cadre de la mission affirme qu’ils ont reçu l’ordre de protéger la population minoritaire dont Ali Darass fait partie. Mais pour certains observateurs politiques nationaux, monsieur Ali Darass bénéficie sans doute du soutien tactique de son beau-fils mauritanien qui est le représentant spécial de la Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies en Centrafrique (MINUSCA) dans la Ouaka, plus précisément à Bambari.
Et la justice ?
Auteur des nombreux crimes, dont les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, le chef rebelle Ali Darass pourrait se retrouver très vite devant la Cour Pénale International d’après un document confidentiel émis par le bureau de la procureure de la Cour, Fatou Bensouda. En attendant, l’homme est toujours libre en dépit de l’appel de l’ambassadeur des États-Unis en Centrafrique qui avait demandé publiquement son arrestation.
Rappelons que monsieur Ali Darass a mis toute sa famille à Obo à l’extrême Est de la RCA et pourrait la rejoindre bientôt.