Les députés centrafricains ont profité de la venue du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en Centrafrique pour demander que la mission de maintien de la paix des Nations unies (Minusca) se mobilise davantage contre les bandes armées qui ravagent le pays.
"Beaucoup de paroles mais on attend que cela (les annonces de M. Guterres sur la Minusca) se traduise en actes", a lancé le président de l’Assemblée nationale Abdoul Karim Meckassoua au patron de l’ONU au cours d’une rencontre à l’Assemblée nationale.
Guterres, qui achève ce vendredi une visite de quatre jours, a plaidé à plusieurs reprises pour un renforcement des capacités en hommes et en moyens opérationnels de la Minusca, dont le mandat arrive à expiration le 15 novembre 2017.
La force onusienne est accusée par ses détracteurs de "passivité", parfois même de "collusion" avec les groupes armés, mais aussi d’agressions sexuelles.
En juin, un bataillon de plus de 600 soldats du Congo-Brazzaville avait été renvoyé après des accusations d’agressions sexuelles et divers trafics. En 2016, 120 Casques bleus du même pays avaient déjà été renvoyés pour des motifs similaires.
"Pourquoi ne pas répliquer les opérations de Bambari et Bocaranga", a lancé l’ancien Premier ministre Anicet-Georges Dologuélé.
A Bambari (centre) en février 2017 et à Bocaranga, (nord-ouest) en octobre 2017, les interventions de la Minusca ont fait fuir les groupes armés qui étaient en ville.
"Notre Etat est en lambeaux, son périmètre dépasse à peine la ville de Bangui. Il n’ y a pas d’ordre public", a ajouté le président de l’Assemblée nationale M. Meckassoua.
Guterres a renouvelé son soutien à la Minusca, rappelant que depuis janvier 2017, 12 Casques bleus ont perdu la vie.
A terme, la mission de l’ONU devra être remplacée par les Forces armées centrafricaines (FACA), a-t-il rappelé.
"Vous pouvez compter sur moi pour plaider afin que les FACA puissent disposer des armes et équipements dont elles ont besoin", a-t-il déclaré sous les applaudissements de l’Assemblée.
L’armée centrafricaine, quasi-inexistante, est en lente phase de reconstruction, et le pays, ravagé par les groupes armés, est soumis à un embargo sur l’achat d’armes.
Le patron de l’ONU s’est aussi engagé à garantir une "tolérance zéro en matière d’abus sexuel" de la part des Casques bleus.
Auparavant, M. Guterres avait rencontré les habitants du quartier musulman du PK5 à Bangui. Aux abords du lieu de la réunion, quelques dizaines de manifestants scandaient "non à la Minusca".
La Centrafrique est en proie depuis 2013 à des violences intercommunautaires, après le renversement la même année de l’ex-président François Bozizé par les milices de la Séléka prétendant défendre la minorité musulmane, ce qui avait entraîné une contre-offensive des milices anti-balaka.
Aujourd’hui, des groupes armés s’affrontent en Centrafrique pour le contrôle des ressources naturelles (diamants, or, bétail...) dans ce pays de 4,5 millions d’habitants, le plus pauvre au monde.
RCA: interpellé par les députés centrafricains, António Guterres répond
Le secrétaire général de l’ONU achève ce vendredi 27 octobre au soir sa visite de quatre jours en RCA. António Guterres est allé ce matin à la rencontre des habitants du PK5. Auparavant, il s’est adressé à l’Assemblée nationale où il a été interpellé par les députés. Et ces derniers n’ont pas mâché leurs mots.
Le président de l’Assemblée a fait part du trouble permanent qui saisit les Centrafricains. « Comment expliquer que 12 000 hommes de la force des Nations unies soient sur le terrain et qu’en même temps les populations civiles continuent d’être massacrées ? Quel est le mandat de cette force ? Ne peut-on pas faire mieux et plus ? » a demandé Karim Meckassoua. « Comment se fait-il que les FACA [les forces armées centrafricaines] ne soient pas réarmées et déployées dans nos provinces ? » a-t-il ajouté.
Après un plaidoyer de deux députés, le chef de l’opposition Anicet-Georges Dologuélé, prend la parole à son tour : « Nous avons tous relevé que certains responsables de la Minusca entretenaient avec des chefs de guerre des sympathies liées, soit à la culture, soit à la religion, soit à des intérêts économiques obscurs ». Tonnerre d’applaudissements dans l’hémicycle.
« Ces forces sont au service du peuple centrafricain »
António Guterres, parlementaire pendant plus de vingt ans, monte à la tribune. Il défend l’impartialité de la Minusca, le sacrifice de ses soldats et concède la nécessité d’amélioration du mandat.
Puis, il réplique : « Je vous garantis que ces forces sont au service du peuple centrafricain et n’ont aucun autre agenda. Je connais la politique et quelquefois c’est très facile de faire de la manipulation d’une réalité et la manipulation politique peut avoir des conséquences terribles ». Il ajoute « vous pouvez compter sur moi pour plaider pour que les FACA puissent disposer d’armes et d’équipements. Vous avez le droit d’être les maîtres de votre destin ». Les députés applaudissent à tout rompre, conquis par leur hôte du jour.
António Guterres se rend au PK5
Après l’Assemblée nationale, le secrétaire général de l’ONU s’est rendu au PK5, quartier de Bangui à prédominance musulmane.