Hier, 8 novembre 2017, s’est ouvert à Bangui, capitale de la RCA, le Forum des investisseurs. 36 de ces investisseurs arrivent de l’étranger. Pour l’instant, il s’agit, pour les participants, de voir si la Centrafrique est désormais un vivier pour développer leur économie. L’on peut déjà saluer à sa juste valeur, l’intérêt que portent les investisseurs à ce pays, tout en se posant la question de savoir s’ils avaient véritablement besoin d’effectuer le déplacement de Bangui pour prendre le pouls de la situation qui y prévaut. En effet, il est de notoriété publique que le pronostic vital de ce pays est pratiquement engagé depuis la chute de François Bozizé. Et l’élection du Mathématicien Faustin Archange Touadéra à la tête de l’Etat, n’a pas contribué, pour le moment, au grand désenchantement des Centrafricains, à apporter des éléments de réponse aux nombreuses et complexes équations qui se posent au pays.
La table ronde de Bruxelles a tous les attributs d’un fiasco
Une de ces équations est sans conteste celle liée à l’insécurité savamment entretenue par les groupes armés. Et ce contexte, marqué par la loi des desperado, est la conséquence logique du fait que 70%envergure des defis qui se dressent devant le paysseulement 940 millions de nos francs ont été decaissés. Et ce montant represen du territoire échappe encore au contrôle de l’Etat centrafricain, si l’on peut se risquer à l’appeler ainsi. De ce fait, l’on peut, à propos du Forum des investisseurs, se poser la question suivante : met-on la charrue avant les bœufs ? Car, la bonne méthodologie aurait consisté d’abord à mettre un point d’honneur à restaurer l’Etat centrafricain. Ce prérequis s’impose à tout. Certes, la MINUSCA (Mission des Nations unies de soutien à la Centrafrique) est déployée dans le pays, mais l’on peut dire que celle-ci est loin d’avoir ramené les groupes armés à de meilleurs sentiments. Sous ses yeux, en effet, les forces négatives que sont la Séléka, les Anti-balaka et leurs appendices, se livrent encore à leur sport favori chaque jour que Dieu fait, c’est-à-dire violer, tuer, piller, brûler sans scrupule et sans retenue. C’est cette violence ambiante, entre autres, qui explique le résultat franchement décevant du financement du plan de relèvement et de consolidation de la paix dans ce pays. En effet, sur des promesses de financement à hauteur de 1600 milliards de F CFA faites par les bailleurs de fonds à Bruxelles, depuis le 17 novembre 2016, seulement 940 millions de nos francs ont été décaissés. Ce montant représente une véritable broutille, face à l’envergure des défis qui se dressent devant le pays. Pour tout dire, la table ronde de Bruxelles, un an après, a pratiquement tous les attributs d’un fiasco. Et comme les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, l’on peut craindre que le Forum des investisseurs qui s’est ouvert, le 8 novembre dernier sur le sol centrafricain, soit sanctionné par un manque d’enthousiasme des participants à délier les cordons de la bourse pour aider la RCA à sortir la tête de l’eau. L’argent, dit-on, a peur du bruit. Or, force est de constater que pratiquement toute la Centrafrique vit au rythme des crépitements des armes et de l’aiguisement des machettes des groupes armés. Les chefs de guerre qui entretiennent ce climat de terreur, n’ont aucun intérêt à y mettre fin. Car, cela leur permet de se livrer, en toute tranquillité, à l’exploitation des immenses richesses dont le pays regorge. C’est pourquoi, la première action qui, visiblement, vaut la peine d’être menée impérativement, est de les neutraliser.
La RCA a besoin d’être assistée de manière significative
Et la communauté internationale a l’obligation politique et sociale d’aider le malheureux Archange Touadéra à aller dans ce sens. C’est véritablement cet exercice de salubrité publique qui peut inciter les investisseurs, nationaux comme étrangers, à se lancer à l’assaut de la reconstruction de la République centrafricaine. En tout état de cause, la RCA a besoin d’être assistée de manière significative. Et les investisseurs ont leur partition à jouer. D’ailleurs, l’on peut dire que leurs actions pourraient contribuer à engager le pays résolument sur le chemin de la normalisation de la situation. Et les arguments qui soutiennent cette thèse sont nombreux. Premièrement, leurs investissements peuvent créer des emplois pour les populations dont l’écrasante majorité est rongée aujourd’hui par l’oisiveté. Celle-ci, on le sait, est source de bien d’autres vices dont celui qui consiste à offrir ses bras à ceux qui ne peuvent prospérer que si la Centrafrique est dans le chaos. Deuxièmement, si les investissements sont bien orientés, ils ont de fortes chances de rattraper les disparités en termes de développement des régions du pays. Et cela a pu servir de grain à moudre à la Séléka pour en découdre avec le régime de François Bozizé. Troisièmement, les impôts que peuvent générer les activités des investisseurs, peuvent apporter de l’argent frais au budget de l’Etat. Toute chose qui peut lui donner les moyens de faire face à certaines dépenses de souveraineté, donc de se positionner dans le concert des nations comme un Etat digne de ce nom. Enfin, les investisseurs ont l’avantage qu’ils évoluent dans un cadre légal. Ce qui permet à l’Etat de suivre la traçabilité de leurs activités et de certifier leurs productions. De manière évidente, cette démarche, qui participe de la transparence des affaires, peut porter un coup dur à tous ces groupes armés dont la prospérité, on le sait, est bâtie sur le trafic illicite des ressources minières des zones qu’ils occupent. Mais, pour véritablement extirper la RCA de l’économie de la pénombre qui la caractérise aujourd’hui et qui, en aucune façon, ne rend service au pays mais aux individus sans foi ni loi, il faut, en plus de l’impérieuse nécessité de sécurité les biens et les personnes, travailler à la mise en place d’une sécurité juridique dans un pays dont la justice est à plat. Cela dit, l’on peut facilement imaginer l’ampleur de la tâche qui attend Archange Touadéra et son équipe. Mais de manière générale, l’œuvre de redressement de ce pays potentiellement très riche mais rendu très pauvre du fait de l’incurie de ses fils et filles, incombe à la communauté internationale et à toutes les personnes qui éprouvent de l’empathie pour le peuple centrafricain ; lui qui, depuis l’accession du pays à l’indépendance, n’a jamais profité de ses immenses richesses.
« Le Pays »