Le forum des investisseurs de Bangui en République Centrafricaine, qui s’est achevé le 9 novembre 2017, n’aura pas été marqué par des signatures de contrats ou d’engagements de financements. « Le processus avec des investisseurs prend beaucoup de temps. Ici, nous avons discuté avec des partenaires, nous leurs avons présenté des projets, c’était une première phase. Maintenant, il y a un comité de suivi qui a été mis en place, et qui fera en sorte que les différents engagements puisse se concrétiser », a fait savoir Come Hassan, le ministre du Commerce et de l’Industrie.
Mais une chose que reconnaît les autorités locales, c’est que la rencontre a atteint au moins un de ses objectifs : renforcer les capacités des autorités. « Nous avons beaucoup appris en échangeant avec les investisseurs. Nous avons une meilleure vue de nos différents projets et cela a aussi été bénéfique pour nous qui travaillons à la mise en place de ces projets », a confié à Ecofin, un haut responsable du ministère de l’Agriculture.
Pour les investisseurs de divers horizons qui ont répondu présent à l’événement, la curiosité a été satisfaite. « Nous sommes un groupe ukrainien, et avons déjà investi en République de Guinée Equatoriale dans le stockage des produits pétroliers. Nous sommes venus ici pour voir ce qui était faisable dans le pays. Les discussions ont été enrichissantes, mais après il faudra voir comment les choses se mettent en place », nous a fait savoir André Hvozdik, le directeur commercial adjoint du groupe Duglas Allance.
Sur un plan purement financier, les choses n’ont pas beaucoup avancé. Les 2 milliards $ d’engagements pris par les investisseurs lors de la conférence de Bruxelles en novembre 2016, tardent encore à se transformer en flux de capitaux pour le pays. Plusieurs investisseurs présents ont confié n’avoir pas encore de visibilité concrète sur le niveau de stabilité institutionnelle, sociale et structurelle, malgré les avancées présentées par les différentes autorités du pays.
Au sein du gouvernement on promet de poursuivre avec les réformes et la sensibilisation des acteurs économiques, notamment locaux, sur les avantages à investir dans le pays. Mais les choses sont vraiment complexes. Une situation qui s’illustre parfaitement par le faible niveau de crédits accordés à l’économie par les 4 banques qui restent dans le pays. Selon des cadres du ministère des finances, ce montant a été de seulement 148 milliards de FCFA.
Or, comme le relève Yvon Psimhis, le conseiller économique et vice-président du patronat centrafricain (Groupement Interprofessionnel de Centrafrique – GICA), le secteur privé est prêt à investir jusqu’à 400 milliards de FCFA, pour contribuer au plan de relèvement. « Nous avons besoin que de nombreux partenaires nous fassent davantage confiance, sur un marché que nous connaissons, et sur lequel nous avons résisté aux différents bouleversements du pays », nous a-t-il confié.
Pour le président de cette organisation, les attentes sont certes dans l’obtention de nouveaux partenariats pour une meilleure gestion des risques, mais plus encore dans une accélération des réformes structurelles, notamment dans la lutte contre le commerce illicite et quelques goulots d’étranglement au sein de l’administration.
« Les sociétés membres du Groupement Interprofessionnel de Centrafrique sont le premier bailleur de fonds de l’Etat, en ce qu’elles contribuent pour près de 67,8% aux ressources budgétaires. En retour, nous demandons simplement à bénéficier d’un cadre des affaires amélioré qui nous permette de grandir et d’accroître aussi notre contribution au ressources budgétaires », a déclaré Yvon Kamach, lors de la conférence de presse de clôture.
Le pays regorge pourtant d’opportunités, et son secteur agricole a été particulièrement remarqué par les investisseurs qui ont fait le déplacement. On compte dans le pays près de 15 millions d’hectares de terre arables, avec un positionnement central sur un marché où on retrouve des pays pétroliers ou encore miniers comme la République Démocratique du Congo, et, via le Cameroun, l’important marché du Nigéria. Les ressources du sous-sol sont tout aussi intéressantes et « ne demandent qu’à attirer les investisseurs », a confié le ministre des mines Leopold Mboli Fatrane.
Mais le processus sera long. Des années de troubles sociaux ont fortement perturbé le cycle de formation des jeunes et les compétences manquent dans le pays. Dans le même temps, le calme retrouvé à Bangui reste assez précaire. Par ailleurs, et comme pour rappeler le contexte, Bangui la capitale du pays qui a connu 16 mois d’accalmie a été la victime le lendemain de la clôture du Forum d’un attentat au quartier dit PK5.
Idriss Linge